"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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À moins d’avoir vécu une adolescence parfaite, il n’est pas toujours évident de replonger dans cette période si particulière. Elle fait remonter des souvenirs, rappelle les loupés, les mal-être, les questionnements, les rébellions. Mais rappelle aussi qu’un jour nous en sommes sortis et que c’est cette période-là qui nous a forgés.
Dans ce premier roman Alexis Ferro s’attarde à mettre en lumière cette période adolescente, et son franc parler, où l’on a envie de grandir, de s’émanciper mais sans savoir trop pourquoi ni comment.
Allumez la platine – Face A du vinyle.
Mathieu, que sa mère appelle parfois Charles sans qu’il en connaisse la raison, est un jeune homme de 15 ans qui découvre une vie bien calme, malgré la présence de sa sœur Cécile, depuis que son frère est parti étudier à Paris.
Nous sommes dans le Nord de la France, mon Nord, nous passons même par Roubaix et ses grandes maisons bourgeoises. Mathieu vit dans une famille ultra catholique. La cave d’ailleurs est devenue une sorte de lieu de culte où sa mère enseigne le catéchisme. Les enfants ont vu passer entre leurs mains nombre de livres religieux. C’est un peu leur drogue à eux chez les Delvaux. Enfin, en tout cas pour les parents. Parce que soyons clairs Mathieu ne s’identifie pas du tout à cet amour de Dieu. Lui ce qu’il préfère c’est toute cette musique rock qui l’a bercé, qu’il a découverte avec son frère : Nirvana, Pixies, Velvert Underground, Noir Désir… autant dire une musique qui n’est franchement du goût de ses parents.
Depuis que son frère est parti, il est un peu paumé et on le comprend. Laurent a laissé un grand vide. Et le jeune garçon n’a personne à qui parler. Dans cette famille croix de bois, croix de fer, les discussions et l’expression des sentiments sont évitées autant que possible. Il y a bien Damien le meilleur ami de Mathieu mais les potes c’est mieux pour la déconne, ou Perrine – sa petite amie – mais on a mieux à faire que de discuter de tout ce qui ne va pas dans notre tête avec sa copine. Alors il écrit à ce frère qui lui manque mais celui-ci, répond brièvement voire plus du tout. Mathieu se sent dès lors complétement mis à l’écart. Sentiment d’abandon. Incompréhension. Questionnements permanents liés à cette période charnière.
Piste terminée, retournez le vinyle. Face B c’est là que tout se joue.
Alors qu’il est en proie à une profonde détresse et que ses parents décident de bousculer ses habitudes et ses repères, Mathieu va entrer dans une phase de rébellion. Lui, l’adolescent qui n’osait dire mot et se le reprochait, va oser dire à son père qu’il ne croit plus en Dieu. C’est le premier pas. La petite provocation. Jusqu’au jour où pour tenter de trouver les réponses à ses questions, et leurs trouver un sens, il va poursuivre un voyage initiatique, sur la route du rock…
Rock’n’roll donc (par la musique et la littérature d’ailleurs) mais empreint d’une atmosphère pesante, Alexis Ferro, d’un sujet qui pourrait vite devenir casse-gueule parvient avec une belle liberté de ton à décrire la complexité de cet âge. Des relations parent-enfants en passant par le rejet de l’autorité, de l’éducation rigoriste, de ces parents qui ne communiquent pas, ces enfants incapables de s’exprimer auprès des adultes, par manque de considération, par impression de non-affection. Cette difficulté à trouver sa place au sein du cocon familial mais dans la vie sociale également. Quand les silences sont ni plus ni moins que des cris de douleur et que personne ne semble rien voir ou que ces autres font semblant de ne rien voir… Quand tout ceci laisse place à cette envie croissante de liberté, de fuite. Et qui n’a jamais menti à ses parents pour vivre la grande aventure ? « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », même quinze, (coucou maman, coucou papa !).
Alexis Ferro nous livre un récit sans fard et même s’il s’emploie à appuyer sur ce qu’il y a de sombre dans cette période, il ne tombe jamais dans la caricature, le cliché, le larmoyant. Il réussit même à y intégrer l’humour et la cocasserie qui habite l’adolescent(e) de 15 ans que nous avons tous et toutes été et surtout à aborder l’émancipation dont nous avons tant rêvé.
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