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Un village colombien, qui a connu la guerre civile, vit en paix depuis que le maire a rétabli l'ordre par la terreur. Mais, un soir, les premiers tracts anonymes apparaissent sur quelques portes. Celui que lit César Montero l'amène aussitôt à tuer. Et les tracts se multiplient, semant la discorde dans les familles, ravivant les haines, réveillant dans la mémoire de chacun les combines, les exactions, les crimes commis dans le passé.
Le curé Angel, d'abord indifférent, demande finalement au maire de prendre des mesures d'autorité devant ce cas de terrorisme contre l'ordre moral . Rien n'empêche les tracts de proliférer. Le maire décide de revenir à la répression. La paix mensongère est terminée, le village est retourné à son enfer quotidien.
Un mélange d'apathie et de violence qui laisse dans nos esprits un arrière-goût de sang et de désespoir. Un roman puissant.
Valérie Hanotel, Le Figaro Madame.
Octobre dans un petit village colombien. La météo hésite entre chaleur écrasante et pluie diluvienne. Ce matin-là, c'est la pluie qui accueille César Montero lorsqu'il sort de chez lui. La pluie et un tract placardé à sa porte. Alors, au lieu de partir voir ses bêtes, César se rend chez Pastor et l'abat sans un mot. Les tracts sont apparus une nuit dans le village et depuis ils insultent, dénoncent, divulguent petits secrets et malversations. Le maire a laissé faire pour ne pas donner d'importance à ce qui n'en a pas mais le père Angel commence à s'inquiéter pour la santé morale de ses paroissiens. Quand le maire décide d'agir, il emploie les grands moyens : rondes armées et couvre-feu. Mais le colleur de tracts est insaisissable. Les tracts deviennent des bulletins de contestation. La paix vole en éclats.
Pour comprendre toute la subtilité de la Mala Hora, il faut se pencher sur l'Histoire de la Colombie car Gabriel Garcia Marquez ne date pas son histoire mais la parsème d'indices. Les faits se déroulent, dit-il, deux ans après la fin de la guerre civile et la mise en place d'un nouveau gouvernement de réconciliation nationale. On peut donc situer les évènements vers 1955, deux ans après la prise de pouvoir du général Gustavo Rojas Pinilla qui a amnistié les guérilleros libéraux et prône une Colombie loyale, courageuse et chrétienne. La paix ainsi instaurée a été imposée, souvent par la force, et reste précaire. Mais de tout cela, Garcia Marquez ne dit rien. Il se contente d'installer ses personnages. L'alcade, à la fois maire et chef de la police, que l'on découvre victime d'une terrible rage de dents qui le fait souffrir depuis plusieurs jours. On pourrait le prendre en pitié, lui qui s'évertue à maintenir la paix dans le village malgré la douleur qui le diminue. Mais l'on sent vite que quelque chose ne va pas, le respect qu'on lui manifeste semble contraint et pourquoi le dentiste refuse-t-il de le soigner ? Autre représentant de la loi : le juge. Peu enclin au travail, il se contente de suivre le maire comme son ombre, acquiesçant à toutes ses suggestions, refroidi sans doute par le fait que son prédécesseur s'est fait abattre par la police assis au bureau qu'il occupe aujourd'hui. Ensuite, le père Angel, satisfait d'avoir rétabli l'ordre moral dans le village, il découvre, au fil du récit, que ses ouailles cachent bien des secrets et que ses préceptes ne sont appliqués qu'en façade. A côté de ses trois figures tutélaires, les villageois...les profiteurs, les traîtres, les adultères, les lâches, les très riches, les miséreux, les opposants cachés et avoués. Qui parmi eux est le colleur de tracts ? Lequel a initié la distribution de bulletins clandestins qui appellent à la désobéissance civile ? La réponse est dans chaque villageois qui a accueilli la paix sans y croire, qui subit la terreur mise en place par le maire, qui garde en lui le gène de la contestation et de la révolte. Le gouvernement apparaît alors comme corruptible et menteur. Il annonçait le changement mais rien n'a changé, les tortionnaires d'antan sont toujours en place et derrière leurs sourires et leurs bonnes manières, la violence ne demande qu'à se rallumer...
Un livre court mais exigeant qui demande une certaine connaissance de l'histoire de la Colombie mais peut aussi se lire comme le récit universel de l'oppression politique et religieuse mise à mal par le désir de liberté. Une œuvre politique engagée ardue mais intéressante.
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