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Artaud n'est pas fou, ou s'il l'est, sa folie est à l'intérieur même de la folie : « Que les aliénistes se rassurent, je suis fou même pour la folie. » Être fou même pour la folie afin d'échapper à la dualité normal/pathologique. Être fou pour la folie afin de ne plus la hiérarchiser selon des échelles que mesurerait n'importe quelle nomenclature psychiatrique. Être fou pour la folie afin de renverser l'évaluation même de la folie, montrer qu'il n'y a pas un dedans ou un dehors du réel, mais que tous les moyens sont bons pour creuser des souterrains dans cette réalité Artaud est fou même pour la folie car sa folie mérite plus que ce qualificatif. Il la pousse jusqu'à ce qu'elle ne soit plus contaminée par ce qu'en fait la raison.
Artaud fait ainsi partie de ces écrivains qui ont la langue dans le collimateur, mais à la différence de beaucoup d'autres, il ne cherche pas à l'apprivoiser ou à la domestiquer, plutôt à se mesurer à elle.
Dans cette lutte à main nue, sans artifice rhétorique, se trouve la force d'une langue hors langage, ou d'un travail sur le mot qui n'est pas dans l'expression façonnée par l'auteur mais plus globalement sous la langue quand la langue devient un corps autonome : « Il faut vaincre le français sans le quitter,/ voilà 50 ans qu'il me tient dans sa langue,/ or j'ai une autre langue sous l'arbre,/ il faut/ le courant,/ le délabyrinthé,/ le discursif,/. » Trouver cette autre langue sous l'arbre pour comprendre comment son écriture nous permet de passer de la langue d'Artaud à Artaud et la langue, tel est le projet de ce petit essai.
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