"Pas de femmes parfaites, s’il vous plaît" est le mantra de la correspondance de Jane Austen
Jane Austen, la plume la plus cuisante du XIXe siècle anglais, déploie dans sa correspondance privée son incomparable prose et nous régale de l'élégante insolence de son ironie tranquille.
Ce petit livre distille, lettre après lettre, un concentré d'intelligence pratique, sociale et littéraire inégalée, dessinant un parcours précis d'émancipation et de conscience artistique.
"Pas de femmes parfaites, s’il vous plaît" est le mantra de la correspondance de Jane Austen
J'ai lu avec beaucoup de bonheur ce petit livre.
Sa jaquette se transforme en enveloppe et il est "prêt à expédier". Le graphisme est soigné et c'est une très jolie idée de cadeau à petit prix.
Chaque lettre est précédée d'une mise en contexte, et on suit un ordre chronologique.
On retrouve tout l'esprit de Jane Austen et ses thèmes de prédilection : mariage, écriture, argent.
Son écriture, l'acuité et l'humour avec lesquels elle décrit les personnes, les situations, la société sont les mêmes que dans ses romans.
Sauf que là il ne s'agit pas de fiction mais de sa propre vie.
Je trouve particulièrement émouvant de retrouver la voix très vivante de quelqu'un disparu il y a bien longtemps.
Les deux premières lettres parlent de sa relation très éphèmère avec Tom Lefroy. Jane étant partiquement sans dot, il épousera une femme de sa condition.
Ceci a peut être influé sur la vie de Jane Austen. Si elle s'était mariée alors (elle avait tout juste 20 ans), serait-elle devenue écrivaine?
Mais aurait-elle accepté ce mariage?
La condition de femme mariée paraissait incompatible avec une réussite littéraire, elle perçoit peut-être les perspectives que va lui offrir cette déception amoureuse.
Les courriers particulièrement intéressants sont ceux échangés avec sa nièce Anna. Celle-ci écrit un roman et vient chercher des conseils auprès de sa tante.
De fait, on a un aperçu de la méthode de création de Jane Austen, de la façon dont elle construit les personnages et les situations.
Et on y trouve aussi des conseils très personnels sur le mariage.
"Oh ! quelle perte une fois que tu seras mariée. Tu es bien trop aimable demoiselle, et une bien trop aimable nièce. Lorsque ta délicieuse tournure d'esprit sera affadie par les affections conjugales et maternelles,
je te détesterai."
L'écrivain s'affirme en même temps que la femme, ou bien l'inverse? Elle trace son chemin, oscillant entre doute et confiance en soi.
Et on ne peut s'empêcher de penser à Virginia Woolf et sa "Chambre à soi".
Il existe d'ailleurs un livre de cette collection "Tout ce que je vous dois" qui est la correspondance entre V.Woolf et ses amies.
On mesure certes le chemin parcouru mais aussi celui qui reste à parcourir. Tant de femmes n'ayant toujours pas leur "chambre à soi".
Quel plaisir quelques semaines après avoir lu une biographie de Jane Austen de se plonger dans une sélection de ses lettres !
Ce recueil est un véritable bijou pour tout passionné de correspondance, la sienne et celle des autres.
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