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Un cerf-volant en plein ciel, voyage à l’infini. Magistral, doux comme de la soie, « Le vieil homme Des adieux » est le toit du monde, une voûte lactée. Ecrire l’hymne pour un père, un vieil homme. Le temps est compté mais ne craint pas les déserts perpétuels. Pénétrer sur le seuil subrepticement d’une littérature de renom. Regarder l’imperméable parabolique accroché sur le porte-manteau, se dire que l’homme est encore ici. Mémoire vacillante, même si la finitude va advenir. Des rayons de lumière percent encore au travers des persiennes. Noga Albalach délivre l’essence même d’une vie qui s’échappe. Le vieil homme glisse sur l’autre versant, sa fille est là. Bouleversante, réaliste, absolument digne. « Viens, dit sa fille, je vais te prouver que c’est chez toi, le vieil homme obéit et la suivit… Il dit qu’il doit aller chez sa femme, dit la femme du vieil homme. » Ce récit est une nuit de pleine lune. Fondamental, il est une citadelle, de celles qui ont contribué au crucial, au juste. L’intelligence intuitive du vieil homme est un cahier du jour. Son existence si riche et altruiste est de glaise. Un maître de sa destinée coûte que coûte, malgré les drames encourus. L’histoire du monde sur ses épaules, l’homme est resté debout. On s’attache à Shlomo (c’est son prénom). « Ainsi les langues qu’il parlait s’élevèrent au nombre de sept. » Sa fille collecte ses paroles, rassemble l’épars égaré dans les limbes ; glisse les mots éphémères et ceux colorés de lucidité, de souvenirs, de reconnaissance pour le Père, l’homme. La gravité est prière universelle, retenue pudique. Les instants statufiés sont des murailles, du pain pour demain. « Papa, tu te souviens de ton âge ? Le père lui répondit lentement d’un air réfléchi : Sept-mille-deux-cent-ans. » « La fille : dis papa, tu sais qui je suis ? Le vieil homme : Qui pose la question ? » Les mouvements narratifs sont des prouesses. L’essentiel des écorces qui résistent. Dépasser l’irrévocable. Creuser la dune de sable, et puiser ce grain de sable, résistance, voix du père. Dire que durant dix ans il a composé un dictionnaire, classer des mots, en deux volumes : bulgare-hébreu, hébreu-bulgare, en 1500 exemplaires, imprimé à Sofia en Bulgarie, sa terre originelle. Il en a vendu une centaine. Nos yeux tremblent de pluie. Cet homme était fidèle à son Histoire, les sens en alerte. « Dimitar fut reconnu comme « juste parmi les nations ». A Jaffa une place et une fontaine portent son nom. Peut-être est-ce grâce à lui que bien avant le comptable Manda, la fille du vieil homme vint au monde. » « Pour aimer l’être humain, tout être humain, il faut décider d’être optimiste et de s’y tenir. » « Mais l’optimisme ne se décide pas ; il est une inclination du cœur, une qualité. » La fille du vieil homme touche le monde en plein cœur. Elle souffle sur les braises. Le feu repart, différemment. Le vieil homme vacille, va sans doute chuter. Ce récit aux mille étoiles, aux confidences allouées, à l’enjeu mémoriel est plus qu’un choc de lecture tant sa beauté est une délivrance. On cerne le visage du père, ses rides placées sur le front, superbes, son regard brillant, et cette main qui ne sait plus le tracé de vie. Ses attitudes maladroites, ce qui s’endort et renaît. Le crayon sur le dictionnaire. « Il ne faut pas donner ce livre, dit la mère, papa aimait Rousseau. » « Rousseau croyait que l’Homme était naturellement bon. » « Le vieil homme Des adieux » est un bouquet d’éternelles. Il est sceau pour l’humanité, l’exemplarité. Une preuve de bonté, de justesse. Un flambeau de transmission. Le plus bel hommage d’une fille pour le Père. Traduit de l’Hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. Les Editions DO nous prouvent une nouvelle fois une haute qualité éditoriale.
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