Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses soeurs, pour liquider l'héritage familial. En lui, c'est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l'interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d'un colonel de l'armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s'enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l'ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib. " Notre passé... notre grande fiction ", médite Youssef, tandis qu'il s'apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d'une enfance terrible, d'un amour absolu, aussi, pour ses soeurs magnifiques et sa mère disparue.
Prix Décembre 2024
Prix de la langue française 2024
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C’est son titre qui a poussé ce livre vers moi. Un titre à la fois beau et mystérieux. Je l’ai débuté sans rien savoir de l’histoire et je n’ai pas pu le lâcher jusqu’à ce que les dernières pages me livrent la signification de cette expression, tout en me faisant passer, durant ma lecture, par une multitude d’émotions.
Le narrateur est Youssef, un marocain exilé en France depuis des années où il exerce en tant que prof. Dix ans après le décès de sa mère, il revient à Salé, une petite ville côtière où il a grandi, afin de procéder à la vente de l’appartement familial. Il y retrouve ses six sœurs aînées, mais c’est surtout un flot de souvenirs qu’il devra y affronter. Bons et mauvais, éprouvants ou réconfortants, des souvenirs qui oscillent entre rêve et réalité mais qui réveillent des traumatismes anciens.
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C’est un roman très fort que nous livre Abdellah Taïa. Un roman à l’écriture tour à tour magnétique, poétique et cruelle qui m’a captivée et interpellée. C’est le récit d’une enfance au Maroc, de la difficile condition d’être gay dans ce pays musulman. Il y dit le rejet, les humiliations, les violences, mais aussi la grande hypocrisie qui fait que la tolérance varie selon le statut ou la richesse de celui qui en est déclaré coupable. C’est aussi une ode à la famille où l’amour et la haine se côtoient sans fin, tissant des liens complexes qui traversent les ans. Où l’on se déteste et où l’on se pardonne, ou le fait d’avoir partagé la même pauvreté et la même enfance permet avec le temps de s’accepter et de ses comprendre. Elles sont d’ailleurs touchantes ce s pages sur l’enfance, mais ce sont les pages sur les violences qui leur sont faites qui m’ont bouleversée. Celles que lui même a vécues, celles dont il a été témoin et plus encore celles qui perdurent, qui se reproduisent dans un constat terrible de l’immuabilité des drames. Tragique et révoltant.
Au final cela donne un livre très personnel, à la portée à la fois politique et sociale. Un roman transgressif qui dénonce le rigorisme religieux, la corruption et les atteintes aux plus faibles. Cruel et courageux
Youssef est un professeur d'origine marocaine exilé en France depuis de nombreuses années, il rentre à Salé, sa ville natale à la demande de ses soeurs pour vendre l'appartement familial.
En rentrant au pays, tout son passé ressurgit. Tradition, souffrances, bonheur, Najib son premier amour qui vient de mourir à son arrivée.
Il se souvient des moments heureux entourés de ses deux frère et de ses six soeurs chéries, de sa mère Malika, une femme forte qui avait tout construit. Il se souvient de la pauvreté, de la violence, des traditions de son pays, du regard de la société sur son homosexualité, des souffrances infligées.
L'homosexualité est considérée comme une tare, on jette des pierres, de la violence, on rejette, on n'accepte pas, impossible de vivre son homosexualité, juste la haine, la violence, les jets de pierre, ou pire, le viol, la pédophilie pratiquées et ignorées. La société ferme les yeux, est hypocrite, elle sait, elle voit et ne fait rien. Ses soeurs ont fait pareil, jamais elles n'ont agi. Que de souffrance !
La voix de son ancien amant Najib résonne en lui, il vient de mourir. Lui son aîné qui l'avait compris, aimé, respecté, qui avait souffert, était parti avec un colonel de l'armée du roi Hassan 2. Il a pu vivre ouvertement car son amant pratiquait un trafic de drogue avec l'aide et la corruption des gens d'en haut dans le Nord du Maroc. Il avait un seul souhait être respecté reconnu en tant que tel, faire changer les mentalités.
Ce livre parle aussi de la condition des femmes à travers ses soeurs et leur mère, Malika, des chaînes du mariage.
Tout se passe à Salé, la ville de son enfance, la ville du bastion des larmes, un rempart au bord de la mer, la ville a beaucoup pleuré en 1260 lorsque des chrétiens ont chassé des juifs et musulmans en nombre, plus de 3000 personnes ont été vendues comme esclaves, parties par la mer, on se souvient, on se rassemble devant la mer en pleurant. C'est le lieu du souvenir, celui de son ami Najib, mais aussi celui de la honte, des souffrances endurées, de la haine, de l'amour, de l'envie de vengeance ou du pardon.
J'ai dévoré ce roman, cette plume sensible, pudique, bouleversante. C'est d'une grande justesse, puissant, rythmé, d'une grande beauté. L'écriture est percutante, acérée quand il le faut, saccadée, crue ou d'une extrême douceur.
La fin est juste sublime.
C'est un coup de ♥
Les jolies phrases
Vendre c'est accepter d'être déraciné des autres.
Au milieu d'eux, j'étais plus qu'un hypocrite. Je pouvais jouer tous les rôles. Le confident. Le jaloux. Le mendiant. Le clown. Le servile. La petite danseuse. La serpillière sur laquelle ils essuyaient toutes et tous leurs pieds. Pourvu qu'on me laisse tranquille. Pourvu qu'on m'aime un peu. Un tout petit peu. Et qu'on ne me rappelle pas en permanence à quel point le grand frère que j'étais leur faisait honte.
Quand on n'a plus rien à perdre, on se jette dans la mer déchaînée et on fait tout pour survivre. Survivre et vivre à fond. Vivre sans ce soucier si on est bien considéré ou pas.
Nous n'avions pas l'argent pour acheter les parfums de Paris et de Florence. Nous vivions dans ce rez-de-chaussée à l'aise de nos odeurs. Ce n'est pas le corps à l'aise et nu de l'autre qui dérange. Non. C'est quand ce corps veut masquer sa vérité et sa nature que les problèmes commencent.
Le hammam c'est beau. Toute cette eau qui coule. Cette saleté en nous qui sort. Le hammam est un lieu de miracle. de transformation. Je l'aime, le hammam.
La femme n'a pas besoin de la bénédiction de l'homme pour vivre et pour s'engager et combattre.
Juste de l’autre côté de la rue, il y a un Maroc qui fait les lois, les impose à tous, mais n’a pas peur d’enfreindre en permanence ces mêmes lois.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/10/le-bastion-des-larmes-abdellah-taia.html
Le bastion des larmes d’Abdellah Taïa est un roman extrêmement touchant. La condition des homosexuels au Maroc et les cicatrices laissées par une enfance marquée par la honte et la violence sont deux des thématiques principales. À travers le retour de Youssef à Salé, sa ville natale, pour régler l'héritage de sa mère décédée, c'est un passé douloureux qui refait surface. Youssef, exilé en France, se retrouve face à ses souvenirs, et notamment à la figure de Najib, son premier amour. Youssef est confronté à une mémoire où se mêlent la souffrance, l’amour et la trahison.
L'un des points forts du roman réside dans l'évocation de la famille, notamment les six sœurs de Youssef. Ce lien avec les femmes de sa vie est un fil conducteur, presque salvateur dans un contexte de marginalisation. Abdellah Taïa brosse le portrait d'un Maroc déchiré entre des traditions rigides et des paradoxes moraux. Le Bastion des Larmes incarne le poids de l'histoire collective et les drames individuels. Les souvenirs de Youssef nous plongent dans une société marocaine fascinante et effrayante, dans laquelle l’hypocrisie règne en maître et l’homosexualité est invisible et criminalisée.
Les thèmes abordés sont universels : l’exil, la quête d’identité, le poids de la famille et la mémoire traumatique. Cependant, l’auteur transcende ces sujets en insérant une dimension autobiographique qui rend le récit encore plus poignant. Sa plume, simple et poétique, délivre un texte brutal et délicat tour à tour, dans lequel l’amour et la révolte se confrontent.
Fond et forme se confondent lorsque les phrases sont courtes, cassantes comme l’histoire de Youssef et de tant d’autres homosexuels marocains. Le Maroc dépeint ici est une terre d'injustice et de violences, et ceux qui n'entrent pas dans la norme, en raison de leur sexualité ou de leur condition sociale, sont voués à l'effacement ou à la destruction.
Ce roman, parfois très difficile à lire en raison de la dureté des situations dépeintes, est un cri de révolte contre une société figée dans ses préjugés.
Le bastion des larmes est un roman déchirant et lumineux, un texte qui touche au cœur par sa sincérité et son engagement. C’est un appel à la rébellion, un texte à lire, absolument !
Après bien des années d’atermoiement et d’insistance de ses six sœurs restées sur place, Youssef, professeur exilé en France depuis plusieurs décennies, se décide enfin à revenir à Salé, la ville marocaine de son enfance, pour solder l’héritage de leur mère morte. Là-bas l’attendent les souvenirs d’une jeunesse douloureuse, humiliée et violée parce que trop différente et efféminée, et qui ne cesse de le hanter à travers la voix fantomatique de Najib, son premier amour perdu. Ce dernier est quant à lui déjà revenu à Salé. Devenu gros bonnet de la drogue sous la protection d’un colonel de l’armée du roi Hassan II, un homme suffisamment puissant pour s’affranchir des lois et pour vivre sans dommage son homosexualité, il a, pour sa part, décidé de s’y venger de ses anciens tortionnaires en les rendant dépendants de ses largesses. Une revanche personnelle qui ne change rien au terrible sort communément réservé aux homosexuels dans un pays qui les criminalise toujours…
Il y a bien sûr beaucoup de l’auteur dans ce récit, lui l’homosexuel que la société marocaine ne veut pas voir et qu’à travers ses personnages, il sort de sa réclusion en le plaçant au centre de ses romans. Prolongement de lui-même, Youssef se fait la voix des minorités LGBT bafouées dans son pays, mais aussi celle des femmes – Abdellah Taïa a huit soeurs aînées qui, après leur mère, lui ont appris à inventer la liberté quand elle manque – et de tous ceux qui se retrouvent laminés par le pouvoir d’autrui. Transgressif, parfois cru, son livre est un geste politique, un acte de révolte contre la violence sociale. On y découvre une société marocaine paradoxale, empreinte d’un rigorisme moral et religieux n’empêchant aucunement, ni la corruption de faire florès, ni les puissants de favoriser, ouvertement et en toute impunité, des intérêts personnels aussi immoraux qu’illégaux. Malheur aux faibles et sans défense : « Les femmes ne devraient jamais se marier. Le mariage, c’est la mort instantanée. » Et personne ne penserait à s'y insurger contre le viol systémique des garçons trop féminins.
Si certaines scènes sont effroyables, elles sont le strict reflet d’une réalité insupportablement ordinaire contre laquelle l’auteur a décidé de se battre à coups de mots, parce que, pour que les choses changent, il faut d’abord qu’il y ait prise de conscience, et que sans les victimes pour se révolter et oser crier la vérité, cela n’adviendra jamais. Cette rébellion, il l’inscrit jusque dans le titre du roman, en référence à l’histoire de sa ville, Salé, et aux vestiges encore visibles de la muraille construite après le raid meurtrier des Castillans en 1260. Une ville que son personnage n’évoque qu’avec effroi, mais aussi avec beaucoup d’amour. Car, au final, c’est bien l’amour, de sa mère, de ses sœurs, et celui qu’il ressent pour les autres victimes – Najib ou ce petit garçon abusé au hammam – qui le préservent du désespoir en lui redonnant l’estime de lui-même et la force de résister.
Un livre douloureux, magnifique et cruel, où la colère et la révolte finissent par trouver l’amour en réponse à l’hypocrisie et à la haine homophobe qui plombent la société marocaine.
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses sœurs, pour liquider l'héritage familial. En lui, c'est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l'interpellent, dont celle de Najib, son ami et amoureux de jeunesse au destin tragique, heureux par le trafic de drogue et la corruption d'un colonel de l'armée du roi Hassan II . À mesure que Youssef s'enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend sa forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l'ombre dont Youssef a jadis fait une promesse à Najib. " Notre passé... notre grande fiction ", médite Youssef, tandis qu'il s'apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d'une enfance terrible, d'un amour absolu, aussi, pour ses sœurs magnifiques et sa mère disparue.
Un court récit en liste pour le prochain Goncourt. Nous plongeons dans une quête identitaire poignante et sensible. Un livre amer et lumineux qui explore les méandres de la mémoire et du passé à travers le voyage intérieur de son protagoniste. Une plume autant lyrique qu'introspectif comme mélancolique. De belles descriptions évocatrices, sublimes et incisives.
" Les vagues qui consolent. La fin temporaire de la solitude atroce. Mon âme ressuscitée qui se met d'un coup à chanter joyeusement."
Youssef, professeur à Paris, retourne à Salé, son village natal au Maroc. Sa mère est décédée et il doit retourner sur place pour son héritage. Avant d'y aller, une vague de souvenirs remonte en lui : son adolescence puis sa vie de jeune adulte sont complètement hantée par les violences qu'il a subies du fait de son homosexualité.
Les violences sont loin d'être seulement physiques : tout le monde tourne la tête pour ne pas voir le sort du jeune Youssef. Même ses soeurs ne l'ont pas soutenue pendant qu'ils subissaient ces viols. A travers son histoire mais aussi de celle de son ami d'enfance et d'autres personnages encore, il nous est retranscrit cette espèce de tabou, ce rejet de l'autre quand il n'est pas comme nous, la tradition du Maroc et la religion musulmane aussi qui tel que l'auteur nous le décrit, n'acceptent pas l'homosexualité. C'est avec une certaine pudeur que l'auteur nous raconte cette histoire, sans entrer dans les détails et en nous laissant imaginer ce qui a pu se produire réellement. L'auteur nous relate tout ça en donnant la parole aux personnes qui ont connus Youssef au travers de rêves qu'il a dans la nuit, comme un dialogue entre lui et les autres pour mettre en exergue les désaccords, les désirs de vengeance, l'amour aussi.
J'ai beaucoup aimé cette lecture : les dialogues imaginés dans les rêves de Youssef sont percutants, c'est bien fait, prenant et terriblement révoltant aussi. Très bonne lecture donc.
Je remercie les éditions Julliard et Netgalley pour cette lecture.
Émouvant et poignant
« Vendre, c’est accepter d’être déraciné par les autres. »
Malika, la mère du narrateur Youssef, professeur à Paris, est morte il y a 10 ans déjà quand ce dernier retourne à Salé, sa ville natale au Maroc, « Salé la maudite », pour vendre l’appartement qu’il reçut en héritage. Il est le dernier, ses sœurs se sont déjà délestées de leur part, son frère a également dilapidé tout le mobilier.
Par son geste, tout ce qu’a construit patiemment sa mère durant de longues années au prix de tant de sacrifices aura disparu, « ne nous appartient plus ».
Ce retour est surtout la réouverture difficile du livre des souvenirs, les bons et les plus douloureux moments. Le Bastion des larmes est l’histoire d’une vie, de l’amour, des souffrances, de la pauvreté, de la différence, de l’exil…
Après Vivre à ta lumière où il donnait la parole à Malika, Abdellah Taïa poursuit son œuvre autobiographique avec un roman extrêmement personnel.
Youssef a eu une enfance terrible car il était différent. Il a subi viol et violences insupportables. Mais « C’est ta faute si on te viole. Tu n’avais qu’à ne pas être comme ça, cette chose, cette bizarrerie, cette anomalie. » Il fut traité comme un moins que rien par beaucoup, jusqu’à l’impensable : « Tu es déjà une honte et tu vas nous foutre tous dans la honte. Tais-toi. Que Dieu te fasse brûler vivant jour et nuit. Tais-toi, sale chien. »
Comment se construire dans la différence ?
Youssef aurait aimé entendre certaines paroles de ses sœurs tant aimées.
Comment survivre dans la pauvreté ?
Youssef se souvient des expéditions « courses » avec ses sœurs et de Najib, son ami et un de ses amours de jeunesse. Najib lui parle dans ses rêves, Najib lui fait promettre.
Najib est devenu le héros de tout un peuple. A sa mort, lui le gay a été célébré car il les a tous ensorcelés. « Personne ne résiste au pouvoir des dirhams ». La drogue lui a permis de tous les acheter, la drogue lui a permis de se venger.
« Jamais je n’avais entendu le prénom d’un homme marocain gay célébré, chanté, porté si haut par ceux-là mêmes qui l’avaient détruit au tout début, pendant les années interminables de son enfance gâchée. »
Comme toujours avec Abdellah Taïa, l’écriture est sèche, saccadée, abrupte ou douce, ciselée ou crue. Elle exprime la colère, le regret, la tristesse. Elle pointe la violence et l’intolérance, l’incompréhension. Elle glorifie aussi l’amour, si fort, si vrai, si intense.
Les mots frappent, percutent, émeuvent. Les images demeurent.
Sensible et poignante, la fin du roman est splendide.
Maroc, ville de Salé, 2019. Youssef, 46 ans, professeur à Paris, rentre au Maroc pour vendre un appartement hérité de sa mère. Ce retour fait remonter à la surface des souvenirs qu'il a voulu enfouir au plus profond de lui-même en fuyant son pays. Youssef est homosexuel et il se souvient de ce qu'il a subi, enfant, à 7ans, méprisé, rejeté, violenté, violé mais aussi de son premier grand amour, à 16 ans, Najib, qui est mort peu de temps avant son arrivée à Salé.
Roman sur l'impossibilité de vivre son homosexualité au Maroc à moins d'être un homme puissant. Roman sur les enfances saccagées par des hommes qui veulent détruire, écraser ce qu'ils rejettent en violant des gosses de 7 ans. Mais c'est aussi un roman d'amour, amour de Youssef pour Najib, qu'il n'a jamais complètement oublié. L'auteur nous fait ressentir de façon parfois très crue, le désespoir, la solitude, le besoin de vengeance de ces parias. Il pose le dilemme presque impossible à résoudre : peut-on pardonner à ceux qui vous ont détruit ou la vengeance est-elle le seul moyen de survivre?
C'est aussi un violent réquisitoire, sans concession, contre la société marocaine qui ferme les yeux sur la haine dont sont victimes les homosexuels, qui laissent la pédophilie impunie. Société décrite comme hypocrite : le pouvoir et l'argent font oublier l'homosexualité, les pires saloperies pédophiles sont le fait d'hommes "respectables" parce qu'ils font leurs cinq prières par jour et vont à la mosquée. le roman lève également un voile sur les trafics de drogue ou autres que dirigent les hauts gradés militaires. L'image que l'auteur donne du Maroc est assez négative et désespérante.
Abdellah Taïa n'épargne pas non plus la famille qui ne protège pas ses enfants "différents" à cause de la honte, du dégoût, qui les laisse se faire détruire moralement et psychologiquement.
Ce roman laisse un goût amer dans la bouche; on est pris de nausées à la lecture de certains passages crus, violents; mais la sincérité brute du texte à travers un style presque incantatoire, qui mêle rêve et réalité, confère force et puissance à ce texte.
#LeBastiondesLarmes #NetGalleyFrance
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