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« Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs », annonce Jean-Luc Godard au début du Mépris. Cette célèbre phrase dite en générique d'un film fameux est un double hommage à Michel Mourlet. D'abord parce que Godard reprend littéralement cette proposition d'un article écrit par Mourlet en 1959, "Sur un art ignoré", publié dans les
Cahiers du cinéma. Ensuite, en attribuant cette citation à André Bazin, le cinéaste confond Michel Mourlet avec le plus grand critique de cinéma d'après-guerre...
Il est vrai que nombre des textes de Michel Mourlet ont bouleversé les valeurs convenues du cinéma, et ont, en leur temps, suscité des controverses passionnées, stimulant ou provoquant plusieurs générations de cinéphiles. Quand il publie ses premiers textes dans les Cahiers du cinéma, entre 1959 et 1960, il symbolise une école critique, celle des « mac-mahoniens » (du nom d'un cinéma proche de l'arc de Triomphe), qui divise alors la cinéphilie en prônant le cinéma comme « art de la fascination », expression suprême de la « mise en scène », défendant essentiellement quatre cinéastes (leur «carré d'as») qui illustrent ces thèses: Fritz Lang, Otto Preminger, Raoul Walsh, Joseph Losey.
Les textes de Michel Mourlet, réunis une première fois en 1965, réédités en 1987, ici accompagnés de quelques inédits, sont toujours aussi stimulants et provocateurs. Car ils imposent, avec une élégance classique, une haute idée d'un art. Et sans doute le cinéma n'a-t-il jamais été mis si haut que dans ces lignes, qui ressuscitent sa pureté, son style, son lyrisme, telle une absolue beauté.
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