"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après un parcours classique, Rachel est devenue une épouse modèle. Terne, fatiguée, elle sur(vit) et s'efforce péniblement de suivre les traces de sa mère, bourgeoise fortunée de la banlieue de Washington D.C.Jusqu'au jour où cette dernière se suicide. Sans raison apparente.Sa mort, l'enterrement, le défilé des oiseaux noirs, la jeune femme les subit dans un état second, comme au spectacle. Elle passe une journée à errer dans la maison parentale, se rend compte que sa mère n'a laissé aucune trace - comme si cette dernière n'avait jamais existé. Sur le chemin du retour, Rachel voit des chevaux dans un champ. L'un d'eux, un grand palomino, se cabre au moment où la voiture les dépasse.Cela lui rappelle un rêve inachevé. Un rêve de voyage et de liberté.
Je me suis plongée dans ce livre sans rien savoir à son propos : je n’avais pas lu une seule fois son résumé et l’avais sélectionné sur la seule base de son auteur - Charlotte Bousquet fait clairement parti de ces auteurs en qui j’ai une confiance aveugle - et de sa couverture - il me semblait évident au vue de la photo que tout allait tourner autour d’un cheval. C’est assez rare, finalement, que je lise un roman sans rien connaitre à son sujet. C’est à la fois un peu angoissant - et si, finalement, le thème ne m’intéressait pas du tout ? - et particulièrement excitant - c’est un peu comme ouvrir un cadeau que l’on n’attendait pas, la surprise est totale. Toutefois, pour être parfaitement honnête, je ne prendrais pas le risque de me lancer dans ce type d’expérience sans connaitre un minimum la plume et le style de l’auteur ! Un peu d’inconnu, oui, mais pas trop non plus !
Petite fille modèle, épouse docile, Rebecca s’est toujours efforcée de faire naitre fierté et approbation dans le regard de sa mère. Enfermée dans une vie qui ne lui correspond pas, qui l’étouffe, qui la submerge, elle se laisse toutefois mener par le bout du nez, trop craintive pour oser se rebeller, pour oser s’affirmer. Jusqu’au suicide de sa mère. Inexpliqué, inexplicable. Pour Rebecca, c’est l’électrochoc. Après toute une existence passée à se plier aux volontés de cette grande dame qui ne faisait que la rabaisser, que lui prouver qu’elle n’était pas assez parfaite pour elle, Rebecca décide soudainement de prendre sa vie en main. Contre vents et marées, elle se lance dans un immense voyage à travers les Etats-Unis … sur le dos de Djinn, un fier étalon maltraité par ses anciens propriétaires. Sans vraiment savoir où aller, Rebecca se contente d’avancer, jour après jour … pour se retrouver elle-même.
Contrairement à ce que les apparences peuvent laisser penser, Sans raison apparente est donc en premier lieu une histoire de famille. L’histoire tragique d’une mère et d’une fille. Les attentes de la première semblaient inatteignables pour la seconde, qui persistait toutefois à tenter de faire naitre un sourire, un compliment, une preuve d’approbation et d’amour dans le regard de sa génitrice. Sans le savoir, elles étaient l’une comme l’autre enfermées par quelque chose qui les dépassait : le poids des convenances, des traditions, la force des attentes sociales, de la bienséance. Une petite fille se doit d’être polie et gracieuse, une femme se doit de fonder une famille. Ceux qui sortent de ce cadre sont des marginaux, des non-conformistes ou des égoïstes. La liberté, dans notre société, c’est celle de faire comme tout le monde. Vous ne me croyez pas ? Demandez-vous comment vous réagiriez face à un jeune homme ou une jeune femme qui décide de rester célibataire et, surtout, de rester vivre avec ses parents sans jamais « prendre son indépendance ». Quand bien même vous feriez preuve de « tolérance » face à ce choix … vous rendriez-vous compte que le simple fait de parler de « tolérance » à ce propos prouve bien que ce mode de vie est dérangeant, car sortant du moule ? Cette jeune personne ne pourrait s’estimer parfaitement libre que si cette volonté ne faisait naitre absolument aucune réaction.
Rebecca, comme sa mère avant elle, s’est résignée à suivre le chemin tout tracé que la société attendait d'elle. Par peur du regard des autres, par peur du jugement des autres. Pour s’affranchir de cette peur, Rebecca a eu besoin de l’aide de Djinn, ce cheval tout aussi brisé par la vie qu’elle. Contrairement à ce que la plupart des films et romans veulent nous faire croire, la relation entre Djinn et Rebecca ne coulait pas de source. Bien au contraire. Charlotte Bousquet montre bien que rien n’est jamais gagné d’avance lorsque l’on souhaite se lier d’amitié avec un cheval : il ne suffit pas d’avoir suivi des cours d’équitation dite « éthologique » pour qu’un lien fusionnel se créé dès la première seconde. Pour que Djinn lui fasse confiance, Rebecca a dû elle aussi lui ouvrir son cœur. Pour que Djinn reprenne confiance, Rebecca a dû elle aussi faire face à sa propre faiblesse. Ce n’est qu’à force de patience, d’écoute, d’erreurs, que chacun a fini par devenir la béquille de l’autre. Petit à petit, ils ont appris à se connaitre, à se comprendre, leur duo s’est consolidé au fur et à mesure de ce long voyage à travers la nature sauvage, de cette longue errance à travers la vie. Car le périple de Rebecca n’est que le reflet de sa guérison intérieure, tandis que cicatrisent les blessures nées des secrets et non-dits au sein de sa famille, tandis que se réaffirment les rêves jusqu’alors étouffés …
En bref, un récit véritablement bouleversant qui invite à s’interroger : serions-nous capables, nous aussi, de tout laisser tomber comme l’a fait Rebecca ? serions-nous capables, nous aussi, de tourner le dos aux attentes qui pèsent sur tout pour affirmer notre personnalité propre et vivre comme nous l’entendons réellement ? Et tout ceci n’est qu’un aperçu des questionnements que peut faire naitre ce roman, qui résonnera probablement différemment dans le cœur de chaque lecture. Avec en prime une très belle histoire d’amitié entre une jeune femme et un cheval, une histoire qui m’a émue aux larmes tant elle est vibrante de réalisme et d’émotions. Seul petit bémol que je peux trouver à ce livre … le résumé de sa quatrième de couverture, lu après avoir dévoré le roman, et qui est bourré de fautes (mauvais prénom, incohérences avec l’intrigue …). Aussi, si vous souhaitez vous plonger dans ce roman, et je vous le conseille vivement tant il est beau et bien écrit, faites comme moi et ne regardez même pas cette quatrième de couverture !
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/02/sans-raison-apparente-charlotte-bousquet.html
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