"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Se fondant dans la voix et la vie d’une relation de jeunesse pour un roman d’inspiration autobiographique, Richard Morgiève s’y lance plus que jamais à la poursuite de ses propres fantômes, taraudé qu’il est par cette question, lui qui perdit sa mère à sept ans et son père à treize : comment se construire sur une enfance dévastée ?
L’écrivain avait d’abord refusé, avant d’imposer ses conditions. Cette biographie qu’on lui demandait, il en ferait librement un roman. Son narrateur s’appellerait Jacques Bauchot, c’est sous ce pseudonyme que paraîtrait le livre. En 2015, ce fut chose faite : La fête des mères parut une première fois, mais demeura confidentielle. Remanié, le roman renaît huit ans plus tard sous la signature de Richard, un Richard dont on ne sait plus s’il s’est fait Jacques, ou si c’est Jacques qui est entré en lui.
Ce Jacques de papier grandit à Versailles dans les années 1960, dans une famille bourgeoise dont l’obsession de tenir son rang masque une intimité toxique et destructrice. Entre l’absence d’un père banquier et la beauté glacée d’une mère castratrice, inaccessible et inflexible, qui entend les dresser à la dure, le garçon et ses trois frères oscillent longtemps entre attachement et exécration dans un pourrissement de rancoeurs et de jalousies, se transformant peu à peu en adolescents, puis en hommes dévorés par le mal-être jusqu’à la névrose, la maladie et pis encore, contraints de fuir pour tenter de se construire, loin, mal, douloureusement, et bientôt tragiquement.
L’écrivain dont la vie s’est durement bâtie autour du trou noir qui a englouti son enfance trouve ici un double bouleversant, une extension de lui-même qu’il investit des fulgurances de l’écriture avec laquelle, d’un livre à l’autre, il fouille ses plaies – seule façon pour lui de ne pas succomber. Sa poésie noire, zébrée de crudité et d’ironie, est cruellement désenchantée, dérangeante jusqu’au vertige, brutale dans sa lucidité sans filtre. Elle accompagne une réflexion profonde, essentielle, obsessionnelle, sur l’identité, la filiation et la prédestination, montrant à quel point le soi est finalement une résultante environnementale, le produit d’un héritage et d’une éducation dont on ne se libère jamais, surtout lorsqu’ils pèsent comme des boulets.
Singulier, voire déstabilisant, dans sa manière presque provocante de raconter entre violence et sentiment, crûment, ce livre de toute évidence écrit avec les tripes, comme en réponse à une injonction vitale, celle qui vous fait chercher la lumière dans les ténèbres, ne peut qu’impressionner par son travail de fouille, maîtrisé, intelligent, d’une thématique aussi essentielle pour l’auteur que pour son narrateur.
Jacques Paul, dix-sept ans, rejoint la nouvelle ferme où l’Assistance l’a placé. À la descente du car, il décide de prendre un peu de bon temps avant d’y aller.
C’est le 6 juin 1944, jour de son anniversaire et la seconde guerre mondiale touche à sa fin.
Il descend vers la rivière, saute dans l’eau, sans savoir nager, mais qu’importe, fait quelques mètres puis se hisse sur un rocher, s’étend sur la pierre chaude et savoure le moment.
Surgissent des hommes armés, une bande de résistants qui lui annoncent le débarquement des Alliés en Normandie. Jacques va se joindre à eux. Mais tous n’ont pas les mêmes motivations et le temps est aux règlements de comptes. Bien vite, Jacques va se retrouver à porter le chapeau du meurtre d’un homme et de sa femme, son viol. Pour sauver sa peau, il n’aura plus qu’une solution, s’enfuir. Alors qu’il surplombe une gorge étroite, il aperçoit un jeune homme gravement blessé rampant vers le ruisseau. Malgré la pente très forte, il se porte à son secours et trouve en Erwin Boy, soldat alsacien enrôlé de force dans la division Das Reich et déserteur, l’amour, et ne voulant pas divulgâcher votre lecture, sa mission…
Parviendra-t-il à la mener à son terme ? En tout cas, de nombreuses péripéties l’attendent.
La mission est le premier roman que je lis de Richard Morgiève, écrivain reconnu et auteur de plus d’une trentaine de romans.
Il ne m’a pas toujours été facile de suivre les chemins empruntés par l’auteur et de trouver de la clarté dans l’opacité de son récit, découvrant un roman relativement complexe et bien souvent déroutant. J’ai eu du mal à emboîter le pas de Jacques et à suivre son parcours, perdue dans les méandres d’une écriture que j’ai eu quelque peine à apprivoiser, tout comme j’ai peu aimé le côté messianique.
Cependant, j’ai trouvé du plaisir à déambuler avec lui autour de Saint Pierre de Colombier, de Chomérac, de Privas avec l’hôpital psychiatrique Sainte-Marie-de-l’Assomption, dans cette Ardèche et ses confins qui me sont chers comme j’ai apprécié l’attention portée par le narrateur aux murets ou aux rues pavées, mettant en avant le travail fourni par ceux qui les ont construits ou posés faisant allusion « à leur misère et leur grandeur ». Ce sont aussi les Saintes Maries de La mer et le camp de Saliers, ce camp d’internement réservé aux nomades, créé par le régime de Vichy qui sont évoqués et la fantastique traversée vers l’Amérique, sur l’USS City of Athens II.
Véritable hommage à la nature, le roman m’a subjuguée par la beauté des paysages rencontrés que Richard Morgiève sait mettre en valeur de façon sublime et avec beaucoup de poésie, nous en faisant ressentir visuellement et sensoriellement toute la richesse et les subtilités. Une nature que Jacques apprécie et qui l’aidera souvent.
Ce personnage de Jacques, si je n’ai pas toujours compris l’univers particulier dans lequel il évolue, m’a beaucoup touchée par son besoin éperdu d’amour, « J’aurais tant voulu qu’on m’enlace et m’aime », son désir de faire confiance, perturbé néanmoins quelque peu par certaines rencontres mais parfois sublimé par d’autres, anciennes et fort émouvantes, comme celle du vieux Samuel qui lui avait transmis tous ses dons.
Roman d’amour entre deux hommes qui se connaîtront peu de temps, roman historique, La mission s’apparente également à un roman initiatique dans lequel Jacques cherche d’abord un nom, une identité, découvre la liberté et tente de comprendre le monde jusqu’à ce qu’il trouve enfin un sens à sa vie.
J’ai été ravie de recevoir cet ouvrage qui m’a permis de faire connaissance avec cet auteur au talent avéré et remercie Babelio et les éditions Joëlle Losfeld.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/10/richard-morgieve-la-mission.html
A la première personne, Jacques Bauchot raconte son enfance dans la bourgeoisie versaillaise, entouré d'un père banquier très occupé, d'une mère « vipère » et de ses frères ennemis.
On plonge au coeur des années 60 puis de toute une vie, floue, s'égarant entre recherche d'identité et recherche d'amour.
Au grand théâtre des sentiments, Morgiève joue dans la catégorie des seigneurs avec un style époustouflant.
L’auteur, nous embarque dans une histoire de vengeance, de mort, de sentiment de culpabilité et de désir. Une quête éperdue de vérité et de pardon se joignent et plongent ce shérif dans des tourments existentiels complexes. Certaine métaphore du narrateur peu être repoussante et désagréable. Ce polar noir nous rend addicte au fur et à mesure des pages.
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