Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
J’ai pour habitude de dire qu’il y a deux types de romans : les « romans-intrigues » – dont le seul objectif est de captiver le lecteur et lui faire vivre par procuration des aventures palpitantes – et les « romans-messages ». Dans cette seconde catégorie, l’histoire racontée n’est finalement qu’un prétexte : l’essentiel n’est pas dans le récit, mais bien dans le message qui s’y cache. Puisque l’homme s’obstine à fuir la réalité en se tournant vers la fiction, certains auteurs ont bien compris qu’il fallait s’aider de la fiction pour dépeindre la réalité. Pour ouvrir les yeux volontairement aveuglés de ceux qui refusent de voir la réalité en face. Pour tirer la sonnette d’alarme : l’apocalypse n’existe pas seulement dans les ouvrages et films de science-fiction, elle toque à notre porte, elle se cache au cœur-même de notre quotidien … Il est loin le temps où les auteurs pouvaient se contenter de divertir les foules : désormais, il faut les avertir. Et cela, Azelma Sigaux le fait à travers chacun de ses ouvrages, et c’est justement pour cette raison que je les aime tant ...
Après des siècles d’asservissement et de dépendance volontaire au révolutionnaire sérum d’immortalité, les hommes doivent faire face à la plus terrible des pénuries : le bogo, ce poisson unique et increvable dont était tiré ce sérum d’éternité, est mort … Tandis que dans les hautes-sphères, les puissants de ce monde – qui disposent bien évidemment d’un stock personnel de Bogolux – piétinent allégrement toutes considérations éthiques et morales afin d’assurer leurs arrières, les peuples se lamentent sur leurs sorts sans se douter de ce qui les attend … Une nouvelle ère est sur le point d’advenir. Sans le savoir, Harold et Jeanne vont se retrouver au cœur de ces bouleversements. Lui, l’hyperempathique exténué par ses capacités extrasensorielles qui lui pourrissent l’existence, et elle, mortelle dénouée de tout don en quête de sens. Pour des raisons qui leur sont propres, tous deux vont se retrouver sur la Terre d’Amande, cette île jusqu’alors préservée du fléau humain, sur laquelle vit l’ultime tribu libre du monde. Sans le savoir, ils vont devenir la voix de tous ces opprimés qui souffrent en silence …
Ayant beaucoup aimé le « premier tome » (bien que, comme l’indique l’autrice, il est parfaitement possible de lire celui-ci sans avoir lu Les éphémères sont éternels … mais personnellement, je vous le recommande tout de même très chaudement), j’étais vraiment curieuse de découvrir ce qui allait advenir maintenant que le sérum d’immortalité n’existe plus. D’un côté, je voulais croire que l’autrice allait nous dresser le portrait d’un futur « radieux », d’une humanité qui aurait appris de ses erreurs pour reconstruire un nouveau monde plus harmonieux … mais je me doutais que ce n’allait pas être le cas. En effet, bien que ça fasse un peu mal au cœur de l’admettre, mais je sais bien que l’homme retombe aisément dans ses pires travers. C’est donc un futur bien sombre que nous dépeint ici l’autrice : un futur où les hommes, au nom de la sacro-sainte croissance économique qui assure le petit confort des plus riches au détriment de la masse des plus pauvres, recommencent à polluer et à piller les ressources naturelles de plus belles. Un futur où les hommes sont prêts à tout … sauf à faire des efforts. Le portrait n’est pas très reluisant, mais il est bien malheureusement très fidèle …
Comme je m’y attendais, c’est donc un véritable plaidoyer que nous offre l’auteur sous le couvert de la fiction … Un plaidoyer en faveur de la nature, de notre Terre, de nos frères les animaux, que nous décimons, que nous détruisons, que nous anéantissons sans vergogne pour notre petit confort personnel. Tous ces opprimés silencieux, victimes de notre soif de « toujours plus », de notre sentiment de supériorité, de notre inconscience également. Car saccager ainsi notre planète, c’est nous conduire nous-même à notre propre perte, c’est couper la branche sur laquelle on est assis … « La plupart sait tout ça depuis longtemps, mais ne veut pas voir la vérité en face. Les gens préfèrent l’ignorer, ou considérer les victimes comme des objets insensibles. C’est plus simple comme cela. Sinon, ça reviendrait à tout remettre en question … Y compris le mal qu’ils ont eux-mêmes causé, indirectement ou non » : ces propos de l’Arbre, ils sont d’une justesse inouïe. Ils décrivent bien l’engrenage infernal dans lequel nous sommes enfermés. Nous savons pertinemment bien que la Terre ne pourra pas suivre la cadence bien longtemps … mais comme pour y remédier, il faudrait nous-mêmes faire quelques sacrifices, on se contente de hausser les épaules en se disant qu’il est trop tard pour faire marche arrière et que, du coup, il faut se contenter de profiter.
Ce livre ne nous apprend donc rien : il ne fait que mettre en lumière, en évidence, en valeur, tout ce que nous souhaitons volontairement occulter, oublier. Il nous oblige à faire face à nos propres contradictions, à ôter nos œillères pour voir la vérité en face. Comme Harold et Jeanne, ces deux jeunes gens perdus qui ont fini par trouver le sens de leur existence, l’autrice se faire la porte-parole de la Terre, des animaux, de ces hommes, femmes et enfants qui subissent nos lubies d’hommes « civilisés ». Et par la même occasion, elle nous rappelle tout ce que la nature a à nous offrir : l’émerveillement et l’apaisement, la beauté et la sérénité, la sagesse et la simplicité. Certains passages m’ont tiré les larmes aux yeux : ce moment où Harold – dont je me sens très proche vu que je suis hypersensible, et donc régulièrement « agressée » par les émotions environnantes qui me submergent et m’angoissent – trouve la paix en s’appuyant contre un arbre, ce moment où il a aidé une maman fourmilier à retrouver son bébé … Des petits instants de grâce qui s’opposent par leur douceur à tous ces passages qui nous relatent la cruauté humaine : quand les soldats oppriment ce peuple innocent et insouciant dans leur quête d’un nouveau bogo, quand ces mêmes soldats « foncent dans le tas » et déracinent des centaines d’arbres en écrasant des milliers d’êtres vivants pour ne frayer un chemin dans la jungle …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce n’est pas un livre que l’on peut aimer pour son potentiel « romanesque », mais que j’ai personnellement apprécié pour son message, puissant et percutant, et pour la façon dont il a été brillamment amené sous cet « enrobage » fictionnel. C’est un roman qui fait – malheureusement – écho à notre actualité socio-économico-politique et écologique … mais également à mes convictions, car c’est un roman en faveur de la protection de l’environnement et des animaux, en faveur également d’une humanité plus humaine, où personne ne sera plus opprimé par son voisin, où chacun sera véritablement respecté. Et même si l’histoire n’est finalement qu’un prétexte, comme je le disais plus haut, il n’empêche qu’elle est très bien menée : les deux personnages principaux sont vraiment attachants, la tension enfle progressivement jusqu’à l’apothéose finale, et la plume de l’autrice est vraiment belle. C’est donc un livre qui fait passer un agréable moment de lecture tout en éclairant les consciences, en ouvrant les cœurs à cet appel des Silencieux qui n’en pensent pas moins …
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2020/07/les-silencieux-nen-pensent-pas-moins.html
Quel crève-cœur que de devoir sélectionner un unique petit extrait pour illustrer cette chronique au détriment de la myriade d’autres passages percutants et magnifiques dont regorge ce récit ! C’est un problème que j’avais déjà rencontré avec Absurditerre de la même autrice : chaque page abonde de petites phrases aussi belles que frappantes qu’on aimerait partager au monde entier ! Je suis définitivement sous le charme de la plume d’Azelma Sigaux, et dans la famille, je ne suis pas la seule : Absurditerre est devenu le livre préféré de Petit frère, pourtant grand réfractaire à la lecture, qui l’a déjà lu plus d’une dizaine de fois (à l’endroit, à l’envers, par chapitre …) et qui semblait intéressé par le résumé de ce nouveau roman, et maman est impatiente de découvrir Les éphémères sont éternels, ayant elle-aussi beaucoup aimé Absurditerre … Bref, autant dire que j’avais intérêt à le lire vite si je voulais pouvoir le terminer avant que quelqu’un ne me le pique !
2042. La mort est abolie : grâce à une découverte aussi prodigieuse qu’inespérée, l’immortalité est désormais une réalité. Au lendemain de leur vingt-troisième anniversaire, âge considéré comme le moment optimal de la vitalité, chaque individu doit recevoir sa première injection de Bogolux, injection qui sera renouvelée tous les trois ans. Parallèlement à cette obligation, l’interdiction d’enfanter est également décrétée afin d’éviter de surpeupler la planète … Mais certains couples bravent l’interdit et donnent illégalement naissance à des enfants. Pour protéger June, ses parents le gardent précieusement enfermé dans la cave. Mais, après dix ans de captivité forcée, le petit garçon s’échappe … Traqué par les forces de l’ordre, qui ont pour mission d’abattre sans sommation tout enfant, June ne doit la vie qu’à l’intervention de Bernie, mortel lui aussi. Le jeune garçon rejoint alors les rangs des Ephémères, poignée d’enfants recueillis par Bernie qui, comme June, ont développé d’étranges capacités extrasensorielles dont ils se servent pour tenter d’éveiller les consciences de ces immortels dépendants et déprimés de leur vie éternelle …
Depuis la nuit des temps, la grande quête de l’homme, c’est l’immortalité. L’abolition de la mort. La vie infinie. Pour ne pas perdre ceux qui nous sont chers. Pour ne pas sombrer dans l’oubli une fois revenus à la terre. Pour gagner quelques années de vie supplémentaire, les hommes sont prêts à tout … Même à disséquer semaine après semaine un malheureux poisson, unique en son genre, immortel et doté d’incroyables capacités autorégénérantes. Parce qu’après tout, ce n’est qu’un misérable animal, et nous sommes des Hommes, donc nous avons le droit de faire souffrir un simple poisson pour servir nos propres intérêts, n’est-ce pas ? Surtout si cela peut rapporter des sous aux puissants de ce monde … Mais ça, bien sûr, on ne le dit pas. Il ne faudrait surtout pas que ces milliards d’immortels en viennent à se rebeller contre l’ordre établi et qu’ils cessent de consommer du Bogolux ! Alors, on leur rappelle continuellement quelle est leur chance : « Le monde leur appartenait. Ils avaient l’opportunité de voir défiler les siècles, ils avaient la chance de ne plus manquer de temps. Ils pouvaient expérimenter tout ce qui leur traversait l’esprit. Ils étaient capables de survivre à toutes les folies. Jamais ils ne connaitraient les bombardements ni les cancers, et encore moins les problèmes de la vieillesse » …
Imaginez un monde peuplé d’immortels, un monde où les maladies n’existent plus, un monde où la vieillesse n’existe plus : tout le monde est continuellement en excellente santé, en bonne forme. On a tout le temps du monde devant soi : même les projets les plus titanesques deviennent réalisables. Alors que les « humains pré-Bogolux » mourraient sans avoir accomplis leurs rêves, faute de temps ! Imaginez un monde où la guerre est impossible : s’il n’est pas possible de tuer ses ennemis, comment voulez-vous mettre fin aux conflits ? Imaginez un monde à l’économie florissante, où il y a du travail et un logement pour tout le monde et où les problèmes financiers n’existent plus. Ça fait rêver, n’est-ce pas ? Je pense que si l’on nous proposait de choisir entre mortalité dans notre monde en perdition et immortalité dans cette société apaisée, on n’hésiterait pas bien longtemps … Même si cela signifie démembrer quotidiennement un poisson pour fournir suffisamment d’élixir de vie éternelle (« après tout, ce n’est qu’un animal ! » diront beaucoup).
Mais si je vous dis que cette vie éternelle se double d’une interdiction formelle d’avoir des enfants, d’une baisse progressive des facultés intellectuelles, d’une obligation de travailler ad vitam aeternam (« pour la vie éternelle », et ce n’est plus une expression), sans oublier une déprime grandissante au fur et à mesure que l’euphorie du début retombe … Cela vous donnerait-il toujours envie ? La vie peut-elle avoir un sens sans la mort ? C’est la première question que nous pose ce livre : « entre un magnifique mandala qui s’envole au moindre coup de vent et un tableau indélébile aux couleurs ternies par le temps, lequel des deux est le plus mémorable ? » … Entre une vie courte mais intense et une vie longue mais monotone, que préférons-nous ? Azelma Sigaux nous présente ici un monde figé, comme si le temps, au lieu de s’étendre comme on aurait pu le penser, c’était finalement arrêté. Chaque jour ressemble au précédent. Et ceux qui auparavant craignaient la mort sont désormais prisonniers à tout jamais de la vie. « Ne jamais tenter de mettre fin à ses jours » par le feu, voici l’une des grandes règles. Condamnés à vivre une vie sans joie, sans espoir, sans rêve. Et désormais, la mort ne viendra jamais les libérer de leurs tourments.
Face à ces immortels, il y a les Ephémères. Ces enfants miraculés, fruits de l’insubordination d’immortels bien décidés à donner la vie. Mortels, doués de capacités extrasensorielles, ces jeunes croquent la vie à pleines dents. Ils ont la tête et le cœur pleins de rêves. Leur vie est loin d’être aussi confortable que celle des immortels : traqués, ils sont obligés de se cacher dans un bunker souterrain, séparés de leurs parents, considérés comme des criminels qu’il faut abattre à tout prix … Et pourtant ils sont heureux. « La vie est courte, mais elle est belle », nous dit Bernie, doyen des Ephémères, qui voit sa fin approcher. Sans crainte, sans regrets. Car il a pris soin de ces enfants, de ses enfants – non pas de sang mais de cœur – et il sait que « la mort fait partie de la vie ». A ses yeux, c’est la peur de la mort elle-même qui « procure l’envie d’embellir notre existence et celle des autres » … Car Bernie ne se bat pas pour lui-même, il se bat pour les autres. Pour ces petits Ephémères qu’il a aidé à grandir, mais aussi pour ces immortels prisonniers de cette immortalité imposée par les autorités, prisonniers de leur esprit en pleine décadence …
En bref, comme je m’y attendais, Azelma Sigaux nous offre une fois encore un magnifique récit qui fut un nouveau coup de cœur. J’aime sa façon de raconter les histoires, et j’aime les histoires qu’elle nous raconte. J’aime l’équilibre qu’elle sait trouver entre récit captivant et éveil des consciences. J’aime la poésie de sa plume, j’aime le rythme de ses intrigues. J’aime ses personnages, attachants et fragiles. Et j’aime les messages qu’elle transmet sans en avoir l’air, j’aime sa manière de nous inviter à réfléchir sur la vie, sur le monde, sur notre société, sur nous-même. Je pourrais parler des heures durant de ses romans, tant ils me secouent, tant ils me passionnent, tant ils m’interpellent. Vraiment, Les Ephémères sont éternels est un roman qui plaira autant aux amateurs de récits de science-fiction qu’aux adeptes d’essais philosophiques, car ici, l’histoire se mêle habilement à la réflexion, et chacun peut y trouver son compte. Alors, n’hésitez plus et procurez-vous ce livre ! Et ensuite, posez-vous la question : préférez-vous le fragile coquelicot qui fane à peine cueilli, ou le solide mais morne bouquet en plastique ?
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2019/04/les-ephemeres-sont-eternels-azelma.html
Je devais avoir six ou sept ans la première fois que j’ai affirmé à mes parents, avec beaucoup de sérieux et de gravité, que j’étais une extraterrestre égarée sur Terre. Je ne savais pas comment exprimer plus clairement le profond sentiment de « décalage » que je ressentais continuellement : je ne me sentais pas à ma place dans ce monde, dans cette société aux mœurs si étranges, aux règles si compliquées … et à la logique fort peu évidente. Et malheureusement pour moi, les choses ne se sont pas arrangées, bien au contraire : aujourd’hui encore, je me demande où diable ai-je atterrie ! Vous comprendrez donc que le titre de cet ouvrage – joli mélange entre « absurdité » et « terre » qui veut tout dire – a attiré mon attention … Et je suis vraiment très heureuse que l’auteur ait acceptée ma demande de service de presse, ce fut un réel plaisir de découvrir ce petit roman à la couverture si magnifique !
En l’an 3000, les habitants de la Terre vivent en harmonie. Entre eux, et avec la nature. Respect, égalité et générosité sont les fondements de cette société sans frontières ni guerres, sans violences ni gouvernances. Les comités d’éducation, chargés de concevoir les programmes scolaires – identiques pour tous les enfants du globe – font ainsi appel à l’avis du peuple pour entériner leurs décisions … Et comme chacun leur fait confiance, leurs propositions sont généralement adoptées. Cependant, le jour où le sujet du référendum est « Voulez-vous que nos enfants connaissent l’existence des maux qui ont détruits l’Ancien Monde ? » – drames du passé que les membres des comités avaient choisi de taire pendant des siècles –, le résultat est plus mitigé … mais positif. Ainsi, puisqu’il vaut mieux « prévenir que guérir », tous les enseignants du monde devront cette année apprendre aux enfants les catastrophes de l’humanité, afin d’éviter que l’humanité ne reproduise un jour les mêmes erreurs. Mais quelles seront les conséquences de ces révélations ?
Imaginez un monde sans gouvernement, un monde sans argent, un monde sans frontière, un monde sans pollution, un monde sans guerre, un monde sans maltraitance animal … un monde idéal, où chacun respecte chacun, où vous avez la possibilité de faire ce qui vous plait sans avoir à rendre de compte à personne du moment que vous ne dérangez personne, où tout le monde est heureux et où tout le monde aide tout le monde. Et maintenant, imaginez-vous tenter d’expliquer aux enfants de ce monde idyllique ce que c’est que l’argent, que la démocratie ou la monarchie, que le meurtre ou la justice … Et surtout, essayez d’imaginer leur réaction. A votre avis, que penseraient-ils de tout cela ? Plus important encore : mettez-vous à leur place … comment réagiriez-vous ? que penseriez-vous ? Ce livre, il nous invite à prendre du recul, à poser un regard extérieur sur notre monde, sur notre société … et ainsi d’en apprécier toute l’absurdité.
En effet, si nous faisons l’effort de tâcher de nous délivrer de tout l’endoctrinement social que nous subissons depuis notre naissance – qui veut nous faire croire que les frontières sont légitimes, et qu’il est parfaitement raisonnable d’avoir besoin d’une autorisation pour franchir une ligne invisible et imaginaire, décidée arbitrairement par les Grands de ce monde –, alors nous ne pouvons que nous dire « Mais quelle aberration ! ». Nous vivons dans un monde – et l’anecdote est véridique –, où une maman va appeler son fils pour diner par sms interposés, alors qu’ils sont dans la même pièce ! Nous vivons dans un monde où nous ne pouvons rien faire sans « l’assistance » d’une machine : ce sont désormais des bracelets « intelligents » qui nous dictent combien de kilomètres nous devons courir pour évacuer le surplus de calories du repas ! Nous vivons dans un monde où nous torturons des animaux innocents … pour rien, car la surproduction au nom de la sacro-sainte « Croissance » nous conduit à jeter des tonnes et des tonnes de viande. Nous vivons dans un monde où nous courrons après la productivité, après l’argent, après les richesses, au détriment du bonheur : nous passons notre vie à courir dans tous les sens, à stresser, à penser que plus notre compte en banque sera rempli mieux ce sera, alors qu’à côté nous n’avons même pas le temps de jouer au Monopoly avec nos enfants … Nous vivons dans un monde qui se meurt, sur une planète que nous tuons à petit feu, nous détruisant nous-mêmes sans vouloir le voir …
Car voilà ce que dénonce ce livre, également : l’aveuglement volontaire de l’humanité. Nous nous mettons des œillères, pour ne pas voir ce qui dérange. On se dit qu’on ne peut rien faire, à notre niveau, et alors des milliards de veaux et d’agneaux sont égorgés dans d’atroces souffrances chaque jour. On croit nos gouvernements qui affirment que l’électricité est une énergie « propre » – alors qu’il semble évident que les déchets nucléaires sont tout sauf propres ! – et alors on se rue sur les voitures électriques, qui vont nécessiter la construction de nouvelles centrales … Centrales que les ingénieurs ont « l’excellente » idée de construire sur des failles sismiques, alors qu’un minimum de bon sens suffit pour comprendre que c’est dangereux. On suit aveuglément les « modes » vestimentaires, jetant notre collection de jeans datant de six mois à peine pour en acheter de nouveaux, en réalité rigoureusement identiques, mais que « tout le monde s’arrache » … et voici des hectares et des hectares de champs de coton qui finissent à la poubelle ! Les exemples se multiplient, le livre en apporte d’autres, mais ce qu’il en ressort, finalement, c’est bien : allons-nous continuer à suivre aveuglément le troupeau, ou allons-nous choisir de montrer qu’un autre chemin existe ?
Malgré tout, ce roman ne nous oblige pas à être d’accord avec tout ce que dit l’auteur : en tant que croyante, je suis donc parfaitement en désaccord avec le conte abordant l’absurdité de la croyance en un Créateur – mais je suis d’accord avec le fait que les extrémismes sont dangereux ! A chacun, finalement, de se faire sa propre opinion, en fonction de ses convictions, de ses intérêts … Ce livre n’impose rien, il expose. Il expose des situations dont le ridicule est poussé à son paroxysme. Le lecteur est obligé de réfléchir, de faire un travail d’interprétation, d’analyse, d’appropriation du message véhiculé, afin d’en retirer ce qui correspond à son propre cheminement de pensée, à sa propre vision critique de la société. Mais ce livre ne laissera personne indifférent, parce qu’il montre crûment la cruauté, oui la cruauté, de notre monde. C’est un livre coup de poing, un livre qui va très loin pour nous obliger à nous demander : mais voulons-nous vraiment en arriver là ? Car, le retournement de situation final le montre bien : l’humain est, par essence, par nature, attiré par le pouvoir, la violence, la gloire … Même si je ne m’attendais pas à cela, je trouve finalement que cette fin est encore plus évocatrice que tout le reste … et c’est même douloureux de s’en rendre compte.
En bref, un ouvrage très intéressant, très joliment écrit, qui a pour objectif d’ouvrir les yeux du lecteur pour l’inviter à voir plus loin que le bout de son nez. J’ai énormément apprécié le fil rouge du récit : un instituteur qui, par l’intermédiaire de contes subtilement choisis, transmet à ses petits écoliers l’Histoire … et surtout, j’ai beaucoup aimé les réactions de ces enfants. Choqués, mais pourtant fascinés par toutes les atrocités qu’ils découvrent, ils sont tiraillés entre l’éducation qu’ils ont reçus depuis leur naissance et l’attrait de ces terribles choses qui sont notre quotidien … C’est un livre assez dur, certains passages sont même vraiment difficiles à supporter, mais c’est un livre qui ouvre tout de même à l’espoir : tout n’est pas perdu, on peut cheminer vers un monde plus sain, plus harmonieux … Le monde parfait et idéal n’adviendra jamais, car la nature humaine est ce qu’elle est, mais en acceptant une vie plus simple, on pourrait tout de même avoir une vie plus belle !
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