"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pascal Mercier,philosophe et écrivain suisse de langue allemande est mort le 27 juin dernier
TRAIN DE NUIT publié en Allemagne en 2004 a été traduit et publié en France en 2008.
Comprendre un autre pour se connaître soi-même.....
Il est des livres qui sont une nourriture pour l’esprit comme pour l’âme, un aliment intellectuel et spirituel . TRAIN DE NUIT POU LISBONNE en est un ! C'est un roman dense, riche, alliant délicatesse de l’écriture et gravité du sujet.
A la lecture d'un ouvrage du poète portugais Amadeu de Prado, découvert fortuitement et qui semble écrit pour lui , Raimund Grégorius, professeur de langues anciennes à Berne prend le premier train pour Lisbonne.
Un roman qui présente plusieurs niveaux de lecture ; il peut se lire à la fois comme
- une enquête-promenade érudite dans Lisbonne et dans l’histoire contemporaine tourmentée du Portugal
- un mélange de deux histoires qui s’imbriquent, qui proposent les portraits croisés de Grégorius et de Amadeu de Prado, personnages opposés qui finissent par se fondre, Grégorius mettant ses pas dans ceux de Prado, se dépouillant progressivement de ses habitudes antérieures pour s’identifier à lui. - une réflexion sur l’écriture, « On n’est pas vraiment lucide quand on n’écrit pas ,on n’a aucune idée de qui l’on est sans parler de qui l’on n’est pas ….. Les choses n’existent vraiment que lorsqu’elles sont saisies par les mots » doublée d' une analyse des effets intérieurs de la poésie « On sentait qu’elle vous remuait, vous changeait, contribuait à donner à votre vie une forme, une coloration, une mélodie »
Mais ce à quoi j’ai été particulièrement sensible, c’est à la réflexion sur les rapports entre le contenu d’une vie et l’attitude face à la mort « La peur que notre vie reste incomplète, une œuvre inachevée, la conscience de ne plus pouvoir devenir celui qu’on s’était fixé comme but . »
Un roman qui exige l’attention soutenue qu’impliquent les thèmes de l’éthique et de la connaissance de soi. En effet, le récit de l’enquête est régulièrement interrompu par des fragments de l’œuvre de Amadeu de Prado sur la mort, la colère, le Verbe et par une analyse de ceux-ci.
Un roman plein de lucidité car bien que révélant le comportement humaniste de Amadeu de Prado, il ne passe pas sous silence ses failles ou ses faiblesses .
S’il est possible, comme le découvre Grégorius, que le meilleur chemin pour s’assurer de soi-même passe par la connaissance et la compréhension d’un autre, il est également possible que, pour un lecteur, la connaissance de soi passe par la rencontre avec un livre tel que celui-ci, roman magistral, plein d’âme, qui montre comment l’écriture est seule capable de répondre aux questionnements de l’être humain .
Vraiment un grand, un très grand livre. Une mise en abîme qui vous fait plonger dans des interrogations existentielles fondamentales.
A réception de ce livre, j’ai eu un léger recul à la vue de l’épaisseur du livre, 770 pages, mazette, j’espère que j’y arriverai et qu’il y aura de l’action ! La couverture, anodine, presque légère me fait penser à un polar. Avec ce nom à résonnance très française, pourquoi une traduction ? Une petite visite sur le net me renseigna, lire la petite bio ci-dessus.
Là, j’ai eu carrément peur, un philosophe, vais-je y comprendre quelque chose ?
En épigraphe, cette phrase : « les autres sont vraiment autres. Autres ». A méditer, en cette période de bac philo
« Philipp Perlmann ne savait pas comment vivre le présent. Toutefois ce matin, c’était pire qu’à l’ordinaire. » Ainsi débute ce gros pavé.
Le « héros » de ce livre, Philipp Perlmann, linguiste de renommée mondiale est l’organisateur d’une rencontre entre confrères éminents dans un grand hôtel de la baie de Naples. Veuf depuis peu ; Agnès, sa présence, son regard, ses piques lui manquent cruellement. Il ne se sent bien nulle part et, surtout, il est incapable de s’en ouvrir à quelqu’un, même à sa propre fille.
Bien que reconnu mondialement, Perlmann est un homme peu sûr de lui, toujours sur la défense, toujours cette impression de devoir se justifier, toujours à se comparer négativement aux autres « Voilà ce qu’au fond je n’avais jamais eu : la curiosité intellectuelle ».
Il doit présenter son travail, mais…. de travail il n’en a pas. Impossible d’écrire un seul mot : Il avait « le sentiment très précis qu’il n’avait rien à dire » Toute la première partie du livre, tourne autour de ces thèmes et nous suivons la lente, très lente descente en enfer de Perlmann. Son silence ne lui autorise même pas l’écoute de ses confrères, tant il est pris dans ce maelström malsain. Tout son monde s’écroule lorsqu’il comprend qu’il a commis le délit de plagiat et qu’il ne peut plus revenir en arrière. Sa solitude, la spirale infernale vers le bas deviennent de plus en pus dures et lourdes à porter. C’est son chemin de croix. Quelles descriptions, quelles forces dans le détail. Oui, c’est long, oui, ce fut dur pour moi d’entrer dans la vie et le cerveau de Perlmannn. Une fois cela franchi, quel plaisir de lecture. Quelle écriture, à la fois simple et forte. Les relations entre tous ces universitaires, leurs jalousies, la paranoïa envahissante de Perlmann… Quelle force dans le dessin, dans la description au scalpel et tout ça avec une lenteur digne des pires tortures hitchcockiennes.
Dans la seconde partie, le rythme s’accélère, le cœur s’emballe. Perlmann envisage sérieusement de tuer, sous couvert d’un accident automobile, l’auteur de l’étude qu’il plagie !
Tout est minutieusement étudié, détaillé jusqu’au moindre détail dans sa tête. Une partie époustouflante dans le crescendo de sa paranoïa. Un rythme d’enfer, des trouvailles risibles, bref, du thriller psychologique.
Perlmannn ferait-il de la procrastination ? Non, je ne pense pas vraiment, c’est surtout quelqu’un qui est au bout du rouleau, qui tourne en rond dans son domaine, qui n’a plus d’essence plus envie de continuer et qui ne sait comme le dire, comment « l’avouer » aux autres.
Mais ce n’est pas que cela. L’étude de Leskov (donc celle de Perlmannn) porte sur « l’idée que l’on pouvait s’approprier son passé au moyen des souvenirs que l’on raconte. » ; Une théorie fort intéressante. En pleine lecture de ce bouquin j’ai écouté l’émission de François Busnel, sur France Inter, qui recevait Boris Cyrulnik. Celui-ci parlant de son livre raconta un souvenir qu’il avait en tête et qui s’est avéré erroné (la dame qui l’a sauvé était, pour lui, jolie et blonde. Or elle était jolie mais brune) modifié, pour lui, par les réclames américaines. Bien dans le ton.
La grande force de ce livre c’est que l’on ne peut le lâcher, même fermé, il vous hante, vous force à réfléchir. Pourtant nous connûmes un début de liaison chaotique tant je voulais le quitter, mais Perlmann, avec ses réflexions philosophiques m’y autorisât pas. La torture psychologique que s’inflige Perlmann l’amène, petit à petit, à se re-trouver.
Alors que je m'apprête à prendre l'avion pour le Portugal, une charmante personne de ma médiathèque me conseille ce roman et je suis éblouie par ce style bien rythmé et l'audace de certaines phrases qui vous emportent, loin ,très loin dans un imaginaire coloré et digne des plus grands.
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