Normalienne, Alice Zeniter voit son troisième roman, Sombre dimanche (Albin Michel), couronné de trois prix : Prix du livre Inter, Prix de la Closerie des Lilas, Prix des lecteurs de l'Express.
Normalienne, Alice Zeniter voit son troisième roman, Sombre dimanche (Albin Michel), couronné de trois prix : Prix du livre Inter, Prix de la Closerie des Lilas, Prix des lecteurs de l'Express. Ecrivain et dramaturge, son dernier roman se situe en Hongrie de 1978 à nos...
Normalienne, Alice Zeniter voit son troisième roman, Sombre dimanche (Albin Michel), couronné de trois prix : Prix du livre Inter, Prix de la Closerie des Lilas, Prix des lecteurs de l'Express.
J avais dévorée "l art de perdre " mais ce roman j ai eu beaucoup de mal à le finir. Les destinées et les traditions à Nouméa sont racontées, à mon avis, de façon confuses. La quatrième de couverture promet une histoire avec Tass et des jumeaux qui est finalement très absente. Désolée ce n est pas dans mes habitudes de faire des commentaires aussi négatifs mais j ai peu apprécié ce roman.
Frapper l’épopée nous place au coeur de la Nouvelle-Calédonie à travers le regard de Tass qui revient sur l’île après avoir vécu quelques années en métropole. Professeure de français, elle est troublée par des élèves jumeaux kanaks qu’elle essaie d’aider.
J’ai beaucoup aimé les premiers chapitres de ce roman qui prennent la mesure de la distance qui nous sépare de cet archipel à l’autre bout du monde, et les premiers pas de Tass sur l’île ont prometteurs. Pourtant, je me suis perdue dans ce roman dense qui picore des morceaux d’histoires que j’aurais aimé voir abordés plus en profondeur, comme ce groupe « d’empathie violente » qui permet à l’autrice d’interroger l’invasion de cette île et la légitimité des anciens colons.
La dernière partie plus onirique qui navigue dans les mythes et légendes des kanaks pour raconter l’histoire de l’île m’a donné un regain d’intérêt car c’est une histoire méconnue. On découvre l’ancienne colonie pénitentiaire dans les années 1850, l’arrivée des bagnards, l’invasion des territoires kanaks, et surtout la difficulté pour tous de vivre ensemble.
Je l’ai finalement plus lu comme un documentaire, me permettant de mieux mesurer l’ampleur des révoltes récentes. J’ai apprécié la plume d’Alice Zeniter que je découvre avec ce roman, et qui m’a fait voyager dans « le caillou » m’imprégnant de cette ile dans toutes ses ambiguïtés. Néanmoins le manque de romanesque et la fin abrupte m’ont laissée sur ma faim.
Tass a des origines mélangées. C’est elle qui raconte. Elle a passé son enfance en Nouvelle-Calédonie où ses ancêtres sont arrivés, il y a bien longtemps, dans des circonstances qu’elle cherche à découvrir. Ses grands-parents maternels sont en France métropolitaine. Son père est décédé quand elle avait dix ans et sa mère est restée sur le Caillou. Tass a quitté l’île pour faire des études en journalisme et a rencontré Thomas avec qui elle a vécu à Orléans, avant de décider de revenir sur l’île, acceptant un poste de Professeur remplaçant dans un collège de Nouméa.
Les pages concernant le cours à des ados en section technique sont superbes. Tass leur fait commenter L’île des esclaves de Marivaux. Pas mal pour donner à réfléchir à la place de chacun, même si ce n’est pas gagné. Elle repère deux jumeaux kanaks, Célestin et Pénélope, le frère et la sœur. Célestin l’attire par sa beauté singulière, Pénélope par son mystère. On suivra ces deux là tout au long du roman, lien avec le futur et aussi avec un groupe indépendantiste aux actions plus poétiques que violentes. Leur petit tatouage en est une illustration, « Le tatouage dit, un peu tremblant, un peu chaotique : KNKY XXcra. ». MPATHY XXcra aussi (« empathie est un mot trop long, cette graphie claque davantage », slogan des actions du groupe dont je ne vous dis rien car elles constituent le sel de ce roman… Un Ruisseau en est le penseur-idéologue-artiste, nommé ainsi à la mode kanak, « Le noyau dur du groupe ne compte que deux autres membres : N’épousera-pas-un-pauvre (NEP) et Fille-de-la-réussite (FidR) ».
L’écriture est remarquable, faite de spontanéité, de respect pour les cultures et pour cette nature particulière qu’elle décrit si bien, environnement d’un chapelet d’îles à vingt mille kilomètres et 23 heures d’avion de l’hexagone. Faune et flore singulières passent devant nos yeux de lecteurs : les bengalis à bec rouge, le bulbul « beau et con » et le cagou symbole de la Nouvelle-Calédonie, les margouillats jusque dans la maison (lézards) et les lianes perruche.
Ce livre, par sa forme, montre combien la fiction est importante, permettant de s’imprégner des sentiments profonds des personnages, chemin nécessaire pour une vision plurielle. Tass par ses origines incertaines nous introduit parfaitement dans des univers opposés, celui des caldoches, souvent dominants, celui des kanaks, souvent dominés, celui des descendant des anciens bagnards, à l’histoire encore plus complexe.
Lorsque les jumeaux ne reviennent pas en cours, Tass part à leur recherche mais elle se blesse en tombant brusquement dans un trou d’eau. Elle a alors des visions qui lui révèlent le passé de son arrière-arrière-grand père. Passage où alterne des retours historiques très intéressants, permettant de comprendre l’origine des violences telles que l’épisode de la prise d’otage d’Ouvéa en 1988 ou l’élargissement prévu du corps électoral (reporté/annulé... suite aux émeutes et à la dissolution de l’assemblée). En fait cette île lointaine, qui nous est contée habituellement seulement à travers ses révoltes, nous est en grande partie une inconnue. Après cet état second de Tass, qui nous emmène au cœur de l’épopée du titre et dans le merveilleux, on boucle le voyage dans le temps et dans l’espace en revenant à l’action de départ, terminant superbement le roman.
La voix de l’autrice porte loin car elle connaît ce qu’il en coûte d’être de deux pays, elle qui est née d'un père d'origine algérienne (kabyle) et d'une mère française. Son livre le plus connu, L’art de perdre, publié en 2017, retrace le destin des générations successives d’une famille originaire de l’Algérie française dont l'aïeul a quitté l'Algérie en 1962 et qui est considéré comme un harki, donc un traître et un collaborateur, par les Algériens et comme un étranger par les Français. Les personnages de son nouveau roman Frapper l’épopée nous donnent à voir également une réalité plurielle, jamais réduite à une voix unique imposant un message. C’est une lecture ouvrant sur le ressenti des populations de la Nouvelle-Calédonie, fruit d’une histoire, toujours à la recherche d’un apaisement ou dans la perspective d’un nouvel embrasement.
Que le chemin est difficile pour cette héroïne crédible qui cherche à prendre en main son destin sur ces îles lointaines du Pacifique. En quatrième de couverture, il est mentionné la « virtuosité romanesque remarquable » d’Alice Zeniter. Personnellement la formule me semble tout à fait exacte. Avez-vous lu cette autrice ?
À la suite d'une rupture amoureuse, Tass est de retour en Nouvelle-Calédonie. Jusqu'alors écartelée entre la métropole et le Caillou, elle a décidé « de rentrer enfin pour de bon » sur l'île où elle est née et d'y exercer son métier de professeur de français. Parmi ses élèves, Célestin et Pénélope, des jumeaux étranges qui disparaissent mystérieusement.
Alors qu'elle part à leur recherche, elle mène une quête parallèle pour retrouver ses origines dont elle ne sait rien. Son père est mort prématurément et sa mère, toujours sur le territoire, continue à vivre « à la française ».
Et quand elle parle de la Nouvelle-Calédonie aux métropolitains, ces derniers la confondent avec Tahiti ou encore La Réunion et, à part Louise Michel qui y a été bannie durant sept ans, aucun personnage célèbre n'émerge du Caillou.
Sur le chemin de ses investigations, elle croise un étonnant groupe de militants qui pratiquent l'empathie violente qui consiste à faire comprendre aux oppresseurs ce qu'ils ont fait endurer à ceux qu'ils ont tyrannisé. Cette prise de conscience passe par des actions pour le moins déconcertantes.
Très concernée par le fait colonial sur lequel elle s'était déjà penchée dans « L'Art de perdre » pour l'Algérie, Alice Zeniter revient sur l'histoire néo-calédonienne dans un flashback quasi cinématographique par sa puissance visuelle teintée de réalisme magique et s'imagine une possible filiation avec l'arrière-arrière grand-père de Tass qui lui a transmis son patronyme : Areski. Il est né à Tablat en Algérie en 1847. Après avoir volé un patron français, il est condamné à des travaux forcés et envoyé en Nouvelle-Calédonie.
L'analepse fait le récit de la Nouvelle-Calédonie, construite comme un mille-feuille : à la population autochtone, les Kanak, s'ajoutent des bagnards dans la seconde moitié du 19e siècle qui sont des « droits communs », des « politiques » après la répression de la Commune, puis des Kabyles.
L'administration française calque sur l'île océanienne une organisation en tribus qui lui est étrangère et éloigne les indigènes vers les terres les moins fertiles. Ne prenant pas la peine de comprendre les traditions locales, les colons acculturent à tour de bras avec une violence inouïe.
Entre récit à portée universelle sur le colonialisme et odyssée intime, « Frapper l'épopée » marque par sa puissance et son intelligence des enjeux contemporains qui puisent dans le passé.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-frapper-lepopee-alice-zeniter-flammarion/
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