"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Avec une mère violente et hargneuse, plus préoccupée par ses amants et ses traductions de romans à l'eau de rose que par sa fille, la vie d'Albertine n'est pas un long fleuve tranquille. Depuis son enfance jusqu'à l'adolescence, ce ne sont que brimades, injustices et souffrances. Pour échapper à cette mère surnommée « la sorcière », Albertine s'invente des histoires qu'elle note dans un cahier.
Le jour de sa majorité, sa mère la met à la porte, munie de trois sacs IKEA contenant ses affaires et d'un post-it avec le nom et l'adresse de son père, dont elle ignorait jusque-là l'existence.La rencontre avec cet homme, très différent de ce qu'elle rêvait, lui fait découvrir des vérités inattendues, lui ouvre des portes inespérées sur le présent et l'avenir. Et Albertine de trouver sa vocation à raconter des histoires, d'abord aux enfants qu'elle garde, puis... sur scène !
Albertine est une petite fille battue et terrorisée par sa mère « la sorcière », violente, manipulatrice et névrosée. « Dès que la porte s’ouvrait, je me tassais sous la couverture, un oreiller sur la tête, j’étais terrifiée à l’idée qu’un coup particulièrement violent puisse me fracasser le cerveau. Je doutais beaucoup de sa solidité… »
Albertine est aussi la narratrice du récit, de son enfance et de son adolescence.
Ce qui donne une note particulière au récit : le ton n’est jamais grave. Il est naïf, (quelquefois, il nous fait sourire) et terriblement lucide. Elle raconte également les rêves qui lui permettent de tenir. Écrire l’histoire de sa vie, « même si sa vie n’est pas intéressante. »
Le ton est léger mais la souffrance est continuelle et bien réelle : « Cela me donnait envie de mourir pour la soulager, et pour me soulager aussi ; mais comme je n’avais pas encore écrit l’histoire de ma vie, je préférais ne pas mourir tout de suite. » Cette dichotomie permanente est l’un des charmes du récit, comme Isabelle Minière sait si bien le faire, notamment avec « Je suis né laid »
Les souffrances, la mort, d’une part et le détachement de l’enfance, d’autres parts. L’acceptation d’une situation habituelle.
« A chaque fête des mères et à chacun de ses anniversaires, j’ai pensé que le plus beau cadeau que je pouvais lui faire, c’était de mourir. Sa joie, en me trouvant morte dans mon lit. J’ai essayé de me suicider plusieurs fois, en prenant 4 comprimés d’aspirine d’un coup, en dépassant largement les doses n mais ça n’a pas marché. Je me suis réveillée le lendemain, j’ai essayé avec du paracétamol, ça n’a pas marché non plus. »
A ses 18 ans, sa mère la fiche dehors avec pour tout bagage, 3 sacs Ikea et les coordonnées de son père. Peut-être, une nouvelle vie pour Albertine…
Encore une fois, j’ai apprécié le regard si particulier de l’auteure sur l’enfance, sur ses souffrances : réalisme et humour.
Mais… Je n’y ai pas retrouvé la force, la puissance de « Je suis né laid » où l’auteure m’a tenue en haleine jusqu’au bout.
« Dès que j’ai su lire, j’ai eu envie d’écrire l’histoire de ma vie. Même si ma vie n’était pas très intéressante. Je me suis d’abord entraînée en inventant l’histoire de Non-Non »
Ses portes de sortie ? L’histoire de Non-non qu’elle écrit dans sa tête, celle de sa vie avec la Sorcière (c’est le nom qu’elle a donné à sa mère). D’abord, savoir lire et écrire. Elle déchiffre les livres dans son lit le soir. Ce qui, bien sûr, est source de corrections.
Car oui, Albertine est une petite fille maltraitée par sa mère qui la bat « Dès que la porte s’ouvrait, je me tassais sous la couverture, un oreiller sur la tête, j’étais terrifiée à l’idée qu’un coup particulièrement violent puisse ma fracasser le cerveau – je doutais beaucoup de sa solidité. » Pour ne pas abîmer ses mains, elle passe à la ceinture, jolie progression !
Bien sûr, pas un compliment. Albertine est une vraie Cendrillon, elle doit faire le ménage, tenir la maison. Elle ne fait pas à manger mais bon, la cuisine de la cantoche est meilleure que la bouffe infâme qu’elle mange chez elle, c’est dire.
La sorcière fait des tentatives de suicide, mais pas au point de mourir. S’enfermer, ne rien dire, ne pas avoir d’amie, être invisible. Elle attend.
« Ma vie est restée sans intérêt, à part quelques livres qui me rappelaient ma promesse, la promesse faite à moi-même, toute petite, d’écrire un jour l’histoire de ma vie… Et que m a mère ne meure pas à cause de moi, même si c’était une sorcière ».
Ah oui, parce que la sorcière a fait une tentative de suicide en notifiant bien que c’est de la faute de sa fille.
Albertine n’est pas méchante, mais avec le boulet, les casseroles qu’elle traîne difficile de réussir « Comme un personnage de roman, j’ai tout foiré. Mes études, mes amitiés, mes amours. Pour les emmerdes, ça allait, je réussissais très bien. »
Maintenant, Albertine a dix-huit ans. Comme cadeau, sa mère lui offre des sacs Ikea… avec toutes ses affaires dedans et comme bonus, sur un bout de papier, le nom et l’adresse de son père. Maintenant, débrouille-toi et fiche le camp, la sorcière a rempli sa part du travail.
Albertine et la découverte d’une nouvelle vie, d’une vie nouvelle. Albertine rencontre son père et ne se fait pas rejeter. Au contraire, il lui fait confiance !! Quelle nouveauté pour elle. Oui, mais pourquoi n’a t-il jamais cherché à la rencontrer alors qu’il habite près de chez elles ? « Qui es-tu mon père, toi qui n’es pas mon papa ? »
Ce géniteur, lui raconte les déboires judiciaires qu’il a eu avec sa mère pour l’empêcher de rencontrer Albertine. Oui, mais… Puisqu’elle ne l’aime pas, pourquoi l’avoir séparé de son père ??? Tant de questions dans le crâne de la jeune fille.
Ce père ne doit pas être le monstre d’indifférence dessiné par la sorcière puisque même le voisin et ami sait qu’elle s’appelle Albertine (donc son géniteur lui a parlé d’elle) et lui permet d’attendre dans l’appartement paternel dont il a la clé. Quoi, des gens lui font confiance, connaisse son prénom que sa mère n’a jamais prononcé !! L’autre côté du miroir pourrait ressembler au bonheur, mais, on ne sait jamais. Ne pas s’ouvrir pour ne pas souffrir de nouveau.
Petit-à-petit, la confiance naît, Albertine s’ouvre, le père raconte et montre sa stupeur lorsque Albertine lui dit que sa mère l’a mise à la porte pour ses dix-huit ans.
L’amour ne se décrète pas, mais se donne et se reçoit, peut se partager, se choisir. C’est ce qu’apprend Albertine. Maintenant, elle peut se construire, se modeler, se faire confiance, aller de l’avant.
Isabelle Minière, démontre la force de l’humain et continue son exploration des drames familiaux, du non-amour, des situations plus que difficiles, de la volonté, la possibilité de se reconstruire lorsque l’on rencontre les bonnes personnes.
J’apprécie l’écriture d’Isabelle Minière, nette, précise, volontaire et cela donne de très bons livres. « Au pied de la lettre » et « Je suis né laid » sont de la même eau.
Isabelle Minière nous revient avec un roman subtil et prenant. En confiant à Albertine le soin de raconter son histoire depuis son enfance auprès d’une mère violente, elle retrace une quête envoûtante.
C'est l'histoire d'une fillette qui vit seule avec sa mère et qui subit jour après jour sa violence. Après les coups viendront la ceinture et le martinet. Mais sa fille encaisse en silence, car elle a trouvé un moyen d'oublier sa peine. Elle se raconte des histoires, s'entraine à lire et à écrire et se promet qu'un jour elle racontera sa vie, quand bien même elle serait sans intérêt. «Qui décide si une vie est intéressante ou pas? Une vie sans intérêt peut être intéressante à raconter, je me raccrochais à ça, sinon j'aurais déprimé à fond, Je me serais retrouvée au fond du fond du fond, j'avais des prédispositions.»
Inutile de mettre en œuvre ses plans pour fuguer, pour partir loin de cette sorcière, car un soir en rentrant chez elle, elle voit sa mère partir en ambulance, après une tentative de suicide. Un premier changement dans sa misérable vie qui lui offre un peu de liberté. Le second, encore plus radical, arrive avec ses dix-huit ans. Elle se voit confier un post-it avec le nom de son père et trois sacs Ikea contenant toutes ses affaires. Bon débarras! Son géniteur, qu'elle croyait disparu à jamais, habite en fait à quelques centaines de mètres, dans un immeuble d'un quartier plus huppé.
Accueillie par un ami qui l'installe dans l'appartement de son père, Albertine – cet ami connait le prénom de la jeune fille, alors que sa mère ne l'a quasiment jamais utilisé – va aller de surprise en surprise. Ce père est loin d'être un monstre. Sa version des faits remet en cause celle servie par sa mère, même si de nombreuses questions restent en suspens. «Les mensonges. Les pièces d’un puzzle. Il me manquait des pièces. La sorcière a empêché mon père de me reconnaître, de me voir, de m'approcher. Ouais mais, mais quand même... C'était un grand garçon, ce mec-là, il aurait pu exiger de me voir, me voir de force, m’enlever, me kidnapper à la sortie de l’école, me sortir des griffes de la sorcière. Puisqu'il savait que j’existais, il m'a abandonnée. À mon triste sort.»
Autant dire que la méfiance règne, que l'on est loin du conte de fées. Que le père et sa fille vont devoir tout reconstruire pour se trouver enfin. Mission impossible?
Isabelle Minière poursuit ici son exploration des relations familiales et des situations explosives. Depuis On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, en passant par Au pied de la lettre jusqu’à Je suis né laid, elle creuse un sillon qui donne, au fil des romans, de forts jolies moissons.
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