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Ce roman est d’abord une ode au Rebetika* et à son plus grand interprète-compositeur Vassilis Tsitsanis (1915-1984), auteur de plus de cinq-cents chansons. L’Ouzéri est une taverne-cabaret où l’artiste se produit chaque soir sous le regard du narrateur, son beau-frère qui gère le bar. Nous sommes en 1943 à Thessalonique, tout au Nord de la Grèce, occupée par les Allemands depuis avril 1941. Le narrateur a combattu courageusement sur le front de Macédoine et, depuis sa démobilisation, participe à un réseau de résistance à l’occupant dont fait également partie une jeune Juive dont il est épris.
Il s’agit d’une chronique de l’occupation allemande que l’ouzo et la musique du bouzouki de Tsitsanis et son petit orchestre aident à supporter. La peur est omniprésente, de même que la faim et le froid (l’hiver 43 est terrible). On voit s’attabler au cabaret le chef de la police grecque, des trafiquants du marché noir, des résistants ou de simples amateurs de musique qui tentent de s’échapper quelques instants d’une réalité bien noire. Les nazis sont glaçants, on croise le sinistre Aloïs Bruner, les auxiliaires des allemands tentent d’être plus cruels que leurs maîtres, les traitres dénoncent des héros anonymes ou simplement des gens qui les gênent. Les Grecs souffrent comme tant d’autres en ces temps-là. Les pages concernant le sort dramatique de la communauté juive (la ville comptait cent-vingt mille habitants dont quatre-vingt mille Juifs), exterminée à 98%, sont particulièrement poignantes et abominables. On se souvient alors, avec un goût amer, qu’on a de nouveau osé assassiner, dans notre pays, des petites filles parce qu’elles étaient juives…
C’est le roman de gens simples qui tentent de rester dignes dans des circonstances désespérantes, et d’une musique populaire qui mérite qu’on l’écoute en lisant L’Ouzéri.
Il serait regrettable de ne pas signaler la qualité de l’édition (papier de grande qualité et couverture très réussie) qui fait passer avec indulgence quelques erreurs de relecture. Un grand merci à la maison d’édition grecque EPTbooks (http://www.etpbooks.com/fr) qui publie en France sous le nom de BELLESétrangères, des auteurs que la barrière de l’alphabet empêchait jusqu’à présent d’accéder aux lecteurs français. Une très agréable découverte qui engage à explorer le catalogue de BELLESétrangères.
*« Pour moi, c'est d'abord cela, le rebetiko : une atmosphère autant qu'un chant, des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d'ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis »
— L'Été grec (1976), Jacques Lacarrière
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