"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Reugny, village des Ardennes belges à un jet de pierre de la frontière française.
Reugny, ses sentiers de randonnée, son Centre de Motivation prisé des chefs d’entreprise impitoyables qui y envoient leurs employés s’affronter dans des compétitions tout aussi impitoyables, son Hôtel du Grand Cerf transmis de génération en génération, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que mort s’ensuive si nécessaire.
Reugny, son idiot du village, ses habitants qui ont tous quelque chose de plus ou moins moche à cacher, son douanier honni qui ne le sait que trop bien et prend des notes sur tout le monde.
Bref, Reugny, un village au charme bucolique et paisible.
Jusqu’au jour où le douanier précité se fait méchamment décapité.
C’est alors qu’entre en scène l’inénarrable inspecteur Vertigo Kulbertus, à 15 jours de la retraite, aussi volumineux et délicat qu’un bulldozer, et presque aussi bruyant, puisqu’il vocifère, rote ou pète à qui mieux mieux, selon le moment de la journée. Parce que quand il n’enquête pas, Vertigo Kulbertus boit de la bière et mange des frites quatre fois par jour avec, selon l’heure, des boulettes, du cervelas, des fricadelles ou du steak (vous aurez noté une certaine méthode, puisqu’il mange ces différents aliments carnés dans l’ordre alphabétique).
Bref, donc, quoi que vous en pensiez (mauvais esprits), l’enquête est entre de bonnes mains, et c’est tant mieux, parce que d’autres cadavres ne vont pas tarder à se bousculer au portillon. Heureusement, l’inspecteur va pouvoir compter sur la complicité de Nicolas Tèque, journaliste qui – par hasard – se trouve sur les lieux pour un reportage sur Rosa Gulingen, actrice mondialement connue et morte 40 ans plus tôt dans des circonstances pas tout à fait claires – devinez où – à l’Hôtel du Grand Cerf.
Mais la vraie vedette de ce roman, c’est bien sûr Vertigo Kulbertus, qui prend toute la place, au propre (même s’il est répugnant, en fait) et au figuré.
Avec ses méthodes peu orthodoxes, le bougre cache bien son jeu et se révèle beaucoup plus fin et subtil qu’il n’y paraît. Passé, présent, histoires de famille et de voisinage, tout est imbriqué et Kulbertus tire le fil de la pelote pour mettre au jour les tréfonds de la noirceur humaine.
C’est noir, drôle, cynique, parfois trash et outrancier, intelligent, diablement bien construit et maîtrisé. Jubilatoire.
9 morts ! et jusque la dernière page il y aura des morts ! Une enquête policière a lieu mais ce n'est pas l'enquête qui importe le plus dans ce roman. Ce sont surtout les divers personnages et leurs manies, leurs singularités, leurs vices... Il y a les personnages notamment vivant ou travaillant à l'asile psychiatrique, dont un ancien flic qui mènera sa propre enquête, ceux de la municipalité et même les habitants qui se retrouvent au bistrot du coin. L'arme du crime semble parfois identique, mais pas toujours. de même, on cherche le mobile de ces crimes. Parfois, on sait tout de suite qui est le criminel mais pas toujours. Ce n'est que petit à petit qu'on apprendra quels sont les criminels et les motifs qui les ont poussés à tuer. Il y a finalement 6 assassins différents.
C'est assez loufoque, parfois cruel mais passionnant et il y a de beaux passages, bien écrits. C'est toutefois parfois difficile de s'y retrouver, vu le nombre important de personnages ayant une raison de tuer...
HILARANT
J'appelle à la barre du tribunal du rire le prénommé Franz Bartelt, ancien travailleur dans une usine de transformation de papier à Givet et écrivain hilarant aujourd'hui. Poète, nouvelliste, feuilletoniste, prix Goncourt de la nouvelle en 2006 notamment, Franz Bartelt mérite qu'on s'attarde sur son écriture, son style et ses histoires totalement absurdes. À la lecture de ces deux ouvrages, il eut été difficile de ne pas rire. le rire. Chose de plus en plus rare qui se manifeste par un éclat de voix plus ou moins « congruent » venant soit éclairer une pièce, soit la rendre inaudible. le rire. Si fragile et ténu lorsqu'on est acteur, si docile quand est passif. Écrire sur les livres de l'auteur pourrait devenir acte de bravoure ou d'inconscience tant les pièges sont nombreux. On pourrait prendre l'écriture humoristique comme un gag ou considérer son auteur comme une branleur. Il est aisé de faire rire en présentiel, parfois, ce n'est pas la blague qui fait jaillir nos dents mais bien la crotte de nez de son interlocuteur. À l'écrit, nulle crotte de nez (sauf si c'est un livre d'occasion, auquel cas veuillez contacter l'ancien propriétaire), il faut requérir la quintessence de chaque mot ou formule.
C'est là tout l'art et la maitrise d'un Franz Bartelt dans Of course et le bon temps. Dans le premier des deux, l'auteur narrateur ne se prend pas au sérieux et nous explique l'envers du décor d'un livre tout en menant l'enquête d'un serial killer de prostituées et son arme favorite : un fer à cheval (très pratique pour la préhension). Là comme ça, certains auront déjà dû arrêter la lecture de cette chronique, c'est le jeu ma pauvre Lucette mais tenez bon, ce n'est rien à côté de la folie de Franz. Au début de chaque chapitre, se trouve un jeu de mots ou une formule bien sentie pour que vous ne soyez pas surpris par la marchandise. Car l'auteur est tout à la fois, parfois subtil, parfois plus vulgaire et potache.
Avec un sens aiguisé d'une narration en fil rouge, nous suivons cet apprenti écrivain qui souhaite faire une biographie de Moncheval, d'un commissaire qui roupille constamment dans une ville où l'alcool coule à flots (oui les écrivains boivent beaucoup, ce n'est pas une légende). À coups d'aphorismes, de phrases totalement lunaires, on jubile sur son canapé (vous pouvez lire ailleurs ce n'est pas une injonction). C'est un livre gourmand-croquant (poke Cyril Lignac), intéressant sur la création littéraire également où la mise en page d'un livre prend de plus en plus de place par rapport au fond. Mais ce roman est aussi une parodie de la Série Noire ou de tout autre thriller avec des ficelles bien grosses comme la corrélation entre l'amas de sang et la popularité d'un ouvrage. le lecteur aime le sang et la violence car il ne peut en faire usage (du moins quand on est sain d'esprit).
Quant à « Le bon temps » qui vient lancer la nouvelle collection « L'ivre de caisse », tout est dit dans le titre, l'alcool est bien présent. Une fois de plus ce petit texte de 48 pages et un véritable shoot de satire du monde moderne qui s'appliquera surement encore dans de nombreuses années. C'est drôle, amusant, loin d'être dénué de fond, aux multiples degrés et sur un ton toujours aussi fantastique. Vous pouvez ainsi acheter les deux les yeux fermés (pas sur la route) et cueillir un travail éditorial qui mérite qu'on s'attarde sur le catalogue absolument incroyable de l'Arbre vengeur !
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