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1970.
Les tribulations cocasses d'un médecin d'Orps-la-Petite.
Célibataire inconsolable et... impuissant depuis la mort de son épouse, Marc Mériaux est pourtant entouré de femmes : ses patientes envahissantes, sa grand-mère atteinte de démence sénile, les amies fantasques de celle-ci, Thérèse sa fidèle maîtresse, et surtout Catherine, ravissante étudiante de douze ans sa cadette dont il est tombé fou amoureux.
S'engage pour Marc la reconquête inespérée de ses sens endormis. Mais il doit livrer aussi un autre combat : se présenter aux élections communales de ce véritable Clochemerle, afin que cessent les malversations orchestrées au sein d'un centre de soins dont il est le médecin traitant. Politique, religion, passions, aimable libertinage s'entremêlent dans ce roman impertinent et tendre où les corps et les âmes sont disséqués avec finesse.
On ne peut s'empêcher de penser à La maladie de Sachs lorsqu'on lit ce roman. Beaucoup de points communs, même si je ne compare pas, d'abord parce que le livre de Martin Winckler est une lointaine lecture et ensuite pour qui a lu cet excellent livre dudit M. Winckler, tout roman se rapportant à un docteur le lui rappellera forcément.
Orps-la-Grande est une petite ville paisible entre urbanité et ruralité. Le docteur Mériaux fait énormément de visites à domicile, reçoit à son cabinet ; il ne lui reste que peu de temps pour lui. Heureusement, Thérèse est là, qui veille au bon équilibre de son amant impuissant. Alors, comment font-ils me direz-vous ? Eh bien, Y. Bocaj écrit quelques pages délicieusement et gentiment coquines (rien à voir avec ma lecture déplaisant d'un roman porno : tout se passe entre adultes consentants, et si certaines pratiques peuvent poser question -même au docteur-, elles ne sont jamais écoeurantes. Au contraire !) D'ailleurs tout le livre est délicieux. On a le sourire quasiment tout au long de la lecture et parfois des éclats de rire comme par exemple lorsque Marc Mériaux reçoit ce couple "d'arriérés mentaux", déjà parents de cinq enfants eux-mêmes "anormaux" (vocabulaire des années 70 où le politiquement correct ne nous avait pas encore envahi, où l'on pouvait encore dire aveugle et pas mal-voyant, sourd et pas mal-entendant ou comme disait Pierre Desproges, où l'on pouvait dire con et pas mal-comprenant) :
"- Je suis enceinte, monsieur le docteur. [...]
- Enceinte ? Je vous avais pourtant prescrit la pilule ! [...]
Le mari intervient, en chef de famille [...] :
- On a fait comme vous avez dit, monsieur le docteur, on les a achetées chez le pharmacien, vos pilules, mais comme je sais que ma femme est trop bête, je les ai prises à sa place. Une par jour, comme vous avez dit." (p.39)
Parfois cependant, le message est plus dur, plus lourd puisqu'un médecin est tout de même souvent confronté à la mort, notamment celle d'enfants. Le cas de Pierre, atteint d'une tumeur au cerveau ne prête pas à sourire et c'est là probablement que l'humanité de Marc Mériaux atteint son apogée. Parce qu'il aime les gens le docteur, qu'ils soient jeunes ou vieux, beaux ou laids, grands ou petits, il aime ses concitoyens. C'est donc pour cela qu'il se lance aussi en politique. On est dans les années 70 et la suspicion, le dégoût des politiciens n'est pas encore au niveau des années 2000 (ça, c'est comme pour le politiquement correct, on pouvait encore croire à la Politique et aux hommes et (peu de) femmes politiques intègres et honnêtes. Bon, en cherchant bien, il doit y en avoir encore quelques un(e)s, ce serait bien pour cette année). Un homme pétri de bonnes intentions, localement pouvait encore tenter de faire passer ses vues, ses idées et ses projets. Y. Bocaj s'amuse donc à raconter la vie de cette petite ville à la veille d'un scrutin important, avec ses petites ou grandes querelles, ses prises de bec, ses polémiques.
Un roman très réel, très prosaïque, mais qui n'oublie pas de dresser un portrait en détails d'un homme simple et bon, dans tous ses aspects. Le personnage de Marc Mériaux est bien travaillé, en profondeur : sur cette année de vie, on n'échappe à aucune de ses réflexions, de ses peurs, à aucun de ses doutes. Parce que sous ses dehors humanistes, l'homme doute, aime et tentera, par amour de surmonter son handicap, comment dire, pas tous les jours facile à assumer.
Plutôt bien écrit, très agréable à lire, c'est un livre qui ne vous tombera pas des mains surtout sur la fin ou l'on a hâte de connaître les divers dénouements des histoires en cours ; l'auteur fait preuve d'une plume joyeuse, tendre, humaniste pour reprendre un mot déjà plusieurs fois utilisé, libertine juste ce qu'il faut et d'un humour particulièrement plaisant (dans le genre, l'auto-citation p.31 n'est pas mal du tout)
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