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Leur histoire avait commencé heureuse, légère, éblouissante, florissante, les deux êtres s'étaient métamorphosés en un seul, magnétique et fort, profus de splendeur. Puis, subrepticement, elle s'était annulée d'elle-même, aussi vite qu'elle avait pris forme, telle une bulle de savon. Éphémère, elle n'en était devenue que plus précieuse et sa disparition plus cruelle. Un mauvais sort avait foudroyé leur liaison pour la désintégrer. Et, aujourd'hui, un curieux hasard semblait vouloir la faire revivre dans des conditions inhabituelles qui, peut-être, réussiraient à contenir son évanescence indisciplinée.
Swiftitudes n'est pas la minutieuse radiographie d'un chagrin d'amour. C'est bien plutôt une sorte de " manuel d'indépendance à l'usage des filles ", où l'on apprend pour son plus grand bonheur par quelles voies échapper très vite à la fatalité de l'accablement.
Le narratrice, prénommée Estelle, rêve de Swift. Or, le lendemain matin, elle découvre par hasard dans une vieille revue un article où il est question de Swift, écrit par son amoureux, dont elle vient de se séparer. Pour échapper à sa mélancolie, plutôt que de négliger ce fait ténu, elle embarque littéralement pour un voyage imaginaire tissé de rencontres et de coïncidences troublantes dont Swift va être le guide. Son amant ne lui avait-il pas parlé des Instructions aux domestiques ? Une des femmes de Swift ne s'appelait-elle pas Stellaoe D'Estelle à Stella.
Et le récit de se transformer en une formidable dérive, que hante le spectre de Nadja, où l'aventure imaginée devient bien plus riche que la vraie histoire d'amour : les hasards, les rêves, les illuminations prennent le pas sur le désir ou la nostalgie et, de Molière à Nerval, de l'artiste Raymond Hains à Matisse, d'Yves Klein à Swift, on rapprend avec bonheur le pouvoir exaltant du beau et de l'art.
Les quelques tentatives de la narratrice pour considérer son odyssée comme une folie défiant la raison sont vite balayées : ses amis les plus chers, belle galerie de portraits, sont eux-mêmes gagnés à l'idée de la transmission aléatoire du sens. Et si son vieux complice Björn, passager à son corps parfois défendant de la croisière, tente de faire figure de contrepoids raisonnable, son propre comportement n'a rien d'exemplaire : la veille d'une de leurs rencontres, il a tout bellement ingurgité une mèche de cheveux de son aimée. Non sans mal.
Car il y a de la loufoquerie dans ce conte qui, avec sa fausse ingénuité et son sens ravageur du non-sens, est là pour donner toutes les raisons, à l'image de Swift, de poursuivre l'inaccessible étoile.
Swiftitudes, contrairement à solitude, rime avec plénitude.
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