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L’Afrique, le continent méconnu. L’Afrique, le continent oublié. Ce qui est le cas en économie, l’est également en art contemporain. Car à qui vous parlez d’art africain, il vous répondra masques et fétiches à clous, ou, pour les plus avertis, Dogons et Yoruba. Mais de l’art post-colonial, celui des peuples théoriquement indépendants, les Occidentaux ne connaissent que ce que certaines institutions (Musée Dapper), certaines collections ont bien voulu montré, et encore que très parcimonieusement. Ces artistes découverts, ces œuvres livrées aux regards ont ouvert la voie à la connaissance d’un art contemporain africain. Mais l’Afrique subsaharienne (c’est le terme politiquement correct, pour éviter l’ancienne dénomination d’Afrique noire) est un vaste territoire, formé de 48 pays avec une population de 860 millions d’habitants, soit 800 groupes linguistiques. Aussi comment parvenir à en saisir l’essentiel en 224 pages ? Pourtant, c’est le défi relevé, et réussi, par le professeur d’histoire de l’art, Sidney Littlefield Kasfir. Réussi car il vient au-devant de la plupart de nos questions et y répond clairement et nettement. L’art africain est issu de traditions séculaires, liées à des religions et rites immémoriaux. Mais la prégnance des coutumes et des anciennes esthétiques fait que les formes nouvelles sont apparues dans des lieux neutres, vierges en quelque sorte, si je puis m’exprimer ainsi. C’est-à-dire dans les villes et dans les régions artistiquement inexploitées, comme le Sénégal, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Ouganda. Kasfir tente d’expliquer les raisons du succès de cet art auprès de nombreux collectionneurs et d’un certain public, par le rôle du processus d’urbanisation, par l’influence des écoles d’art au sein d’une culture nourrie d’apprentissage, d’émulation et de mérite. Et quelques artistes de rester en mémoire : Chéri Samba, Ike Ude, Barthélemy Toguo ou Chris Ofili.
En sept chapitres : « Nouveaux genres. L’invention de la culture populaire africaine » ; « La transformation de l’atelier » ; « Mécènes et médiateurs » ; « Art et marchandise » ; « L’artiste africain. Identité en changement dans le monde postcolonial » ; « L’idée d’une culture nationale. La décolonisation de l’art africain » ; « Migration et déplacement », Littlefield parvient à faire le tour de la question, en oubliant certains éléments (où sont Seydou Keïta et la photographie ?) Mais n’est-ce pas le travers de ce genre d’ouvrage, visant l’exhaustivité ?
Enfin, se trouve ici une véritable réflexion, de l’ethnologie vers l’esthétique, sur le statut des objets qui, d’objets rituels deviennent des œuvres d’art (et probablement, me semble-t-il, des marchandises dans l’esprit des Occidentaux). De plus, en Afrique aussi, il s’est produit une remise en question de l’enseignement reçu et surtout un questionnement profond par rapport au marché de l’art et sa spéculation galopante, largement dominés par les Européens. Par exemple, Ousmane Sow, autodidacte, est-il un sculpteur classique, et non contemporain, bien que mondialement reconnu pour ses grands personnages en bronze. Il expose aux quatre coins du monde. Il a souvent déclaré que le concept de l’art est très neuf en Afrique, et souvent ignoré par une grande partie de la population.
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