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La vie avec un mari distant ne lui apportant pas le bonheur espéré, Rika décide de s’investir dans un emploi. Devenue chargée de clientèle dans une banque, elle visite régulièrement à domicile les personnes âgées qui lui font confiance pour leurs opérations bancaires et la gestion de leur épargne. Sa hiérarchie et ses clients l’apprécient, mais le vide de sa vie privée devient de plus en plus obsédant. Pour tenter de le combler, elle noue une relation extra-conjugale avec un jeune homme et, insensiblement, se retrouve occupée à détourner des sommes de plus en plus importantes…
A travers Rika, mais également les autres femmes du roman, tout aussi ingénument engagées dans une vie maritale dont elles n’imaginaient pas le poids des désillusions, c’est la vacuité du quotidien ordinairement réservé aux Japonaises, que l’auteur nous dépeint ici avec férocité. Au foyer ou employée le plus souvent à mi-temps, avec ou sans enfants, aucune, dans ce récit, n’était préparée à la somme des renoncements qui l’attendait, alors que toutes se retrouvent liées à des époux absents, exclusivement accaparés par leur carrière professionnelle et pétris de la certitude de leur prééminence masculine. Dans cette histoire, aucune communication n’existe au sein du couple, chacun vaque à ses occupations parallèles au détriment même, parfois, de toute intimité conjugale. Les maris décident et disposent sans partage, partent plusieurs années à l’étranger sans se préoccuper de ce qu’il advient à la maison, divorcent rarement, mais alors abandonnent leur ex-conjointe sans ressources pour confier la garde des enfants à leurs propres parents.
Dans ces couples cimentés principalement par le souci des apparences et des conventions sociales, sans doute parce que chacun pense compenser ses manques affectifs par davantage de satisfactions matérielles, c’est finalement autour des questions d’argent que se cristallisent tensions et conflits. Tel mari craint l’ombre d’une épouse capable de gagner sa vie, tel autre est mal considéré par sa belle-famille parce que ses revenus sont insuffisants, le dernier se résout au divorce – si rare au Japon -, en raison des achats compulsifs de sa femme. Quand, depuis les années quatre-vingt, beaucoup de Japonais se retrouvent prisonniers des crédits à la consommation et du surendettement, c’est dans un tout autre engrenage que la si sage Rika, sans intention malhonnête initiale, se laisse happer, dans une irrésistible escalade qui installe un sentiment de malaise et tend imperceptiblement le récit : en rébellion à sa morne et insignifiante existence, la jeune femme succombe elle aussi au mirage de l’argent, en se transformant en improbable escroc. Par ses malversations, c’est de la société japonaise toute entière, de ses hypocrisies et de son corset de convenances, que Rika tente en réalité de s’affranchir…
Au travers de ses personnages féminins, réduits à tromper l’indigence affective de leur couple et à s’inventer un semblant d’affirmation de soi par une surconsommation de biens matériels, Mitsuyo Kakuta pointe du doigt l’écrasante pression sociale qui poursuit les Japonais jusque que dans leur relation maritale, sacrifiée à l’hypertrophie du carriérisme masculin. Une lecture fascinante et troublante, où sous ses apparences lisses et policées, la société japonaise, tout comme cette histoire, se révèle d’une incommensurable violence psychologique.
Quand s'ouvre le roman, Rika a fui le Japon pour passer la frontière japonaise. La presse titre sur une affaire de détournement de fonds à hauteur de 100 millions de yens ( près de 800.000 euros ) alors qu'elle travaillait dans une banque comme responsable de clientèle auprès de personnages âgées.
Rika est un personnage d'une formidable opacité. Jolie, mal mariée mais épouse modèle, sans enfant, une vie bien banale comme tant d'autres. Mitsuyo Kakuta construit son récit à coup d'analepses pour essayer de comprendre ce qui a pu amener la très réservée et droite Rika à basculer dans l'indignité. Elle focalise l'attention et pourtant, c'est progressivement un petit choeur de femmes ( toutes ont connu Rika ) qui se forme et raconte la condition féminine japonaise et plus largement la société du pays : soumission au mari, emprise des crédits à la consommation, addition à la société de consommation, conformisme social y sont décryptés minutieusement, l'air de rien.
C'est là que le roman se nimbe d'une subtile subversivité avec le récit d'une femme qui s'émancipe en volant des personnages âgées qui lui vouent une confiance quasi filiale. Même si au départ, elle est animée par des motivations superficielles et égoïstes, elle brise une myriade de tabous et contraintes inhérentes à une société japonaise très corsetée et réglementée, comme lorsqu'elle ose inviter son mari dans un restaurant cher, un affront assimilé à une volonté de l'humilier comme s'il n'avait pas les moyens de le faire.
Cette rébellion buissonnière est racontée d'une écriture plutôt lapidaire et froide, ce qui crée une tension, certes légère, mais toujours présente qui fait grandir une sensation de malaise devant cette quête de liberté et d'être soi. le lecteur flotte au dessus des personnages dans une ambiance à la fois ouatée et violente psychologiquement.Ce n'est pas un roman qui vous fait vibrer d'émotion mais réfléchir. Rika ne suscite certes pas d'empathie, elle reste terriblement hermétique, et pourtant, on a l'impression de la comprendre dans sa dérive qui n'en est d'ailleurs pas forcément une. C'est ce qui fait toute la beauté des dernières pages, consacrées non pas à Rika mais à Aki, son amie, magnifiquement éclairée alors qu'elle aussi a chuté aux yeux des conventions japonaises.
Un roman troublant et subtil.
Une jeune fille enlève un bébé, et commence une cavale qui va durer plus de 3 ans…
Kiwako, après une déception amoureuse, kidnappe l’enfant de son ex. Se comportant comme si c’était sa propre fille, elle fuit et se cache. La petite Kaoru devient sa raison de vivre et de fuir.
Dans la première partie du livre, elle nous livre, à la première personne, son histoire, et tout l’amour qu’elle a pour cette enfant, et ce, jusqu’à son arrestation.
Puis c’est Kaoru, devenue une jeune femme, qui nous fait le récit de sa vie, et qui, suite à une rencontre avec une autre jeune fille avec qui elle a vécu dans la secte ou sa ravisseuse s’était réfugiée, part à la recherche de son passé.
J’ai trouvé ce livre superbement bien écrit et passionnant. L’auteur m’a pris directement par la main et m’a entraîné dans son histoire. J’y suis resté accrochée jusqu’à la dernière page.
Extraits :
Le tout premier jour du stage, celle qui nous encadrait a commencé par nous dire qu’Angel Home n’était en aucun cas une communauté religieuse mais un groupe de bénévoles. Angel Home était la transposition ici-bas du paradis et son devoir était de transmettre la réalité de ce paradis à la société.
A partir d’aujourd’hui, je vais tout te donner. Tout ce que je t’ai volé, je vais te le rendre. La mer et la montagne, les fleurs au printemps et la neige en hiver. les éléphants gigantesques et le chien qui attend son maître indéfiniment. Les contes qui finissent mal et la musique si belle qui nous arrache des soupirs.
Lorsque j’y repense aujourd’hui, je me dis que mes parents et ma petite soeur avaient été perturbés par ma réapparition soudaine. Il ne fait aucun doute que les larmes de ma mère étaient sincères et qu’ils se réjouissaient vraiment de mon retour mais d’un autre coté, il est évident qu’ils ne savaient pas comment se comporter avec cette enfant brusquement retrouvée.
Mais je ne voulais pas haïr. Je m’en rendais compte pour la première fois. Je ne voulais haïr personne. Ni cette femme, ni mes parents, ni mon passé. La haine m’apaisait mais elle m’enfermai aussi. Et plus la haine m’envahissait, plus j’étais oppressée.
Sur un coup de tête, Kiwako enlève le nourrisson de son amant. Commence alors pour elle un long périple à travers le Japon tandis que grandit son affection pour l'enfant.
Un beau voyage qui nous fait découvrir les multiples facettes du Japon, coincé entre une société archaïque et patriarcale, et un fort besoin de modernité et d'émancipation.
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