"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La maladie qui m'a conduit à la réanimation m'a emmené plus loin que la réa, bien au-delà du cap Horn, dans ce qu'il convient d'appeler une expérience de mort approchée.
Au cours de cette traversée, j'ai vu et entendu toutes sortes de choses. Des monstres, des anges, des paysages et des visages, du vide et du trop-plein, de la compassion, de l'horreur et de l'amour. Aux prises avec un bouleversement constant du temps et de la durée ; quand les jours et les nuits n'avaient plus aucun sens, aucune construction ; lorsque je perdais tout repère ; lorsque je revoyais des moments de ma vie ancienne et de ma vie à venir. Lorsque deux Moi-même s'affrontaient en un dialogue permanent, quand l'un de ces deux Moi disait :
- Tu vas mourir, laisse aller, c'est foutu, tandis que l'autre Moi répliquait :
- Non, bats-toi, il faut vivre. »
Souffrant d’un grave œdème du larynx, Philippe Labro se retrouve intubé dans le service de réanimation de l’hôpital Cochin à Paris. Il reste plusieurs jours dans un état semi-comateux, perfusé, relié à des machines à oxygène et ligoté sur son lit. Il a l’impression que tout un aréopage de connaissances déjà mortes se tiennent alignées le long d’un des murs de sa chambre. Elles l’incitent à venir les rejoindre dans l’au-delà. Labro se retrouve à entendre non pas une voix intérieure, mais deux. L’une lui conseille de se laisser aller et d’accepter de mourir alors que l’autre le pousse à se battre et à lutter de toutes ses forces pour revenir vers la vie. Un jour, il fait l’expérience d’une NDE (Near Death Experience) ou d’une EMI en français (Expérience de Mort Imminente). Il a l’impression d’être extrait de son corps physique et d’être entraîné à toute allure dans un couloir très sombre. Une sorte de trou noir. Il en vivra ensuite une seconde, mais cette fois beaucoup plus lumineuse, plus apaisante, plus rassurante…
« La traversée » est le témoignage touchant et émouvant d’un écrivain parvenu aux portes de la mort et même un peu au-delà. Aucun mysticisme dans ce récit (ni ange, ni présence divine). Et pourtant Labro, certainement athée ou fort peu croyant, refuse absolument de s’en tenir aux explications rationalistes habituelles que l’on sert en pareilles circonstances. Ces visions seraient dues à des hallucinations causées par la prise de médicaments ou par une réaction du cerveau à certaines douleurs extrêmes. En ces moments dramatiques, on dit que le mourant revoit défiler tout le film de sa vie. Ce fut le cas pour l’auteur, mais par flashs et éclairs confus, sans logique ni chronologie. Le récit est construit un peu sur le même schéma. Le style est assez agréable à lire en dépit d’un bizarre besoin de l’auteur de passer d’un pronom personnel à un autre au fil des chapitres ou paragraphes. Il parle de lui à la première personne du singulier puis à la troisième avec quelques détours à la deuxième du pluriel quand il veut s’adresser au lecteur. Ouvrage intéressant pour tous ceux qui s’intéressent à la vie après la vie, mais également aux conditions de travail des soignants en service de réanimation. Un Labro qui mérite le détour.
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