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Tel les habitants de Salé venus au 13ème siècle pleurer devant ce rempart marocain l’enlèvement, par les Castillans, de 3000 des leurs, Youssef vient aujourd’hui, au bord de l’océan, pleurer sa jeunesse détruite et son ami perdu, Najib.
Lui qui a tant aimé ses six sœurs « indomptables et dominatrices » lorsqu’il était un enfant efféminé, s’est vu rejeté, méprisé et abandonné par celles en qui il avait toute confiance, lorsque son homosexualité s’est révélée.
Le calvaire des viols qu’il a vécu dans son quartier de Hay Salam a développé en lui un sentiment de vengeance qu’il porte avec « haine et détermination ». Devenu professeur à Paris, il revient à Salé à la mort de sa mère, marchant dans les traces de son passé douloureux et tentant de trouver un « bastion » où déposer ses larmes.
La première partie de ce roman est déchirante et j’ai lu avec indignation et émotion le calvaire que vivent les gays dans un Maroc très religieux. J’ai trouvé la suite un peu décousue même si le sujet de la vengeance imprègne toujours les mots en toile de fond. Quant à savoir si la résilience est au bout du chemin, la question me semble rester une interrogation, certainement légitime.
AbdellahTaïa est un auteur engagé qui dénonce à la fois le martyre des gays mais également l’asservissement des femmes et son Bastion des larmes devient essentiel pour cette réalité qu’il révèle.
Magnifique livre de l'écrivain marocain Abdellah Taïa, il a été récompensé du Prix de la langue française et Prix décembre 2024.
Direction Salé, ville fortifiée située au Maroc, où Youssef doit retourner après la mort de sa mère.
S'il est aujourd'hui professeur en France, c'est ici, dans ce lieu hors du temps, qu'il a grandi, avec, il faut bien le dire, des joies mais surtout beaucoup de difficultés car il y était victime de discrimination, de violence…
Youssef fait partie d'une grande fratrie, 3 frères et 6 sœurs, ce sont les voix de ses sœurs que nous entendons aussi dans ce livre, des voix qui chantent presque et résonnent comme une psalmodie.
Pour autant, si cela semble sur le papier un cocon chaleureux pour grandir, et si Salé est, au sens propre, un véritable bastion défensif, cela n'a en rien protégé le jeune homme de la vindicte populaire ou même de la violence familiale.
Tout commence avec une mission que se sont donnée les 6 sœurs : arpenter les rues de Salé dans le but de rembourser les éventuels créanciers de leur mère Malika. On comprend que c'est une question d'honneur et qu'il s'agit aussi d'alléger l'âme de celle qui est partie.
Avec ce premier chapitre, tout est dit : le poids des traditions, l'honneur qu'il ne faut surtout pas salir et en même temps cette fascination exercée par les 6 sœurs - Kamla, Hadda, Samira, Ilham, Ibtissam, Farida - sur Youssef, cette adoration qui efface même le mal qu'elles ont pu lui faire…
Car Youssef est gay. Revenir à Salé, c'est refaire le compte des souffrances qu'il y a subies et qu'il avait enfouies au fond de lui pour se reconstruire ailleurs tout simplement, c'est aussi évoquer ce premier amour interdit.
Ce livre est d'une puissance émotionnelle forte, Abdellah Taïa nous entraîne avec lui dans les pas de Youssef, on sent presque le souffle chaud du chergui balayer les ruelles de Salé.
C'est que l'écrivain, s'il manie les mots et la poésie, est aussi cinéaste et cela se voit aux images fortes qui s'imposent à la lecture de ce livre d'une beauté ensorcelante et vénéneuse.
Genre : Littérature générale
Avis : INTIME
Lu en numérique
Quand un roman vous entraîne au plus profond des psychés…
Youssef doit vendre l‘appartement de sa mère et pour cela revenir au Maroc qu’il a quitté depuis de nombreuses années afin de vivre et de travailler à Paris. Cette obligation de retour va faire remonter en lui de nombreux souvenirs liés à sa différence et le remettre en face de ses sœurs qui ne l’avaient pas protégé. Le pardon se trouvera-t-il au Bastion des larmes, terre de martyrs ?
J’ai qualifié ce roman d’intimiste faute de trouver mieux pour cette plongée dans la souffrance d’un homme qui n’a jamais pu ou su se guérir de son enfance. L’auteur nous invite à assister à un long monologue intérieur, quoique parfois coupé par une correspondance, un appel téléphonique, un rêve donnant la parole à une sœur ou un ami. La forme est volontairement compacte, sans dialogues, comme en réponse aux tourments intérieurs qui ne laissent pas le personnage principal en paix.
Heureusement qu’il vient au Maroc, plus précisément à Salé qui a connu l’un des plus grands massacres religieux perpétrés par les Espagnols en 1260. C’est l’occasion de nous convier à découvrir cette ville ouverte et malmenée par l’Océan Atlantique.
Déboussolée au départ par la forme, j’ai été rattrapée par la qualité du fond. Horrifiée par les descriptions des outrages et sévices ayant quasiment valeur de normalité dans cette ville et sûrement beaucoup d’autres, j’ai reconnu malgré tout une pudeur intérieure à ne révéler que la face extérieure des viols, et la volonté de mettre des mots qui obligent à voir. Car tout le roman est bâti sur les horreurs de l’enfance liées à une différence source d’ostracisme et de convoitise à la fois, mais aussi sur des relations intrafamiliales centrées sur les femmes de la famille.
L’ode aux amitiés, l’injustice des abandons, la liberté inventée des femmes, la corruption, le rigorisme moral et religieux sources de dérives et de corruption, sous-tendent le récit qui se voudrait autobiographique si le personnage était cent pour cent attribué à l’auteur. C’est un livre effroyable lors de certains passages, toujours douloureux, et fait pour activer une rébellion contre des siècles d’inaction. Un livre écrit sans pathos mais dont les faits bruts décrits comme quotidiens suffisent à susciter une émotion des plus terrifiantes.
L’auteur vient de recevoir le Prix Décembre pour ce roman
Je remercie #NetGalleyFrance et les éditions Julliard pour #LeBastiondesLarmes
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C’est son titre qui a poussé ce livre vers moi. Un titre à la fois beau et mystérieux. Je l’ai débuté sans rien savoir de l’histoire et je n’ai pas pu le lâcher jusqu’à ce que les dernières pages me livrent la signification de cette expression, tout en me faisant passer, durant ma lecture, par une multitude d’émotions.
Le narrateur est Youssef, un marocain exilé en France depuis des années où il exerce en tant que prof. Dix ans après le décès de sa mère, il revient à Salé, une petite ville côtière où il a grandi, afin de procéder à la vente de l’appartement familial. Il y retrouve ses six sœurs aînées, mais c’est surtout un flot de souvenirs qu’il devra y affronter. Bons et mauvais, éprouvants ou réconfortants, des souvenirs qui oscillent entre rêve et réalité mais qui réveillent des traumatismes anciens.
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C’est un roman très fort que nous livre Abdellah Taïa. Un roman à l’écriture tour à tour magnétique, poétique et cruelle qui m’a captivée et interpellée. C’est le récit d’une enfance au Maroc, de la difficile condition d’être gay dans ce pays musulman. Il y dit le rejet, les humiliations, les violences, mais aussi la grande hypocrisie qui fait que la tolérance varie selon le statut ou la richesse de celui qui en est déclaré coupable. C’est aussi une ode à la famille où l’amour et la haine se côtoient sans fin, tissant des liens complexes qui traversent les ans. Où l’on se déteste et où l’on se pardonne, ou le fait d’avoir partagé la même pauvreté et la même enfance permet avec le temps de s’accepter et de ses comprendre. Elles sont d’ailleurs touchantes ce s pages sur l’enfance, mais ce sont les pages sur les violences qui leur sont faites qui m’ont bouleversée. Celles que lui même a vécues, celles dont il a été témoin et plus encore celles qui perdurent, qui se reproduisent dans un constat terrible de l’immuabilité des drames. Tragique et révoltant.
Au final cela donne un livre très personnel, à la portée à la fois politique et sociale. Un roman transgressif qui dénonce le rigorisme religieux, la corruption et les atteintes aux plus faibles. Cruel et courageux
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