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On me crie de Séir :/« Veilleur, où en est la nuit ?/Veilleur, où en est la nuit ? »/ Le Veilleur dit :/« Le matin vient, et la nuit aussi. » À partir de cette citation du prophète Isaïe, Pierre Le Coz a bâti une de ses vastes méditations dont il a le secret ; et méditation en laquelle, sur la base notamment d'interprétations approfondies du « Christ aux oliviers » de Nerval, de la Noche oscura de saint Jean-de-la-Croix, du Macbeth de Shakespeare, de poèmes « nocturnes » de Philippe Jaccottet et des Apports à la philosophie d'Heidegger, est examinée la nature très particulière de ce où « où en est la nuit ».
Mais, comme d'habitude chez Pierre Le Coz, ces analyses, qui pourraient sembler relever des seules catégories de la métaphysique ou de la « mystique », ne cherchent rien d'autre qu'à jeter le regard le plus lucide et le plus « pratique » sur notre présente situation, époquale et spirituelle : tant, pour cet auteur, la pensée, fût-elle « la plus profonde », n'a d'intérêt que si elle cherche à opérer dans son « siècle sien ». Ce pourquoi, faisant suite à ces analyses de textes littéraires ou philosophiques, on en trouvera d'autres qui elles - pour examiner notamment le processus à l'oeuvre en nos temps « spectaculaires » de la « dissolution de la vérité » - ne dédaignent pas de s'attaquer à des sujets de l'actualité la plus triviale : la disparition mystérieuse d'un avion dans le ciel d'une planète supposée « sous contrôle », le livre de « révélations » d'une ex-première dame, une jacquerie en Bretagne, le succès planétaire d'une série télévisuelle d'« héroïc-fantasy », la montée en puissance d'un parti « populiste » en France ou d'un autre « islamophobe » en Allemagne, un attentat islamiste à Paris, etc.
En ce sens, ce Veilleur, neuvième tome de L'Europe et la Profondeur, ne propose rien d'autre à son lecteur qu'une « plongée sans frémir » en les ténèbres extérieures de sa propre époque et une confrontation avec le vertige, « époqual et spirituel », qui surgit de cette plongée-même ; et confrontation qui oblige ce lecteur, pour reprendre les termes de l'énigmatique parole du Prophète, à se déterminer sans faux-fuyant entre la possibilité d'un « redressement » (la « venue du matin ») et l'abandon toujours plus séduisant à un « déclin » présenté comme irrépressible (le prolongement - en le mode de son épaississement indéfini - de « la nuit »).
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