En 2015 "La petite femelle" nous avait passionnés, mais quel lecteur est Philippe Jaenada ?
Gaspard fuit dans la forêt. Il est accompagné d'un chien. Il a peur, il a froid, il a faim, il court, trébuche, se cache, il est blessé. Un homme le recueille. L'enfant s'en méfie : ce Jean-le-blanc est-ce un sorcier, un contrebandier, un timbré ? Une bande de saltimbanques surgit un beau matin. Ils apportent douze vipères pour que Jean-le-blanc en fasse des potions. L'enfant décidera, plus tard, de s'enfuir avec eux.
Cette aventure s'inspire d'un fait historique. En 1907, Georges Clémenceau crée les Brigades du Tigre pour en finir avec « ces hordes de pillards, de voleurs et même d'assassins, qui sont la terreur de nos campagnes ». Au mois de juin, la toute nouvelle police arrête une soixantaine de voleurs, bohémiens, trimardeurs et déserteurs réunis sous la bannière d'un certain Capello qui terrorisait et pillait la population en se faisant appeler la Caravane à Pépère. La démonstration de force de Clémenceau aboutira au final deux mois plus tard à de petites condamnations pour les menus larcins de cette confrérie errante de bras cassés.
« Je l'ai gardée au chaud cette histoire qui poussait, qui grimpait en noeuds de ronces dans mon ventre en reliant, sans que j'y pense, mes rêves les plus sauvages venus de l'enfance et le muscle de mon indignation. Alors j'ai voulu écrire la ruade, le refus, le recours aux forêts », explique Thomas Vinau à propos ce quatrième roman puissant, urgent, minéral, mûri trois ans durant.
En 2015 "La petite femelle" nous avait passionnés, mais quel lecteur est Philippe Jaenada ?
Le jeune Gaspard tue son père alcoolique et maltraitant et s'enfuit dans la forêt avec son chien blessé.
Il erre, peine à porter son chien, cherche des abris, a du mal à trouver de quoi se nourrir.
C'est magnifiquement écrit.
On est dans cette forêt.
On voit et ressent tout.
Tout bruisse.
Tout grouille.
C'est un long poème en prose.
Une ode à la nature.
Heureusement, Jean-le-blanc, un braconnier guérisseur moitié sorcier le trouve inanimé et le recueille.
Puis il est fasciné par un groupe de gitans qu'il suit.
C'est alors un autre registre, un hommage aux laisser-pour-compte, aux différents., aux marginaux.
Une histoire qui se passe il y a une centaine d'années, qui a vu la naissance des Brigades du tigre.
Mais la nature n'a pas changé, l'oppression des « étrangers » non plus.
Une ode à la liberté.
Que d'émotions en lisant ce livre.
Que de sensations.
Un livre d'atmosphère.
Je ne connaissais pas du tout Thomas Vinau.
Mais quelle lacune !
Il devient rare de découvrir d'aussi belles plumes et de s'en émerveiller.
Merci pour la beauté de ce texte.
Merci à Myriam de me l'avoir fait connaître.
Gaspard s’enfuit dans la forêt. Son père l’a encore sérieusement tabassé, il y a eu du grabuge, l’enfant est blessé, caché dans les ronces. Il doit s’enfuir car « On avait dû retrouver le corps à présent, bleu et glacé, à se taire enfin la bouche pleine de fumier, immergée dans l’auge des porcs. Cette fois il était bon pour vraiment prendre la route et puis tant mieux ce serait toujours mieux et puis merde à la merde qui lui servait de nid. »
Le chien gémit à côté de lui « Mon petit cœur de nuit, mon bâtard, ma rivière, mon sauvage. Tu m’as sauvé hier. Ha cette enflure de père barrique de merde qu m’a soulevé comme un fagot pour écraser ma gueule contre les murs ».
Alors Gaspard et Bâtard s’enfoncent un peu plus dans la forêt pour ne pas être découvert par la maréchaussée. Il doit même prendre le chien sur ses épaules tant la blessure l’empêche de marcher.
La forêt, il le sent, est son refuge. La peur au ventre, il avance empli de cette nouvelle liberté.
A cette époque, les loups rôdent et Gaspard, est attaqué par l’un d’eux, se défend grâce à son poinçon « Gaspard ne sait pas à qui appartient le sang sur son bras » et coule dans un sommeil sans lune. Il ne doit son salut qu’à Jean-le-Blanc qui l’accueille chez lui, le soigne. Jean-le-Blanc fait partie du camp des autres. Il vit dans une cabane au fin fond de la forêt qui « est devenue le refuge de ceux qui se refusaient à l’homme et de tous ceux que l’homme refusait. Elle est l’autre camp. Le camp des autres. »
Jean-le-Blanc est un peu sorcier, il connaît les plantes, fait des potions pour soigner les autres dont Gaspard et Bâtard. Ce solitaire va l’initier à la vie dans et de la forêt
D’ailleurs Bâtard a de suite donné sa confiance de chien à cet homme et Gaspard a fait de même.
Lorsqu’un soir arrive une petite bande bariolée, ivre de liberté, anarchiste et ma foi, au petit matin lorsqu’ils partent, il les suit seul, Bâtard. décide de rester à la cabane avec son sauveur.
Gaspard découvre et intègre « la caravane à Pépère », bande de marginaux, de chemineaux, de traîne-savates, d’anarchistes, de déserteurs... qui vivent en très bonne harmonie, hiérarchie oblige, de larcins et toujours à l’affût de la bourse du bourgeois. Ils ont des idées révolutionnaires « Ce jour-là, j’ai compris. Si nous marchons ensemble, nous sommes assez de rats pour conquérir cette terre de damnés ».
Là, il apprend à se battre, à se défendre, à se tenir droit, mais également à se cacher, se faire invisible, à reconnaître le vrai du faux, le gentil du méchant. Une sorte de rite initiatique pour Gaspard. « Ne te laisse jamais enfermer petit. Si quelqu’un par un beau jour te dit que tu ne vaux rien dis-toi qu’il te veut à son service et quand tu le croiras tu seras son esclave. Tu sais ce que nous avons tous en commun ? Nous sommes des fuyards debout. C’est le Non qui nous tient. Ne renonce jamais à refuser. »
Les chapitres courts donnent un rythme vivant et alerte. La nature est elle-même un personnage important. La poésie, la couleur, la douceur des mots, malgré un sujet un peu fort, font que j’ai lu ce livre d’une traite, sans pouvoir ni vouloir l’abandonner.
Le récit ne se passe pas de nos jours, quoique… mais début 1900. Thomas Vinau, en fin de livre raconte la genèse de son texte. Tout ou presque pourrait être plausible de nos jours, car il existe un camp des autres composés de SDF, sans papiers...
« Ne renonce jamais à refuser » ! Quelle belle phrase !
Gaspard au pays de Raboliot.
Gaspard après une énième raclée infligée par son père fuit, droit devant lui avec son sauveur.
Son fidèle compagnon, son chien, ne peut pas marcher car il a la cuisse à moitié arrachée par un coup de fourche, pour sauver son maître il avait mordu à belle dent dans le postérieur du bourreau.
Nos deux éclopés fuient droit devant eux vers la mer. A travers la forêt, la course est longue et épuisante, Gaspard porte son chien, ils vont faire une halte au plus profond des bois, affamés et épuisés.
Gaspard a la peur au ventre mais sa tête est ivre de liberté.
La forêt dans sa fuite lui est apparu aussi rassurante qu’un ventre maternel, mais avec l’épuisement c’est un ventre qui bruit de mille sons inconnus et inquiétants.
« La bête n’est plus capable de poser la patte au sol sans un couinement. Gaspard tire sa charge, sang qui bat dans les temps, gorge brûlée par les poussières, les pollens et l’air trop glacé. Les mains en sang, la nuque en nage, il est tout échardé de souffrance. »
Heureusement pour lui dans cette forêt vit un homme, Jean-le-blanc, un « qui-vive », un nuisible, un camp des autres.
C’est simple le chien de Gaspard ne s’y trompe pas, il lui accorde sa confiance, à l’instinct.
« Le soir, Gaspard traverse un nouveau pays au grappin de sa bougie. Il tente d’escalader les lettres et les signes. Suit d’un doigt hésitant des arabesques noires qui soudain prennent vie en dévoilant un sens. Ça l’ennuie et le fatigue. Il ne pense pas parvenir de l’autre côté mais il pressent le pouvoir que ce savoir suppose, il devine également la dimension sacrée qu’il revêt pout Jean-le-blanc alors il s’accroche. »
Mais Gaspard, une fois remis sur pieds rêve d’autre chose, la caravane à pépère et sa faune bariolée, passe par là.
Ce nouveau monde sera comme combat de boxe, il apprendra à se battre, à esquiver, à encaisser, à se relever même sonné par un uppercut.
La leçon qu’il en tirera c’est différencier le bon grain de l’ivraie.
L’histoire se déroule au début du 20ème siècle mais elle résonne des mille bruits de l’actualité.
Chaque partie est accompagnée d’une citation des plus judicieuses.
Les chapitres courts sont autant de tableaux naturalistes.
Le rythme se fait par des phrases qui palpitent, les mots se précipitant vers l’urgence de vivre.
Ne faites pas l’impasse sur les « Lignes de suite ».
Une belle découverte et beaucoup d’émotions.
Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 avril 2018.
Un vocabulaire riche, poétique , une écriture puissante et une forêt ensorcelante ...un roman étrange et fort!
Thomas Vinau mêle ici avec brio deux histoires pour nous livrer une très belle leçon de liberté.
Tout d’abord celle de Gaspard, un enfant qui, accompagné de son chien, découvre la vie dans la forêt. Ensuite, sur les routes, celle de la caravane à Pépère, bande organisée qui organisa vols et braquages pendant les années 1906 et 1907 à travers la France, et que croisera Gaspard.
Dans les deux cas, il est question de liberté et d’apprentissage. La forêt, tout comme la bande à Pépère, sont le refuge des exclus de la société, deux lieux qui protègent mais aussi lieux de toutes les rencontres et de tous les dangers potentiels. Ce livre nous fait bien sûr penser aux migrants.
Le tout servi par une plume poétique. J’ai été particulièrement sensible aux descriptions des passages dans la forêt, à l’analyse touchante des angoisses de l’enfant, et à tous ces personnages intrépides et hauts en couleur.
Ce livre est à la fois personnel, universel, et politique, baigné de lumière et d’humanité malgré un environnement des plus hostile. Une belle leçon d’espoir.
« Ne te laisse jamais enfermer petit. Si quelqu’un par un beau jour te dit que tu ne vaux rien dis-toi qu’il te veut à son service et quand tu le croiras tu seras son esclave. Tu sais ce que nous avons tous en commun ? Nous sommes des fuyards debout. C’est le Non qui nous tient. »
https://accrochelivres.wordpress.com/2018/02/10/le-camp-des-autres-thomas-vinau/
L’histoire se passe au siècle dernier, elle nous raconte l’histoire d’un jeune garçon Gaspard, qui fuyant son père, va découvrir un monde qui lui est complètement inconnu. Il va se retrouver dans la foret, accompagné de son fidèle chien et va rencontrer Jean-le-blanc. Une rencontre qui va changer sa vie ! Il découvrira alors un monde qu’il ne soupçonnait pas…
Une forêt qui recèle des secrets ! Des habitants hors norme, des gens en marge, des sans-abris ou encore des bohémiens y vivent. L’enfant décide de les suivre. Ces gens lui redonnent confiance, gout à la vie car désormais, il fait partie d’une grande famille. Ces exclus de la vie, ces écorchés ou encore ces va-nu-pieds l’acceptent dans leur bande.
Une très belle leçon de vie…l’auteur nous transporte dans cette très belle histoire, pleines d’émotions et de poésie.
Jamais de longueurs ou d’ennui lorsqu’on lit ce roman, l’écriture est rythmée. Les chapitres sont courts, ce qui nous tient en haleine, nous envoute. Les passages sur la nature, sur la foret et les animaux sont vraiment très beaux.
Un langage d’amour et d’espoir, un livre que j’ai beaucoup aimé et que je conseille vivement.
http://leslecturesdeclaudia.blogspot.fr/2017/12/le-camp-des-autres.html
Un réel plaisir de lecture dès que j’ai ouvert ce livre. Je l’ai découvert grâce à sa sélection des lecteurs escales du libre Bordeaux 2018. Et je ne savais rien de ce livre et ne connaissais pas l’auteur. AU début nous suivons un jeune garçon qui s’est sauvé de la ferme familiale où il avait une vie d’enfant malmené pour ne pas dire plus. Dans les premières pages, pas de date, pas de lieu précis, seulement une forêt où va se réfugier ce jeune garçon (hasard des lecteurs, un peu le même théme que pour « ma reine » de Jean Baptiste Andrea). L’enfant et son chien vont découvrir le monde de la nature et des animaux de la forêt. Une très belle écriture poétique nous entraîne avec lui. Il est finalement recueilli par un Robinson forestier, Jean-Le-Blanc, qui va l’initier à la nature. puis il va rencontrer d’autres personnages surprenants : des nomades en caravane, des diseuses de bonne aventures, des anarchistes en fuite. Et nous découvrons que nous sommes au début du siècle et que le jeune garçon va intégrer la « bande à pépère », bande de marginaux. Ils prennent la route et sur les chemins et les marchés empruntent, chapardent pour vivre. Cette bande de joyaux bandits va alors être réprimés par les fameuses brigades du Tigre, récemment créées par le ministre Clémenceau. Avec une belle écriture poétique (j’ai eu quelquefois l’envie de lire à voix haute ce texte), l’auteur nous entraîne sur les chemins avec cette bande de « bandits » mais nous parle aussi de notre perception d’aujourd’hui. Il rend hommage aux « gens de rien », aux personnes en marge mais si humains et si touchants. Un texte très beau et je vais m’empresser de continuer la lecture de cet auteur.
« Tout est là justement, dans la différence entre croire et savoir, c’est là qu’habite la peur, pas loin de l’ignorance. Il faut apprendre à s’en servir » (p74)
« Ne te laisse jamais enfermer petit. Si quelqu’un par un beau jour te dit que tu ne vaux rien, dis-toi qu’il te veut à son service et quand tu le croiras tu seras son esclave. Tu sais ce que nous avons tous en commun ? Nous sommes des fuyards debout. C’est le NON qui nous tient. Ne renonce jamais à refuser. Et dis-toi que personne n’est mauvais par nature… » (p149)
« Si nous marchons ensemble, nous sommes assez de rats pour conquérir cette terre de damnés. » (p150)
A la fois poète et romancier, Thomas Vinau a une plume particulière que j'ai découverte il y a quelques années avec La part des nuages que j'avais bien apprécié. C'est donc avec beaucoup d'attentes que j'ai commencé son nouveau roman : je n'ai pas été déçue par ma lecture, loin de là !
Le camp des autres est une très belle histoire, simple et lumineuse, qui nous parle de rencontres, d'entraide et de liberté. Un jeune garçon courageux et maltraité, un chien blessé, un ermite impressionnant, des tsiganes et des brigands, la forêt accueille en son sein tout un monde d'exclus et de marginaux qui cohabitent en suivant des règles simples, différentes de celles de la société "normale". La découverte de ce monde bien particulier a des allures de quête initiatique pour le jeune Gaspard. Il en prend plein les yeux et le lecteur également.
Avec ses chapitres extrêmement courts (deux pages, rarement trois), Thomas Vinau nous entraîne sur un rythme effréné au cœur de la forêt et de la caravane des exclus. Le style de l'auteur est percutant, c'est un mélange de descriptions et de dialogues sans ponctuation. Cela peut sembler déroutant, mais on s'y habitue très rapidement. Les émotions surgissent facilement du texte : la peur, l'urgence, puis le calme, la curiosité et le sentiment de liberté, que tout est possible... le lecteur est en phase avec le héros de l'histoire, le rythme de la lecture se calquant sur celui du jeune Gaspard. Les images sont belles, les faits sont passionnants, j'ai passé un très bon moment avec cette lecture.
https://andree-la-papivore.blogspot.fr/2017/11/le-camp-des-autres-de-thomas-vinau-mrl17.html
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