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En saisissant les conflits armés au prisme de leurs enjeux sanitaires, ce numéro spécial participe à l'actualité historiographique de la réflexion sur la guerre que suscite le centenaire de 1914-1918. Il propose plusieurs pas de côté par rapport aux courants les plus représentés de l'histoire sociale et culturelle qui prend le conflit pour objet.
D'une part, il place la Grande Guerre dans une moyenne durée ancrée dans les années 1850, inaugurant les conflits « modernes » que caractérisent l'affrontement de combattants nombreux, les effets de la révolution industrielle sur la puissance militaire et les formes nouvelles de violence qui en sont issues. Le désastre sanitaire de la guerre de Crimée (1853-1856), qui constitue jusqu'en 1914 la référence, comme anti-modèle, pour les nations qui y ont pris part, est fondateur pour la réorganisation des services de santé militaires et de la chaîne de soins, mais aussi pour les savoirs sanitaires en matière de « care » et de statistique. La période envisagée voit ainsi s'opérer un basculement entre des guerres où la mortalité des troupes a très majoritairement pour origine les maladies - le constat en est établi en Crimée - et les guerres industrielles du début du xxe siècle. En Mandchourie, dans les Balkans ou sur le territoire français de 1914, la puissance de feu devient la cause majeure de mortalité, tandis que les grandes épidémies sont jugulées, à la faveur de la prophylaxie pastorienne - encore la maladie demeure-t-elle une cause majeure de mortalité dans les guerres coloniales (Madagascar).
D'autre part, prendre pour observatoire les interactions entre guerre, santé et médecine permet une réflexion sur la manière dont des moments de crise reconfigurent l'intervention sanitaire, en direction du champ de bataille mais aussi de la société civile. La question sanitaire est perçue comme un risque majeur pour les soldats comme pour les populations civiles : c'est l'idée du « prix pathogénique » de la guerre à payer par les sociétés, des épidémies de variole ou de typhus qui sévissent dans le sillage des troupes durant les années 1860 et 1870, jusqu'à la préemption des ressources médicales au détriment des civils dans la Grande Guerre.
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