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Les lectures de Philippe Jaenada

En 2015 "La petite femelle" nous avait passionnés, mais quel lecteur est Philippe Jaenada ?

Les lectures de Philippe Jaenada

2017, une rentrée Jaenada ? Régulièrement, on le repère les années impaires dans les rentrées littéraires, et 2017 ne fera pas exception avec, sans doute, un de ses plus grands livres. La Serpe (Julliard), qui sort fin août, est une cathédrale dédiée à la littérature, au travail d’enquête et à l’histoire du 20e siècle, dans la veine de La petite femelle qui, en 2015, nous avait tant chavirés.

L’histoire de La serpe se déroule dans la France de la guerre puis de l’après-guerre et relate le massacre d’une famille dans un château. On y croisera Clouzot, le photographe Edouard Boubat, le Paris intellectuel de l’après-guerre, et Georges Arnaud, l’auteur du Salaire De La Peur qui est le héros trouble de cette formidable histoire. On en reparlera parce qu’il est difficile de passer à côté d’un petit bijou (800 pages quand même) qui renouvelle non pas seulement le genre du roman, mais l’identité même de l’écrivain. Mais en attendant de plonger dans un nouveau grand Jaenada, retrouvons l’auteur dans ses habits de lecteur, juste pour cet été. Il le fait à sa manière, comme on aime.

 

Les livres que je vais emporter avec moi cet été et les lectures que j’aimerais vous conseiller :

 

« Cet été, comme tous les deux ans, quand j’ai un livre qui sort à la rentrée, je commence à lire les romans de mes futurs voisins de TGV, avec qui je vais sillonner la France pendant trois mois. Principalement pour trois raisons : parce que ça m’intéresse (bonne raison, je pense), parce que certains sont des amis, et parce que je vais probablement me retrouver, à Nancy, Manosque ou Brive, dans des débats, tables rondes etc. avec d’autres – or autant savoir de quoi on parle. Pour l’instant, forcément, je lis ceux qu'on m’a envoyés, c’est-à-dire surtout ceux d’amis. Par exemple, et en vrac : Dans le désert, de Julien Blanc-Gras, au Diable Vauvert ; Les jouisseurs, de Sigolène Vinson, à L’Observatoire ; Le livre que je ne voulais pas écrire, d’Erwan Larher, chez Quidam ; Un loup pour l'homme, de Brigitte Giraud, chez Flammarion ; Summer, de Monica Sabolo, chez JC Lattès ; Le camp des autres, de Thomas Vinau, chez Alma ; Les hommes, de Richard Morgiève, chez Joëlle Losfeld ; L'insoumise de la porte de Flandre, de Fouad Laroui, chez Julliard ; L'invention des corps, de Pierre Ducrozet, chez Actes Sud ; et L'art de perdre, d’Alice Zeniter, chez Flammarion. Ça fait beaucoup, oui. Les étés des années paires, je ne lis que des polars, de préférence américains du milieu du XXe siècle, mais là, vraiment : pas le temps. 

 

Quant à mes conseils de lecture pour l’été (bien sûr, aucun de ceux qui précèdent, puisqu’ils ne sont pas sortis), je vais me contenter des livres que j’ai vraiment aimés parmi ceux que j’ai lus très récemment, sinon c’est parti pour une liste de deux cent cinquante romans. Trois ou quatre, ça me semble raisonnable. D’abord, la Queen avant tout le monde, la lionne discrète des Buttes Chaumont, la pâquerette cosmique, Virginie Despentes, Vernon Subutex t.3, chez Grasset (et naturellement, 1, 2 et 3, si on n’a pas commencé). Ensuite, un autre de mes héros, Franz Bartelt, Hôtel du Grand Cerf, au Seuil : cet homme est drôle et comprend tout, il écrit d’une manière simple et belle, sensible, décalée, avec une finesse et un détachement de grande classe, je l’aime (en plus, stupeur quand j’ai découvert le titre : quand je suis né, à Saint-Germain-en-Laye, ma mère travaillait et logeait dans un hôtel où j’ai passé les premières semaines de ma vie : l’hôtel du Grand Cerf). La daronne, de Hannelore Cayre, chez Métailié : nous avions fait une signature commune il y a plus de dix ans dans la librairie de mon (notre ?) quartier, je l’avais trouvée étrange et amusante, particulière, mais je n’avais pas lu son livre ; on m’a conseillé La Daronne, le nom de l’auteur me rappelait quelque chose, je l’ai lu, je me demande ce que j’ai foutu depuis plus de dix ans au lieu de lire ses livres. Et Enfin, Tokyo vice, de Jake Adelstein, chez Marchialy : je pensais que c’était une sorte d’enquête policière, mais non, pas du tout, ou plutôt pas seulement, c’est une passionnante plongée dans la société japonaise (extrêmement déconcertante) vue sous l’angle, révélateur, de la police, les yakusas, les meurtres, les mœurs, le sexe, les familles, et finalement tout ce qui fait une civilisation (c’est pile ce que j’aime : passer par de petites portes latérales pour entrer l’air de rien dans une grande salle où on trouve tout). Les trois derniers livres sont plus ou moins des polars, ou ont un lien plus ou moins élastique avec les faits divers, ça me fait plaisir de penser qu’on les lira, ça me rappellera un peu, par procuration, mes étés pairs. » 

 

Propos recueillis par Karine Papillaud

 

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