"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un adepte du sadomasochisme contacte marco, dit l'alligator, pour qu'il retrouve son épouse disparue.
L'ancien prisonnier et ses acolytes, beniamino rossini, vieux truand à l'ancienne, et max la mémoire, vieux militant qui recouvre sa passion politique lors du g8 de 2001, vont plonger dans le monde souterrain de la souffrance volontaire, dans le drame des " doubles vies ", à la recherche du maitre des noeuds, un tortionnaire qui sait se faire adorer de ses victimes. pour les trois amis, le plus dur ne sera pas de progresser les armes à la main entre bonne société et mafias mais de se retrouver, au bout du monde sm, face à leurs propres souvenirs de prisonniers.
Remarquable comme toujours par sa précision documentaire et son regard implacable sur les plaies sociales, ce roman de carlotto met une nouvelle fois en scène son enquêteur très particulier, amateur de blues et de calva.
Marco Buratti, alias l’Alligator, est un ancien détenu qui s’est reconverti en enquêteur professionnel non officiel, intervenant, contre grasse rétribution, quelque part à la lisière des milieux policiers et mafieux (dont les limites respectives, en Italie, ont été/sont parfois fort floues, mais c’est une autre histoire). Bref, avec ses acolytes Rossini, vieux truand à l’ancienne, et Max la Mémoire, idéaliste obèse, il enquête sur la disparition d’une femme, à la demande du mari éploré de celle-ci. Signe particulier : le couple est adepte de sado-masochisme, univers très secret et codifié, qui empêche le mari de tout déballer à la police. Avec l’aide de deux petits génies de l’informatique, les trois compères piratent les messageries de la disparue, puis celles d’autres adeptes, qui les mettent sur la piste du Maître des nœuds, tortionnaire aussi raffiné que cruel. Ils découvrent avec effarement des pratiques abominables, allant en l’occurrence jusqu’aux snuff movies les plus atroces. Des scènes de viol et de torture qui les frappent de plein fouet et leur rappellent leurs propres expériences de prison.
Massimo Carlotto ne fait pas dans la dentelle et les fioritures, ça y va direct, net et précis sans s’embarrasser de diplomatie. Une enquête rondement menée, tout en efficacité. « Le Maître des nœuds » n’en est pas pour autant qu’un livre d’action. L’auteur sait donner de la consistance à ses personnages principaux, cabossés, amoureux, désabusés ou indécrottable optimiste, tous attachants. Le contexte particulier de l’enquête est aussi prétexte à évoquer la violence en milieu carcéral, celle des prisonniers et des matons, et surtout, les émeutes lors des manifestations altermondialistes pendant le sommet du G8 à Gênes en 2001. L’auteur dénonce avec virulence les provocations policières et la violence inouïe de la répression, des assauts des forces de l’ordre et de leurs exactions, une boucherie qui se soldera par un mort et des dizaines de blessés graves parmi les manifestants.
« Le Maître des nœuds », qui se lit très vite, est un roman palpitant, glaçant et fascinant, en dépit (ou en raison) de son sujet, et une charge implacable et nécessaire contre la folie et la violence des hommes, qu’elle soit intime ou étatique. Ames sensibles…
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