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Octobre 1248, Ibn Baytar le plus réputé des pharmacologues et herboristes des Hôpitaux du Caire s'apprête à se mettre en route pour regagner Damas où Saleh Ayoub, Sultan d'Égypte et de Syrie, neveu de Saladin, doit séjourner. Le sultan malade est inquiet. Non seulement on lui a appris que les Mongols dévastent Bagdad sans que personne ne puisse s'y opposer, mais que l'Occident lancent la neuvième croisade, conduite par le roi Louis IX. Des émissaires arrivés en hâte de la côte l'ont informé de l'installation de premiers contingents francs à Chypre. Sans aucun doute, ils y prendront leurs quartiers d'hiver, y attendront les renforts et attaqueront à peine le printemps installé. Et pour ajouter à l'inquiétude du sultan à peine remis d'une tumeur au larynx, un conflit vient d'éclater entre ses descendants ayyoubides.
Al-Saleh tient à soutenir son cousin Al-Ashraf contre le roi d'Alep. Il veut aussi passer en revue l'une de ses garnisons installée à Homs et la renforcer. De Homs il ira se reposer à Damas. Il a déjà donné l'ordre que tout soit prêt pour l'arrivée de son armée. Les médecins les plus renommés d'Égypte doivent seconder le corps médical de Damas. Le chef des herboristes du Caire aura la charge de tout inspecter dans la pharmacie de la citadelle. Donc, Ibn Baytar se hâte... il vient de terminer les derniers paragraphes des trois mille écrits de ce qui sera son oeuvre la plus achevée en pharmacologie : Le traité des Simples et des aliments auquel le savant andalou travaille depuis ses quarante années d'exil, de voyages et d'études en Orient est une somme qui rassemble l'ensemble des connaissances en botanique et pharmacologie disponibles à son époque, le XIIIe siècle.
Au Caire, Ibn Baytar n'a pas grand espoir de revoir un jour l'Andalousie, sa famille de savants, Malaga sa ville natale, et la Séville de ses études déjà menacée de reconquête par les rois chrétiens. Il y a quelque temps, il a aussi décidé de rédiger ses mémoires.
À Damas, il sait qu'il est attendu par cette famille syrienne qui accueille si bien les savants , visiteurs ou exilés et surtout les savants maghrébins ou andalous. À Setti Hasifa, la botaniste de Damas, parfaite maîtresse de la maison mais surtout savante respectée qui, avec son père médecin, le seconde dans la copie de son oeuvre, il veut, surtout, confier le cahier de ses mémoires. Elle seule saura prendre soin de cet autre travail. Et elle saura aussi à qui remettre, à Damas, le précieux manuscrit de son volumineux traité.
À la mort en Syrie d'Ibn Baytar, à l'automne 1248, Hasifa, recueillera le carnet relié de cuir rouge des mémoires de l'herboriste andalou. Elle l'emportera à Venise dans l'exil de la famille damascène chassée de Syrie par les hordes de Mongols qui ruineront tout le pays.
Le manuscrit du Traité des Simples emporté au Maghreb puis dans quelques bibliothèques d'Occident sera copié en maints exemplaires, sera étudié, traduit dans le monde entier et est toujours l'ouvrage de référence pour tout travail de botanique d'herboristerie et de pharmacologie.
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