"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La popularité dont Obama a très vite joui au cours de la campagne électorale est bien sûr due à sa séduction personnelle, à son parcours, au symbole qu'il incarne par sa jeunesse et son métissage. Pour finalement remporter les élections, il a également incontestablement bénéficié de la déliquescence et des échecs patents de l'administration Bush, ainsi sans doute que de la crise financière.
Sa force d'attraction, expliquant les soutiens de tous bords qu'il a pu recevoir, ne se limite toutefois pas à ces aspects. Et c'est ce qu'on comprend à merveille en découvrant la première partie de Changer, où il expose les grandes lignes de son projet. On pourrait d'aller jusqu'à dire que sa victoire n'est pas seulement celle de la séduction, mais celle de l'intelligence, et pas seulement de l'habileté manoeuvrière.
Le programme de Barack Obama frappe par sa cohérence et ses orientations claires.
Il repose tout d'abord sur une analyse très forte et particulièrement critique de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui l'Amérique : image dégradée dans le monde, stratégie extérieure inadéquate, détournement de la lutte contre le terrorisme avec la guerre en Irak ; déficit budgétaire record accru par des avantages d'aubaine accordé aux plus riches ; non résolution des problèmes sociaux ; inégalités renforcées ; absence de politique écologique et énergétique adaptée ; démembrement de l'appareil industriel américain ; pouvoir exorbitant des lobbies et coupure accrue entre Washington et la nation ; division entre les groupes, les communautés, les intérêts. La crise récente n'a fait que renforcer et révéler de façon plus criante à quel point, selon Obama, les États-Unis ces dernières années sont allés "dans le mur".
Une véritable politique sociale à destination des classes moyennes
Sur cette base, ses propositions s'adressent principalement aux classes moyennes qui aujourd'hui "doivent travailler plus pour gagner moins" et ne jouissent plus des perspectives et de la sécurité que leur travail leur permettrait d'espérer. Mais il ne s'agit pas seulement de rassurer ou d'assister. Mais de pratiquer une politique sociale plaçant l'équité en son centre. C'est en ce sens qu'Obama entend renouer avec le rêve américain, devenu depuis une dizaine d'année un leurre. De nombreux avantages fiscaux sont ainsi prévus à destination des familles les moins favorisées pour qu'elles retrouvent un peu d'espoir. Ce n'est pas censé se traduire par un accroissement du déficit, puisque les ressources nécessaires proviendront d'économies réalisées sur les dépenses qui se sont avérées inefficaces ou injustes.
Cette politique s'inscrit dans la ligne d'une véritable analyse de ce qui ne va pas dans les grands pays développés depuis au moins les années 1980 : un déclin et une fragilisation croissante des classes moyennes. Lutter contre cette tendance, c'est reconstituer le véritable socle de la société.
Une politique économique adaptée à la mondialisation
Les mesures prévues visent à dynamiser l'économie, lutter contre la financiarisation, favoriser l'investissement industriel, lutter contre les délocalisations, de sorte que l'emploi en bénéficie. De même, l'effort d'investissement dans les énergies alternative, non seulement réduira la dépendance au pétrole (avec les problèmes politiques que cela pose), mais ira aussi dans ce sens.
Restaurer la position de l'Amérique dans le monde
L'erreur et l'échec de la guerre en Irak sont non seulement coûteux en argent et en vies. Ils détournent aussi des vraies menaces. Obama entend donc se retirer d'Irak et redéployer les forces et les moyens militaires dans le bon sens, mais aussi travailler en liaison avec les autres pays. C'est la seule manière de restaurer l'image de l'Amérique et d'oeuvrer pour diffuser les valeurs de démocratie et de liberté.
Une vraie politique d'égalité des chances
Renforcer les familles en permettant par exemple de mieux concilier travail et vie de famille, en aidant les familles monoparentales ; réformer profondément l'éducation ; développer des comportements plus civiques ; développer les droits et la reconnaissances des minorités sans les dresser les unes contre les autres : tous ces axes viennent compléter la politique sociale.
Il y a clairement là un pari : une plus grande justice sociale remettra l'Amérique sur les rails. Et il y a une option : la croissance doit profiter à tous, et il n'y aura de croissance que si elle profite à tous.
La pertinence, la cohérence et la force de ce plan expliquent très probablement, au-delà de sa personne, l'enthousiasme déclenché par Obama.
La deuxième partie du livre reprend les grands discours de sa campagne : de sa déclaration de candidature au soir de la victoire, le 4 novembre.
Plus généraux, ils révèlent les valeurs profondes qui l'inspirent : une croyance forte dans les valeurs de l'Amérique, la volonté de réellement les incarner, l'appel à la mobilisation, l'engagement à ne pas être le président des uns contre les autres, mais celui de tous, par delà les différences.
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