"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Albertine est une petite fille battue et terrorisée par sa mère « la sorcière », violente, manipulatrice et névrosée. « Dès que la porte s’ouvrait, je me tassais sous la couverture, un oreiller sur la tête, j’étais terrifiée à l’idée qu’un coup particulièrement violent puisse me fracasser le cerveau. Je doutais beaucoup de sa solidité… »
Albertine est aussi la narratrice du récit, de son enfance et de son adolescence.
Ce qui donne une note particulière au récit : le ton n’est jamais grave. Il est naïf, (quelquefois, il nous fait sourire) et terriblement lucide. Elle raconte également les rêves qui lui permettent de tenir. Écrire l’histoire de sa vie, « même si sa vie n’est pas intéressante. »
Le ton est léger mais la souffrance est continuelle et bien réelle : « Cela me donnait envie de mourir pour la soulager, et pour me soulager aussi ; mais comme je n’avais pas encore écrit l’histoire de ma vie, je préférais ne pas mourir tout de suite. » Cette dichotomie permanente est l’un des charmes du récit, comme Isabelle Minière sait si bien le faire, notamment avec « Je suis né laid »
Les souffrances, la mort, d’une part et le détachement de l’enfance, d’autres parts. L’acceptation d’une situation habituelle.
« A chaque fête des mères et à chacun de ses anniversaires, j’ai pensé que le plus beau cadeau que je pouvais lui faire, c’était de mourir. Sa joie, en me trouvant morte dans mon lit. J’ai essayé de me suicider plusieurs fois, en prenant 4 comprimés d’aspirine d’un coup, en dépassant largement les doses n mais ça n’a pas marché. Je me suis réveillée le lendemain, j’ai essayé avec du paracétamol, ça n’a pas marché non plus. »
A ses 18 ans, sa mère la fiche dehors avec pour tout bagage, 3 sacs Ikea et les coordonnées de son père. Peut-être, une nouvelle vie pour Albertine…
Encore une fois, j’ai apprécié le regard si particulier de l’auteure sur l’enfance, sur ses souffrances : réalisme et humour.
Mais… Je n’y ai pas retrouvé la force, la puissance de « Je suis né laid » où l’auteure m’a tenue en haleine jusqu’au bout.
J’irai jusqu’au bout de mes rêves…
Eve vit seule, sans amour, ni amitié dans sa vie. Rêver, lire, sont ses deux grandes passions. Sa mère et sa sœur savent bien le lui rappeler « « C’est pas en restant chez toi que tu peux faire des connaissances ! » C’était pas faux » . Sa patronne, Cloé, également qui profite tant de sa grande gentillesse.
Pourquoi veut-on absolument la caser « Si j’avais pu m’éclipser de la vie, comme ça, discrètement, sans que personne s’en aperçoive, et sans que ce soit douloureux, j’aurais sans doute dit oui. »
Cloé l’a invité pour son anniversaire « ça sera sympa, Eva, tu verras, il y aura des amis, a famille, je te présenterai mon frère. Il est célibataire. »
https://zazymut.over-blog.com/2022/04/isabelle-miniere-le-compagnon-ideal.html
Eva est allée à cette soirée, elle y a rencontré le frère de Cloé, Jeff ou Jimmy selon les moments. « Le frangin de Cloé n’était pas assorti à la décoration, l’appartement, la terrasse, le buffet. Il était simple, il parlait de façon naturelle, sans chercher d’effet de style, sans chercher à être intéressant »…. et cela l’a intéressée, voir plus !! « Une drôle de sensation, dans mon corps, dans mon ventre, je ne sais pas dire, je n’avais jamais ressenti cela, même en imagination »...Et oui, ma brave Lucette, ça existe le coup de foudre et notre Eva semble bien ferrée.
Eva revient de loin ; peu ou mal aimée par sa mère et sa sœur, un père présent mais absent par son mutisme et son enfermement et là, maintenant, Jimmy ou Jeff selon les moments l’entoure de son amour.
Le premier confinement, celui où personne ne pouvait sortir sans les fameuses autorisations, les retrouve cloîtrés dans le petit appartement d’Eva. Jimmy ou Jeff, selon les moments, télé-travaille, plutôt, comme il aime à le dire, travaille-télé. La lune de miel se poursuit, ils se découvrent quasi identiques dans leurs relations avec mère et sœurs castratrices.
Jimmy ou Jeff, selon les moments, lui redonne, lui donne confiance en elle, lui trouve plein de qualité comme « tu es quelqu’un de logique. Tu aimes comprendre, tu n’aimes pas les raisonnements qu n’en sont pas, ceux qui sont fondés sur des préjugés, des pseudo-intuitions, tout ça. Tu as un bel esprit critique.. »
Ils profitent de l’heure octroyée pour aller marcher ensemble… Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes pour eux deux, c’est le bonheur à l’état pur, la bulle covid.
Et les mères et sœurs de téléphoner, d’exiger que Jimmy rejoigne la maison et sa mère, idem pour Eva. Quand je vous dis qu’ils connaissent les mêmes déboires familiaux. Je tiens à préciser que ces-dites familles ne connaissent pas l’idylle des tourtereaux, même Cloé, la sœur de Jimmy ou Jeff selon les moments. Elle vient de licencier Eva qui ne veut plus travailler de chez elle alors qu’elle est en chômage partiel, de plus, elle n’est pas venue à son anniversaire (tiens, je croyais que c’était là qu’elle avait rencontré son amoureux, frère de Cloé????),
Lui aussi est licencié et basta, ils décident de jeter leurs téléphones portables pour ne plus être importunés par leurs familles, ils en ont commandé un nouveau. Ils sont si bien tous les deux, collés l’un à l’autre, c’est si bon… Si cela pouvait durer encore et encore.
Lorsqu’elle sort, elle n’oublie jamais de tendre un petit billet à Gaby un SDF qui dort dehors pas loin de chez elle. Ce n’est pas ostentatoire, tenez, regardez ce que je fais, regardez ma générosité, non, elle a de l’empathie, de la sympathie pour Gaby, malien, qui voudrait retourner à Bamako, tant la vie est trop dure dans les rues parisiennes.
La mère et la sœur d’Eva, n’ayant plus aucune nouvelle (elle se cache d’eux et à même acheté une perruque pour qu’elles ne la reconnaissent pas et ça marche, c’est dire !!) préviennent les autorités. Lorsque la police frappe à la porte d’Eva, la peur la terrifie, se réfugie sous le lit, appelle la police des fois que ce serait de faux policiers. Rassurée, elle leur ouvre et « Vous n’avez rien fait de mal, madame, votre famille vous a sentie en danger, nous a demandé d’intervenir pour votre sécurité…. Nous devons vous conduire à l’hôpital pour vous soigner »
Mais au fait, pendant qu’elle se débat avec la maréchaussée où est planqué Jimmy, Jeff selon les moments ????
Eva aime rêver, Eva rêve sa vie, Eva aime à en rêver, Eva aime à en perdre la raison où est la part de vraie vie ?
Ce livre aurait pu être sirupeux, mais non, la plume d’Isabelle Minière évite l’écueil avec une ironie plaisante, drôle, vagabonde. Dans ses livres, elle dépeint les laissés pour compte, ceux qui sont différents, avec maestria, finesse, drôlerie parfois, bienveillance toujours sans s’appesantir et leur donne la force de rebondir.
Oui Isabelle Minière, j’étais bien dans le monde d’Eva et de son Compagnon idéal. Merci pour votre dédicace.
Un petit mot pour la couverture kitsch à souhait, comme un clin d’oeil au cinéma et aux romans photos des années 60.
Autre clin d’oeil, le policier si gentil s’appelle Jim. Cela commence Jimmy ou Jeff selon les moments et permet une revisite du livre, même si le doute... Cette lettre J me fait penser à une réclame de mon enfance. Les parfums Bourjois avec un J comme Joie !!
Et de la joie, du bonheur, il y en a dans ce livre. L'on peut rebondir et se trouver dans le confinement covidien
« Quelqu’un qui vous aime, c’est la preuve que vous êtes aimable. C’est la première fois dans ma vie que j’ai une preuve. »
Mon partenaire de confinement
Dans son nouveau roman, Isabelle Minière explore à sa manière la période du confinement en racontant la vie d’une jeune femme qui trouve un soir d’anniversaire, l’homme idéal qui partagera cette période très particulière. Drôle, ironique, mais aussi cruel.
Quand on passe son temps dans les livres, ce n’est pas évident de faire des rencontres. Mais Éva va avoir de la chance. En acceptant l’invitation de Cloé, cette patronne qui la martyrise, elle va transformer sa vie. Car parmi les invités, il y a son frère, Jimmy ou Jeff – peu importe après tout – qui pourrait bien être l’homme de sa vie. Car ils sont sur la même longueur d’onde et n’ont guère besoin de paroles pour se sentir complices. Ajoutons que les circonstances vont beaucoup aider à leur rapprochement. Le «grand confinement» qui a été décrété va leur offrir le moyen de ne plus se quitter. Jimmy s’invite chez Éva pour cette période très particulière. Le petit appartement est alors assez grand pour leur amour. Le compagnon idéal «travaille-télé» et pare sa compagne de toutes les qualités, vantant notamment son bel esprit critique. Oubliés les petits soucis liés au confinement, les attestations à remplir, les contrôles de police, les questions d’approvisionnement. Il ne reste que le bonheur d’une lune de miel sans nuages… «Ce qu'il est doux, Jimmy... Si j’avais dû l'inventer, je l'aurais inventé comme ça, doux à mourir, à se réjouir de mourir dans ses bras. Mais il veut que je vive. Je n'avais jamais connu quelqu'un qui ait très envie que je vive. Non pas que les autres voulaient que je meure, pas forcément, mais ils n’en avaient pas grand-chose à faire, que je sois vivante, morte, ou à moitié vivante, à moitié morte. Pour Jimmy, c'est vivante. Il me veut vivante. Je me serre contre lui, respire un grand coup. J'aurais fait pareil avec Jeff, mais Jimmy c'est plus doux, ça lui va mieux.»
Mais voilà que sa mère et sa sœur s’inquiètent. Pour elles, pas de nouvelles ne signifie pas bonnes nouvelles. Et comme par effet de miroir, il en va de même pour Jimmy qui lui aussi à maille à partir avec sa famille.
Pour le jeune couple, la stratégie s’appelle «pour vivre heureux, vivons cachés. Seulement voilà, la police s’en mêle… jusqu’à un épilogue qu’il serait dommage de dévoiler ici.
Comme dans Je suis très sensible ou dans On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, Isabelle Minière explore la vie de couple avec la passion d’une entomologiste, cherchant avec délectation le petit détail qui vient définir un état d’esprit, montrer ce qui rassemble ou au contraire désunit. Prenez par exemple ce ficus qui trône comme un totem au milieu du salon ou encore cette perruque rousse qui trompe même le voisin. On se régale de ce petit jeu de la dissimulation, on se remémore une époque pas si lointaine, on salue la belle idée de la romancière qui mène ses personnages – et ses lecteurs – dans une folle sarabande.
https://urlz.fr/jl96
« Et que si c’est pas sûr
c’est quand même peut-être » Jacques Brel, Ces gens-là.
Contemporain, doté d’une finesse hors pair, « Le Compagnon idéal » avec un C majuscule est une mise en abîme fascinante qui interroge les arcades psychologiques.
Eva est une jeune femme au libre-arbitre avéré. En plein charme d’un bovarysme affirmé, calme, effacée (trop), elle semble pour sa famille, décalée voire fragile, mélancolique et démunie. Eva rêve, invente, mythomane étrange. Elle semble pour les autres perdue dans vie et ses mouvances. Eva côté ville travaille pour Chloé, une jeune entrepreneuse ambitieuse, fausse, et effrontée. Chloé va inviter Eva pour son anniversaire. Une anguille sous la roche, elle veut lui présenter son frère Jimmy ou Jeff ou… Eva saisit la balle au bond. Elle va renouer avec son être intérieur. Enjouée, délivrée, olympienne, l’heure de la formation a sonné. Eva est gaie, aérienne, vivante et profondément naturelle. Jimmy lui laisse ses coordonnées. Mais voilà ! Isabelle Minière avance les pions, bouscule les codes. Eva, chez elle, dans son spartiate continue la romance à voix basse. Quel est cet écho ? Rêve ou réalité ? Fantasme ou fait ? Eva parle à Jeff, Jimmy. On a l’impression de voir un écran de télévision brouillé. On ne sait plus, et c’est bien. On pense le réel, il s’échappe. La trame est un délice, un huis-clos d’orfèvre.
« Je l’ai inventé, il m’a inventée. On s’est réinventés, comme dit l’autre ! Réinventions du grand confinement. »
Jimmy et Eva vont « se confiner » dans l’appartement d’Eva. Lui, quitter sa mère castratrice. Elle, Diogène, indépendante, solitaire et secrète. Ils vont s’assembler.
« Quelqu’un qui vous aime, c’est la preuve que vous êtes aimable.C’est la première fois de ma vie que j’ai une preuve. »
Des attestations pour sortir , un peu, beaucoup, passionnément. Le télétravail pour Jimmy et pour Eva au chômage partiel, les petites attentions qui font les grandes rivières. L’Alcazar-cocon éveille ces deux êtres abîmés par les préjugés et le manque de confiance de parents qui transposent sur leurs enfants leurs névroses et turpitudes. Le rituel au cadran des heures caresses, sourires, jusqu’au jour où la police frappe à la porte, et pour cause.
Disparus des radars familiaux, les mères inquiètes et pour Eva,que sa mère pense en danger, la mal-aimée, l’ignorée du père, ils veulent pour elle l’hospitalisation d’office. Seulement voilà …..
Eva, pourtant si belle, authentique, intègre, entre mythes et mirages résistera.
« La vie est une question de comparaison. »
« La mère, la sœur, la police, tout ça attendra. »
Entre une profondeur intrinsèque, la traversée du miroir, « Le Compagnon idéal » est intranquille, nocturne, tenace et lucide. Il excelle les flous, car je ne vous ai pas tout dit. Il divinise les psychés . Stimulant et existentiel, il est plus que plausible. La solitude est parfois une armure ou une biche blessée dans les bois. Ce livre éclairant et particulièrement sensible, octroie l’as de cœur aux fantasmes.
On est sur le quai d’une gare dont on ignore jusqu’au point final la chute en advenir.
Chapeau bas !
Un livre-clairière dont les essences laissent sans voix. Isabelle Minière est une auteure à suivre des yeux tant ses écrits ont la grâce de l’humanité. Publié par les majeures éditions Serge Safran éditeur.
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