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Le triple du plaisir

Couverture du livre « Le triple du plaisir » de Jean-Claude Milner aux éditions Verdier
  • Date de parution :
  • Editeur : Verdier
  • EAN : 9782864322658
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

La pensée antique s'était formée du plaisir une représentation construite.
Un paradigme : étancher sa soif, assouvir sa faim.
Un axiome : le plaisir est incorporation. On ne peut saisir ce que cela entraîne qu'en distinguant, de part et d'autre et d'autre du plaisir, deux autres termes :... Voir plus

La pensée antique s'était formée du plaisir une représentation construite.
Un paradigme : étancher sa soif, assouvir sa faim.
Un axiome : le plaisir est incorporation. On ne peut saisir ce que cela entraîne qu'en distinguant, de part et d'autre et d'autre du plaisir, deux autres termes : l'acte sexuel et l'amour. Plaisir, coït, amour constituent ainsi le triple du plaisir. Si le plaisir est incorporation, les termes peuvent-ils se combiner harmonieusement ? Telle est la question des sages.
Elle recèle un piège : au régime de l'incorporation, plaisir et coït jamais ne se noueront. Ou : il n'y a pas de plaisir sexuel. La philosophie propose ses solutions. Platon d'un côté : chasteté, prédilection, amours masculines ; Lucrèce de l'autre : multiplication des contacts, indifférence, amours féminines tout autant que masculines. Si opposées qu'elles soient, les deux solutions s'inscrivent dans un même paradigme, fondé sur la même évidence.
Voilà précisément ce que les modernes refusent. Nous sommes tous bien convaincus que le plaisir sexuel est possible en droit. C'est là le symptôme d'un bouleversement. Il a des conséquences. Une au moins : nous ne pensons plus le plaisir au registre de l'incorporation, mais au registre de l'usage. Témoignent du changement, la théorie marxiste de la valeur et la théorie freudienne du fétichisme. Ainsi le plaisir devient-il de part en part marchand et la marchandise devient l'alphabet du plaisir.
A un tel univers, le charme fait grandement défaut. Aussi la philosophie revient-elle et notamment Platon. Emmailloté le plus souvent dans les langues académiques, réduit à des bêlements plaintifs, il arrive parfois qu'il fasse entendre son discours avec une violence digne de lui. C'est le moment de Sade, de Baudelaire, de Pasolini, de Foucault. Ne trouvera-t-on cependant, pour nous délivrer, que les cygnes d'autrefois, pris dans les glaces de notre temps et condamnés au sol dur ?
Je ne le crois pas.

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