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A réception de ce livre, j’ai eu un léger recul à la vue de l’épaisseur du livre, 770 pages, mazette, j’espère que j’y arriverai et qu’il y aura de l’action ! La couverture, anodine, presque légère me fait penser à un polar. Avec ce nom à résonnance très française, pourquoi une traduction ? Une petite visite sur le net me renseigna, lire la petite bio ci-dessus.
Là, j’ai eu carrément peur, un philosophe, vais-je y comprendre quelque chose ?
En épigraphe, cette phrase : « les autres sont vraiment autres. Autres ». A méditer, en cette période de bac philo
« Philipp Perlmann ne savait pas comment vivre le présent. Toutefois ce matin, c’était pire qu’à l’ordinaire. » Ainsi débute ce gros pavé.
Le « héros » de ce livre, Philipp Perlmann, linguiste de renommée mondiale est l’organisateur d’une rencontre entre confrères éminents dans un grand hôtel de la baie de Naples. Veuf depuis peu ; Agnès, sa présence, son regard, ses piques lui manquent cruellement. Il ne se sent bien nulle part et, surtout, il est incapable de s’en ouvrir à quelqu’un, même à sa propre fille.
Bien que reconnu mondialement, Perlmann est un homme peu sûr de lui, toujours sur la défense, toujours cette impression de devoir se justifier, toujours à se comparer négativement aux autres « Voilà ce qu’au fond je n’avais jamais eu : la curiosité intellectuelle ».
Il doit présenter son travail, mais…. de travail il n’en a pas. Impossible d’écrire un seul mot : Il avait « le sentiment très précis qu’il n’avait rien à dire » Toute la première partie du livre, tourne autour de ces thèmes et nous suivons la lente, très lente descente en enfer de Perlmann. Son silence ne lui autorise même pas l’écoute de ses confrères, tant il est pris dans ce maelström malsain. Tout son monde s’écroule lorsqu’il comprend qu’il a commis le délit de plagiat et qu’il ne peut plus revenir en arrière. Sa solitude, la spirale infernale vers le bas deviennent de plus en pus dures et lourdes à porter. C’est son chemin de croix. Quelles descriptions, quelles forces dans le détail. Oui, c’est long, oui, ce fut dur pour moi d’entrer dans la vie et le cerveau de Perlmannn. Une fois cela franchi, quel plaisir de lecture. Quelle écriture, à la fois simple et forte. Les relations entre tous ces universitaires, leurs jalousies, la paranoïa envahissante de Perlmann… Quelle force dans le dessin, dans la description au scalpel et tout ça avec une lenteur digne des pires tortures hitchcockiennes.
Dans la seconde partie, le rythme s’accélère, le cœur s’emballe. Perlmann envisage sérieusement de tuer, sous couvert d’un accident automobile, l’auteur de l’étude qu’il plagie !
Tout est minutieusement étudié, détaillé jusqu’au moindre détail dans sa tête. Une partie époustouflante dans le crescendo de sa paranoïa. Un rythme d’enfer, des trouvailles risibles, bref, du thriller psychologique.
Perlmannn ferait-il de la procrastination ? Non, je ne pense pas vraiment, c’est surtout quelqu’un qui est au bout du rouleau, qui tourne en rond dans son domaine, qui n’a plus d’essence plus envie de continuer et qui ne sait comme le dire, comment « l’avouer » aux autres.
Mais ce n’est pas que cela. L’étude de Leskov (donc celle de Perlmannn) porte sur « l’idée que l’on pouvait s’approprier son passé au moyen des souvenirs que l’on raconte. » ; Une théorie fort intéressante. En pleine lecture de ce bouquin j’ai écouté l’émission de François Busnel, sur France Inter, qui recevait Boris Cyrulnik. Celui-ci parlant de son livre raconta un souvenir qu’il avait en tête et qui s’est avéré erroné (la dame qui l’a sauvé était, pour lui, jolie et blonde. Or elle était jolie mais brune) modifié, pour lui, par les réclames américaines. Bien dans le ton.
La grande force de ce livre c’est que l’on ne peut le lâcher, même fermé, il vous hante, vous force à réfléchir. Pourtant nous connûmes un début de liaison chaotique tant je voulais le quitter, mais Perlmann, avec ses réflexions philosophiques m’y autorisât pas. La torture psychologique que s’inflige Perlmann l’amène, petit à petit, à se re-trouver.
A l'initiative d'une firme italienne, Philipp Perlmann, linguiste allemand de réputation mondiale, réunit un groupe de confrères pour une série de conférences sur le rapport entre le langage et la mémoire. Le cadre est idyllique : la baie de Gênes, un hôtel de luxe, des températures clémentes. Mais Perlmann va mal. Déstabilisé par le décès accidentel de son épouse, en proie à une crise existentielle, il peine à s'intéresser à son travail et ne réussit plus à écrire. Pourtant, il va lui falloir présenter le fruit de ses réflexions devant ses collègues. Le temps passe, l'échéance approche et Perlmann sombre dans l'inertie et la dépression. Au lieu de s'atteler à la tache, il passe ses journées dans une trattoria à lire une chronique du siècle ou dans sa chambre à traduire le texte d'un confrère russe, bloqué à Saint-Petersbourg sans visa. Il voudrait fuir, ou même se tuer, tout plutôt que d'avouer aux autres que l'éminent Philipp Perlmann est incapable d'écrire. La solution viendra du russe absent : faire passer le texte de Leskov pour le sien, commettre un plagiat dont nul ne saura rien et qui lui permettra de sauver la face.
Bienvenue dans la baie de Gênes, petit paradis terrestre où tout n'est que luxe, calme et volupté. C'est pourtant dans ce lieu propice à la réflexion que Philipp Perlmann va connaitre une terrible descente aux enfers. Tandis que ses confrères s'épanouissent, échangent et jubilent à l'idée de se titiller au sujet de leurs travaux, lui erre comme une âme en peine et élabore de multiples stratégies pour ne pas être pris en défaut par ces spécialistes toujours prêts à se gausser d'une théorie mal étayée. Enferré dans sa traduction russe, langue qu'il ne maîtrise pas suffisamment à son goût, ses réflexions le ramènent vers son passé, récent avec la mort de sa femme, et plus lointain avec sa carrière de pianiste avortée. Outre la description plutôt cynique de ces universitaires imbus d'eux-mêmes, c'est surtout la chute de Perlmann qui a perdu la foi, la passion qui donne toute la puissance à ce récit parfois un peu longuet. Mais avec lui, on sent toute l'angoisse de cet homme désemparé et peu sûr de lui. D'une banale panne d'inspiration, il fait une montagne insurmontable et frôle la folie pour s'en sortir. Par moment, il peut paraître ridicule mais l'empathie se crée peu à peu et la tension monte à mesure que lui s'enfonce dans un gouffre sans fond.
Un livre assez difficile, surtout quand l'auteur s'appesantit sur les sciences du langage et les subtilités du travail de traducteur, mais qui, une fois qu'on est pris dans l'engrenage, s'avère passionnant et très prenant. Une pointe d'humour n'aurait pas nui dans cette ambiance torturée et paranoïaque mais on ne peut pas tout avoir.
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