Un roman indispensable, "Le livre que je ne voulais pas écrire" d'Erwan Larher aux éditions Quidam
Un roman indispensable, "Le livre que je ne voulais pas écrire" d'Erwan Larher aux éditions Quidam
"Erwan Larher nous raconte son Bataclan, cette fameuse nuit où tout a basculé..."
Vous aviez envie de les lire, pas encore eu le temps ? Allez, c'est le moment...
Lancé ce mois-ci, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue. Cette semaine, Michèle a choisi Anne pour partager sa lecture et son avis sur le livre Entre toutes les femmes d'Erwan Larher (Plon).
« On est des bêtes, vains dieux, qu’on se le dise,
Et pas des anges, des dieux ou des marquises,
Encor’ que les marquises ça se mignote,
Ca s’fait, en douce, rigoler la pelote »
Ben oui, « Margueritte n’aime pas ses fesses » m’a fait penser illico à la chanson de Tachan.
Ce bouquin est un ovni littéraire, polar mais pas que, satire politico-sociale, mais pas que, bref, c’est un roman inclassable. Et une plongée dans un monde politique bien glauque. Drôle, souvent, jouissif toujours.
Pour son cinquième roman, Erwan Larher a imaginé une fable où une trentenaire coincée ouvre enfin les yeux sur ce qui l’entoure lorsque la maison d’édition pour laquelle elle fait des petits travaux d’écriture la charge de rédiger les mémoires d’un ex-président de la République. L’ex en question, porté sur le jupon malgré sa sénilité, ayant flashé sur elle dans les couloirs de ladite maison d’édition. Marguerite puisque c’est d’elle qu’il s’agit, avait jusque-là soigneusement tenu à l’écart tout ce qui pouvait poser problème : son mec Jonas qui, veut-elle croire, est aussi asexué qu’elle. La politique qui l’emmerde profondément, les relations sociales et familiales dans lesquelles elle n’est pas à l’aise. Bref, la fille ne s’aime pas. Fait irruption un flic qui enquête, à titre perso, sur une longue série d’assassinats dans la sphère politique. Et le monde réel rattrape Marguerite qui n’en sortira pas indemne, mais certainement plus clairvoyante.
La plongée dans le monde politique des trente dernières années, pour écoeurante qu’elle soit, n’est certes pas tout à fait fictive. On retrouve ce qui a fait les grandes heures de la République et de ses « sinistres ». Magouilles en tout genre, petits arrangements entre copains-coquins… Tout ce que le pouvoir (« Le pouvoir est maudit », disait Louise Michel) permet et que le troupeau des électeurs préfère ignorer.
Outre cet aspect « militant », on y trouve un portrait de trentenaires qui allie vitriol et compassion. L’une des particularités du roman est de mettre en scène des personnages auxquels on s’attache, malgré leurs excès et leur mal d’exister. Peut-être aussi parce qu’on se reconnaît peu ou prou en eux…
Sam Zabriski aime les grosses voitures et rouler vite. Il cherche un endroit où installer sa carcasse au sexe indéterminé, ni lui ni elle, donc iel, lae, pronom et article qui le désigneront tout au long du texte sans souci de la fatigue du lecteur qui ne manquera pas de survenir. Il jette son dévolue sur des vieilles pierres à retaper dans le village de Saint-Ary, bénéficiaire d’un passé historique dont il souhaite contribuer à raviver les couleurs. L’étranger au sexe indéterminé aura bien du mal à se faire accepter par la population, mais c’est sans compter sur sa détermination farouche à bousculer le ronron d’une municipalité qui cède trop volontiers au consumérisme moderne en effaçant sans vergogne toute originalité historique de la cité. Les événements qui adviennent, branquignoles à souhait le propulsent, à l’occasion de nouvelles élections dans la nouvelle équipe municipale qui œuvre à la réhabilitation du passé historique de Saint-Ary.
La difficulté à faire accepter sa différence est patente et la présence de Sam est jugée de plus en plus indésirable par la population, malgré le petit cortège de fidèles qu’il parvient à conquérir. Au cœur de l’actualité de l’écriture inclusive pratiquée ici, ce roman laisse un goût amer d’intolérance pour celuielle qui n’est pas dans la norme.
Indésirable est présenté comme un roman noir, un roman politique et une étude de mœurs. Il déroule cinq années de la vie d’un microcosme perturbé par l’arrivée d’un corps étranger, une personne intersexe au passé flou, qui va tomber sous le charme d'un logis médiéval (toute ressemblance sur ce dernier point avec celui qui a tenu la plume ne serait que fortuite, euh ou pas !). Indésirable est effectivement tout cela à la fois et bien plus encore. C'est un roman singulier, inventif, un poil déjanté. De plus, Erwan a eu une idée de génie en forgeant une langue épicène pour exprimer le dissemblable. Comme la plupart des lecteurs, mes yeux ont buté la première fois, j'ai d'abord cru à une coquille. Puis la retrouvant, je me suis questionnée. Peu à peu les pièces du puzzle se sont assemblées. Dès lors, la coquille est devenue logique. Une évidence. Sam læ personnage centralæ est Indésirable. Iel dérange, divise, vient perturber le village de Saint-Airy qui s'apprête à être connu dans toute la France non pas parce qu'il est une plaque tournante d'un trafic de drogue à grande échelle, mais grâce au tournage de cette merveilleuse émission qu'est "L'amour est dans le pré". Une fierté locale perturbée par l'arrivée de Sam qui ne pense qu'à préserver le patrimoine immobilier. Quel être étrange et ce, à plus d'un titre. D'ailleurs les étrangers ne sont pas les bienvenus à Saint-Airy surtout s'ils bousculent l'entre-soi, l'étroitesse d'esprit et le conservatisme des autochtones. Sam s'en rendra vite compte. Iel va déchaîner les passions, être un catalyseur pour certains. Iel va diviser, des clans vont se former jusqu'au sein du conseil municipal. La singularité de Sam va chahuter tout ce petit monde. Iel est l'élément perturbateur qui va permettre d'observer et d'analyser ce microcosme.
Aucun doute, Erwan Larher est un grand auteur, pour preuve tout au long du roman, il parvient à tenir le cap et à ne jamais "genrer" Sam. Une véritable prouesse. Et comme si cet exploit ne suffisait pas, il nous propose un livre sans style. Attention, pas de méprise, je n'écris pas l'inverse de ce que je viens de déclamer au début de ce paragraphe, je veux juste dire qu'Indésirable embrasse tous les styles. Il m'est revenu en mémoire la citation de Jules Renard, "Le style, c’est l’oubli de tous les styles". Indésirable c'est exactement cela. À quoi bon vouloir faire rentrer ce roman très dense et riche dans une case ? À l'instar de Sam, Indésirable est inclassable. Il oscille entre littérature blanche et noire, roman sociétal et politique, étude de mœurs, thriller, fiction, tous les styles y sont. Il a brassé large Erwan Larher, sans compter les références à ses précédents romans et ceux qui ont fait l'actualité qu'il s'est amusé à glisser, de même que les pointes d'humour et les petits pics de-ci de-là. Indésirable est tout son contraire. Un désirable. Un conseil, lisez-le !
https://the-fab-blog.blogspot.com/2021/06/mon-avis-sur-indesirable-derwan-larher.html
J'ai toujours rêvé de caler « protéiforme » dans une chronique et j'ai trouvé le roman parfait. Avec un « grand » mot comme ça, immédiatement ton petit avis gagne en crédibilité et en légitimité.
Dans « Indésirable », Erwan Larher mélange les fils narratifs et livre un roman protéiforme qui n'entre dans aucune case, si ce n'est celle du roman addictif.
Est-on face à un roman sociétal ? un polar ? une fiction politique ? Peu importe après tout. Peu importe, tout comme le sexe du personnage principal, Sam.
L'installation de Sam dans le village de Saint-Airy va venir remuer bien des choses. Ici tout est un peu figé, très traditionnel, très archaïque même. le conseil municipal fait la pluie et le beau temps, les notables mènent leurs petites magouilles, si besoin on ferme les yeux sur les maris violents, on regarde d'un sale oeil ceux qui mangent bio, etc… Alors l'arrivée de Sam dont on n'arrive pas à savoir si c'est un homme ou une femme, autant vous dire que ça n'a pas fini de faire parler, d'alimenter les conversations au café comme chez la coiffeuse, de perturber l'entre soi et la routine qui convient à certains. Les tensions ne vont faire qu'augmenter pour finir en véritable guerre.
Un roman très riche dans lequel Erwan Larher va intelligemment aborder un large panel de sujets qui font notre époque : l'identité sexuelle, l'altérité, la différence, l'intégration, le changement politique, la possibilité d'une autre forme de gouvernance. Un fourmillement de questions sociétales et politiques qui sont autant de fils conducteurs dans cette histoire qui brouille les pistes en se présentant dans un premier temps comme une simple querelle à Clochemerle.
Rythmé, fin, amusant, insolent, plein de trouvailles, « Indésirables » ne vous lâche pas et nous rappelle au passage que le collectif peut engendrer le pire comme le meilleur.
Impossible de ne pas conclure en parlant de l'écriture et du tour de force de l'auteur qui jamais ne fera de faux pas, jamais ne tranchera entre le « il » et le « elle », choisissant le « iel », déroulant toute la grammaire et la syntaxe qui vont avec.
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