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Juin 1940. Les destinées se heurtent sur les routes de l'exode. Le banquier Corbin, le couple Michaud, la tribu des Péricand, l'abbé Philippe, la frivole Arlette Corail, le sinistre Corte et sa maîtresse écervelée, les perdants, les affreux, les purs et les morts, tous forment les figures inoubliables de cette débâcle française. Une brillante adaptation graphique du chef-d'oeuvre d'Irène Némirovsky, couronné par le prix Renaudot 2004.
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2017/02/16/34944580.html
Qui n’a pas découvert en 2004 Suite française d’Irène Némirovsky ? Qui n’a pas suivi la première remise du Prix Renaudot à titre posthume pour cette œuvre inachevée ?
Née en 1903 à Kiev, Irène Némirovsky s’installe avec sa famille à Paris à seize ans. Elle commence une carrière prometteuse dans le monde de la littérature avant que l’Occupation et les lois juives viennent y mettre un terme. Exilée dans un petit village bourguignon avec son mari et ses filles, elle se lance dans un récit de la guerre en temps réel et en cinq volumes. Les deux premiers romans Tempête en juin et Dolce sont terminés mais elle est arrêtée et déportée à Auschwitz en pleine écriture du troisième Captivité. Elle meurt du typhus. Son œuvre cachée dans une valise rouge est conservée en permanence par ses filles qui échappent à la déportation. Dans les années 80, elles se décident à ouvrir cette valise, à faire ressusciter les écrits de leur mère. L’année 2004 offre ce souhait avec la publication des deux volumes en un seul sous le titre de Suite française.
Emmanuel Moynot se lance en 2015 dans l’adaptation en BD du premier volume Tempête en juin. On y suit ainsi trois familles : les Péricand, les Corte, les Michaud et tout un tas de personnages satellites en plein exode en juin 40. Ils fuient ainsi Paris et chacun révèle en cette période de chaos et de débâcle sa véritable nature : la peur, la duplicité, la lâcheté côtoient aussi l’intégrité et la solidarité. Une belle fresque des âmes humaines dans le meilleur et le pire très bien mise en valeur par le graphisme d’Emmanuel Moynot. L’ambiance grise, les coups de crayon rapides s’accommodent bien avec le ton acerbe du texte et la noirceur des personnages d’autant plus que ce n’est pas un roman forcément facile à adapter en BD.
La Seconde Guerre Mondiale est une période qui m’a toujours interrogée, n’arrivant pas à saisir comment l’humanité avait pu sombrer dans une telle folie meurtrière. C’est donc avec plaisir que j’ai lu Suite française qui aborde une autre réalité historique : la débâcle française et l’exode qui ont conduit tant de personnes sur les routes.
Dans Suite française, on suit ainsi différentes familles et personnages de la préparation de leur départ sur les routes à leur périple. La galerie des personnages est variée mais, au final, la classe pauvre de la population française n’est pas forcément très représentée. A noter qu’en début d’ouvrage, un portrait des personnages principaux est proposé ce qui se révèle très utile surtout en début de lecture. Cela m’a permis d’entrer facilement dans l’histoire puisqu’au départ, il peut être difficile de se souvenir de tous les protagonistes.
Certaines personnes comme le couple Michaud ont attiré d’emblée ma sympathie quand d’autres comme leur patron ou M. Langelet m’ont tout de suite semblé antipathiques. Pourtant, j’ai lu avec une certaine curiosité le voyage de chacun qui, bien que mus par le même désir de fuite, n’ont pas forcément la même perception de la situation de la France ni les mêmes priorités. Certaines situations sont ainsi surréalistes comme lorsque M. Corte et sa maîtresse sont en quête d’un bon repas malgré l’arrivée des Allemands. D’autres, quant à elles, se révèlent révoltantes et tendent à souligner que le manque de morale et la bassesse sont une réalité bien humaine que la guerre ne permet pas d’estomper, bien au contraire.
Avant de commencer le livre, je m’attendais à un récit plus dur que celui présenté dans la BD. Le contexte de l’époque veut que les personnages ne font pas des cabrioles à longueur de jour, mais on ne ressent pas non plus forcément une énorme tristesse ou désolation de leur part. On peut peut-être l’expliquer par le fait que tout est arrivé si vite que les personnages n’ont pas encore pris la mesure des événements. Mais auraient-ils vraiment pu se douter que la guerre et ses atrocités n’en sont qu’à leurs débuts et que le pire, l’imaginable est à attendre ?
Quant aux illustrations, je ne les ai pas trouvées magnifiques, mais cela aurait été de toute manière quelque peu bizarre de retranscrire l’exode par une opulence de couleurs et de beauté. En revanche, elles se révèlent percutantes d’autant qu’Emmanuel Moynot a retranscrit, à travers le visage des personnages, tout un panel d’émotions. Si l’on ajoute à l’expressivité des personnages, l’utilisation harmonieuse de dégradés de gris par Chantal Quillec, on ne peut que louer la manière dont le lecteur est plongé dans cette BD et par extension, dans le contexte gris si ce n’est noir de cette période de l’Histoire de France.
En conclusion, je ne peux me prononcer sur la fidélité de cette adaptation par rapport au roman, mais ce qui est certain c’est que Folio vous offre un livre de qualité qui vous happera dès les premières pages. Si vous avez lu le roman, vous serez certainement séduit par le fait de revivre l’histoire en images. Et, si vous ne l’avez pas lu, je suis certaine que cette BD vous donnera, comme ce fut le cas pour moi, envie de vous plonger dans l’œuvre originale.
Enfin, j’évoque rarement le prix des livres, mais je tiens à souligner l’excellent travail de Folio, qui avec sa collection Folio BD, vous offre des adaptations d’œuvres connues à des prix plus que corrects. Je porterai dorénavant une attention particulière aux différents livres de cette collection.
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