Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Si vous avez lu le permier roman de Lize Spit - Débâcle - , retour dans ce petit village flamand de Bovenmeer dans les années 90.
On découvre Jimmy, 11 ans, il nous raconte cette histoire avec ses yeux de pré-adolescent. Jimmy est rejeté par ses parents divorcés, il trouve refuge dans sa précieuse collection de Flippo's. Dans les années 90 on trouvait ces petits disques cartonnés dans les paquets de chips. Jimmy les collectionne méticuleusement, il les bichonne, les classe dans des albums à cet effet. Il imagine déjà son heure de gloire lorsqu'il aura récolté la plus belle collection du pays.
Tristan, c'est un réfugié kosovar qui est arrivé au village avec sa famille et ses frères et soeurs il y a un an. Etant bon élève, c'est Jimmy qui a été désigné pour aider Tristan à apprendre la langue. Ils sont devenus inséparables, son meilleur ami à qui il envisage d'offrir les doubles de sa collection lorsqu'il apprend que la famille va être expulsée du pays.
Jimmy va régulièrement chez son ami, ce soir il va pouvoir y loger et se rendre compte de façon encore plus grande les traces laissées par la guerre. Tristan et sa soeur ont un plan pour rester en Belgique, ils sont prêts à tout pour ne pas retourner dans leur pays, Jimmy fait partie du plan.
On ressent très vite la tension au fil de l'écriture de ce court roman. On sent aussi que l'issue risque d'être tragique. Une fois encore Lize réussit brillament à nous capter par l'intensité de son écriture.
Au départ d'un fait réel elle nous raconte les séquelles de la guerre et ses traumas mais aussi une belle histoire d'amitié, de solidarité sous le regard candide des enfants. Intense et très bien mené.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Jimmy tendait la main vers le paquet de chips recommandé par son instinct, ce paquet qui lui donnait l’impression qu’il le choisissait, lui, plutôt que l’inverse, ce paquet dont il pouvait jurer qu’il lui chuchotait à l’oreille, et même qu’il se penchait un peu vers lui, sauf qu’au tout dernier moment, juste avant de l’attraper, il changeait d’avis et saisissait au hasard un paquet voisin, silencieux et vide de promesses. De cette façon, Jimmy esquivait le sort, obtenant quelque chose qui en fait ne lui était pas destiné. Il avait la certitude qu’il aurait plus de chance avec ce qui ne lui était pas dévolu au départ.
Dans la famille Ibrahimi, on ne dormait pas chacun dans son lit, mais tous ensemble sur des matelas posés à même le sol. Jimmy l’avait vu de ses propres yeux au cours d’une partie de cache-cache, lorsqu’il s’était engouffré dans la chambre à la recherche d’une planque. La pièce ressemblait à un vœu exaucé, à une piste d’atterrissage tapissée de couvertures et d’oreillers sur lesquels on pouvait enchaîner les galipettes et faire la roue, ou le poirier, sans se casser le dos.
Le visage et les mains du père de Tristan étaient lacérés de cicatrices datant de la fois où il avait dû défendre ses filles contre des trafiquants d’êtres humains. La mère de Tristan, enceinte de sept mois au moment de quitter son pays, avait accouché au centre d’accueil et prénommé sa fille Paola, par gratitude pour les bons soins reçus en Belgique. La reine en avait été informée et son petit mot de remerciement trônait dorénavant, dans un cadre, sur le manteau de la cheminée
https://nathavh49.blogspot.com/2024/07/lhonorable-collectionneur-lize-spit.html
Lize Spit nous propose un deuxième roman haletant, passionnant. Durant 510 pages - qui se lisent très rapidement - nous allons vivre un compte à rebours de 11 minutes.
En effet, le décor est planté tout au départ, comparé à un scénario, Lize Spit nous donne, je cite :
"Un personnage absorbé par sa tâche, ignorant le malheur qui va s'abattre sur lui : il ne faut pas plus pour faire monter le suspense, c'est l'un des tout premiers principes d'écritures qu'on nous ait appris à l'école du cinéma..."
C'est un véritable scénario de film, la tension s'amplifiera au fil du récit.
Léo travaille dans une boutique pour femmes enceintes, rue Dansaert à Bruxelles, avec sa collègue et amie Lotte qui vient d'avoir une petite fille Léontine.
Elle vit depuis 11 ans avec Simon, graphiste chez Think Out Loud. Il y travaille avec son ami Koen, le mari de Lotte.
Léo et Simon sont un couple fusionnel, ils ont tous les deux perdus leurs parents trop tôt.
Au tout début du roman, on apprend qu'il reste 11 minutes pour éviter une catastrophe. Laquelle ? Vous le saurez à la fin du roman. Durant ce laps de temps, une course à vélo dans les rues de Bruxelles, Léo se remémore sa vie avec Simon, l'événement déclencheur le 05/05/2018 lorsque Simon est revenu tard du travail avec un tatouage derrière l'oreille et la volonté de quitter son travail et de créer sa propre entreprise de conception de tatouages... Son comportement qui a changé, achats compulsifs, excitation, comportement étrange, sentiment de paranoia.
Léo repense à sa solitude, son sentiment d'impuissance, ses efforts d'écoute, son amour pour lui, tous ses souvenirs heureux.
Lize Spit nous capte d'emblée avec une construction magistrale de son roman, une structure très maîtrisée qui apporte du rythme, du suspense, un réel souci de mise en scène, très cinématographique. Elle égrene le temps avec brio.
Son écriture est parfaite, empreinte d'empathie, d'humour, de réalisme. Elle ose dire les choses sans pathos, ni vulgarité. C'est une véritable analyse psychologique de la maladie décrite de manière précise mais aussi de ce que vit le conjoint coincé dans une certaine solitude, obligé de garder pour lui sa détresse et ses émotions.
Chapeau pour l'écriture mais aussi à Emmanuelle Tardif pour cette belle traduction.
Coup de coeur
https://nathavh49.blogspot.com/2023/11/je-ne-suis-pas-la-lize-spit.html
Léo (pour Léonie) et Simon, la trentaine, sont en couple depuis dix ans. Un couple fusionnel, d’une solidité sans failles, qui a pris racine, paradoxalement, dans leurs enfances/adolescences lézardées par le décès prématuré de leurs mères respectives. « Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu’on les appuierait l’un contre l’autre, auraient plus de stabilité qu’un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble ». Chacun est l’univers de l’autre, et le monde extérieur n’a pas grand-chose à y faire.
« Tout irait bien tant que nous resterions ensemble »…
Et donc, quand Simon, ou son cerveau, se fait la malle, rien ne va plus. La descente aux enfers commence une nuit de mai 2018, quand Simon rentre d’une soirée dans un état d’excitation excessive, arborant un tatouage bizarre derrière l’oreille. Au fil des jours et des semaines, il sombre dans une psychose et une paranoïa délirantes qui vont peu à peu détruire le cocon qu’avec Léo ils avaient tissé si patiemment. La maladie met en danger non seulement Simon, de plus en plus isolé et inatteignable dans sa bulle pathologique, mais aussi Léo, qui, au bout de la patience et de la compréhension, s’efforce de cacher l’état de Simon à leur entourage, mais qui s’épuise et s’oublie dans cette spirale infernale.
Au fil de ces 500 pages, on s’enfonce de plus en plus loin dans le calvaire de Simon et Léo, de plus en plus profondément dans les strates de la folie et de la psychose. Lize Spit décrit avec une finesse psychologique remarquable la paranoïa de plus en plus prégnante de Simon, ses délires, sa violence, son autodestruction, et l’attitude de Léo, protectrice et compatissante mais intérieurement rongée par le désespoir et la solitude. Au bord de la rupture mentale, elle finit par comprendre qu’elle doit trouver un exutoire, mais ce à quoi elle se raccroche implique de trahir Simon, d’une certaine façon, et donc un énorme dilemme moral et un sentiment de culpabilité.
Comme dans l’impressionnant « Débâcle », Lize Spit entremêle plusieurs fils narratifs : celui d’un compte à rebours de onze minutes, au cours duquel on suit Léo qui traverse Bruxelles à vélo à toute vitesse pour empêcher une catastrophe. Et celui qui s’étale sur dix mois à partir de mai 2018, lorsque Simon commence à ne plus « être là », jusqu’à la potentielle catastrophe en question. S’y ajoutent quelques flash-back sur leur enfance et leur rencontre.
Comme dans « Débâcle », l’écriture de Lize Spit est très visuelle et cinématographique, méticuleuse et sensorielle, parsemée de métaphores d’autant plus marquantes qu’elles sont décalées ou inattendues. Il y a de l’humour (parfois noir), de l’empathie, un sens aigu de l’observation. C’est parfois cru et totalement impudique, mais jamais vulgaire ou voyeur. Cela pose la question de la folie qui transforme le malade, mais aussi tous ceux qui l’entourent et qui tentent de s’adapter à lui. L’amour peut-il résister quand l’un est « absent » ? Notre identité se réduit-elle à notre cerveau ? Est-on encore soi-même quand on sombre dans la folie ? Est-ce réversible ? Peut-on encore être aimé de la même façon par les mêmes personnes ?
Autant de questions (liste non exhaustive) posées par ce roman qui vous tient jusqu’à sa dernière ligne. C’est poignant, oppressant, totalement maîtrisé, impressionnant.
#LisezVousLeBelge
Ce second roman de Lize Spit, il me tarde de le lire depuis que j'ai achevé son premier, "Débâcle" - qui m'avait beaucoup plu mais aussi profondément secouée. Autant dire que j'étais impatiente d'assister à la rencontre prévue avec l'auteure, lors de L'Intime Festival de Namur, le 20 août dernier, rencontre consacrée à "Je ne suis pas là". J'en ai entamé la lecture immédiatement après et, dès les premières pages, j'ai su que ce dernier allait me toucher, et me marquer, encore plus que "Débâcle".
Comme présenté en 4ème de couverture, le récit décrit les onze minutes d'une course folle visant à empêcher l'irréparable. Ce compte à rebours, revenant à intervalles réguliers, rythme le roman et lui donne des allures de thriller.
Mais ce roman est plus que ça... c'est une véritable plongée, en apnée, au cœur du quotidien des personnages principaux, Léo et Simon. Lize Spit a cette capacité de nous entraîner avec eux dans le tourbillon de la folie, qui s'immisce peu à peu entre eux, et surtout entre eux et le reste du monde.
L'auteure a choisi de raconter cette histoire en la divisant en trois temporalités - les souvenirs d'enfance de Léo et Simon jusqu'à leur rencontre et de leurs moments heureux ensemble, la longue descente aux enfers du couple de mai 2018 à février 2019, et enfin ces fameuses onze minutes du 22 février 2019 - selon le point de vue de Léo, exclusivement.
Je me suis rapidement prise d'affection pour cette héroïne touchante, et identifiée à elle au point que je me suis souvent demandé,durant la lecture, comment j'agirais à sa place.
La description psychologique de ces personnages complexes et attachants est impeccable, précise et juste. Lize Spit a en effet une écriture parfaite, encore plus aboutie que dans "Débâcle", soignée mais pas trop "apprêtée", parfois crue mais toujours sincère, avec quelques touches d'humour. Le résultat est une intrigue authentique, tout à fait crédible.
Le suspense est présent tout au long du livre, encourageant le lecteur à ne pas le lâcher. Toutefois, la qualité de l'écriture nous amène à ne pas le dévorer d'une traite, mais à profiter jusqu’au bout de cette passionnante et poignante lecture, jusqu'à une fin inattendue et une dernière phrase percutante.
Lire un roman de Lize Spit n'est pas anecdotique.
Cela génère une multitude d'émotions, au fil des pages. Avec "Je ne suis pas là", j'ai ressenti de l'angoisse jusqu'à la nausée parfois, beaucoup de tristesse et d'empathie, de l'amour aussi, le tout en l'espace de quelques instants. J'ai dû faire quelques pauses également, pour "digérer" un peu - je ne suis pas hypersensible pour rien.
Cela laisse des traces, ce sera notamment le cas dans ma façon de voir la maladie mentale.
Et surtout, cela donne une envie irrépressible de lire le suivant, tant son talent est époustouflant...
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