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«Ce qui est évident se montre et ne peut pas être prouvé», résume Joseph Joubert dans ses Carnets,
le 14 juillet 1800.
Slogan des physiocrates, mot-clé des manuscrits d'Emmanuel-Joseph Sieyès comme des
interventions polémiques de Louis-Sébastien Mercier à l'Institut, préoccupation récurrente des Notes
philosophiques du jeune Balzac, l'évidence, que Joseph Joubert appelle en 1805 la «couleur de la
vérité», est une notion centrale du «moment 1800». Le présent numéro, résolument
pluridisciplinaire, se propose de montrer qu'elle constitue un lien entre plusieurs évolutions
majeures qui se produisent dans la pensée et la littérature entre 1760 et 1830.
Du côté de la rhétorique, la pratique des orateurs révolutionnaires renouvelle les enjeux de
l'evidentia, définie par Quintilien comme la capacité de «mettre sous les yeux» de l'auditeur un objet
absent. Chez les philosophes, l'évidence cartésienne est contestée par l'épistémologie sensualiste ou
encore par l'émergence d'une «évidence du coeur», en particulier chez Rousseau. Plus largement,
l'évidence exprime désormais un nouveau rapport à soi, fondé sur une authenticité intime que
Joubert appelle «l'invidence». Ces trois aspects s'entrecroisent dans les réflexions sur l'économie
politique, dans les nouvelles manières d'écrire l'histoire ou dans l'introduction polémique de la
philosophie de Kant en France.
Les articles recueillis dans ce numéro s'intéressent aussi bien à la langue des signes, traduction de
l'évidence, qu'à la question de l'impartialité de l'historien, à l'éloquence comme marque de la vérité
ou à la relation entre certitude et métaphysique.
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