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2059, empire du Japon. Depuis ses 7 ans, Miya dissimule son visage sous un masque qu'elle pourra enlever à 17 ans. Si l'Empereur la juge belle, elle sera admise au palais pour poursuivre ses études, sinon elle sera expulsée de la capitale et vivra avec les reclus.
Or à la stupeur générale, la jeune fille refuse de se plier au rite. Pour le souverain, la sentence est irrévocable : elle fera partie des domestiques du palais, gardera son masque et devra servir la Cour toute sa vie.
Miya finit par se lier avec Wallace, un prisonnier américain. Bouleversée par cet étranger pour qui elle commence à éprouver des sentiments, elle est prête à tout pour le sauver et vivre son histoire d'amour. À ses risques et périls...
L’une de mes plus grandes frayeurs de lectrice ? Qu’un de mes (futurs) livres se perde dans les méandres de la Poste et ne rejoigne jamais mes étagères … A chaque fois que je passe une commande, c’est la même histoire : j’attends avec impatience le mail « votre commande a été expédiée », et ensuite je commence à guetter l’arrivée de la factrice avec une angoisse grandissante au fur et à mesure que la « date de livraison estimée » approche. Si par malheur mon précieux n’est toujours pas arrivé ce fameux jour, c’est le début de la fin : « c’est certain, il n’arrivera plus maintenant, ça sert à plus rien d’attendre, c’est fichu … ». L’inquiétude est plus grande encore lorsque je ne sais pas si le livre est effectivement en route ou non, dans le cas des concours ou partenariats tout particulièrement. Autant vous dire que ce livre m’a fait passer par le désespoir le plus profond – entre quiproquos sur mon adresse et erreurs de la Poste – et lorsqu’il est enfin arrivé dans ma boite aux lettres, je n’y croyais même pas : il était là ! Du coup, j’ai attendu les vacances pour le lire, pour vraiment profiter de ce petit miracle de papier …
Comme toutes les jeunes gens de son pays, Miya n’a pas vu son visage depuis l’âge de sept ans : grâce à ce masque qu’ils doivent tous porter jusqu’à leurs dix-sept ans, les jeunes japonais de ce monde post-apocalyptique vivent dans l’égalité la plus parfaite et dans le respect des règles inflexibles qui garantissent la paix et l’unité de leur société. Mais, alors qu’approche la Cérémonie des Visages, qui orientera son avenir – sera-t-elle Belle et admise à la Cour, ou Laide et envoyée à la Campagne ? –, le petit monde de Miya s’écroule progressivement : tandis que son fiancé ne la demande pas en mariage, couvrant de honte et de déshonneur sa famille, la jeune fille rencontre Wallace, prisonnier américain dont elle doit soigner les blessures afin d’honorer sa tâche de citoyenneté … A son contact, une brulante envie de liberté s’insinue insidieusement dans son âme et dans son cœur : toutes ces règles et interdictions qui rythment son quotidien sont-elles si bénéfiques et nécessaires que ce qu’on veut leur faire croire ?
Au premier abord, donc, une dystopie young-adult au schéma assez classique : une société à la législation implacable fermée sur elle-même, une héroïne disciplinée qui s’apprête à vivre une étape importante de son existence, jusqu’à ce qu’un événement – ou une rencontre – ne vienne chambouler ses croyances et ses aspirations, une révolte qui enfle et qui ne demande qu’à éclater …. Pas de doute possible, ce roman rentre parfaitement dans les codes du genre ! Mais il s’en démarque également, par l’originalité de l’idée-phare : celle des masques. Dans ce japon post-apocalyptique, afin de garantir leur égalité, tous les jeunes âgés de sept à dix-sept doivent dissimuler leur visage. J’ai trouvé ce concept très intéressant, d’autant plus que les réflexions de Miya ouvrent la porte à bien des questionnements : « Je crois que je ne sais pas qui je suis vraiment. Pas tant que je n’aurai pas vu mon vrai visage », nous dit-elle … Est-il possible de se connaitre, de se construire en tant qu’individu à part entière, en étant privé d’une partie de soi-même ? Si rien ne vous différencie de votre voisin ou de votre voisine, est-il possible de prendre conscience de son unicité ? L’égalité, est-ce vraiment l’uniformité ?
Mais, au fur et à mesure que nous découvrons ce monde, que nous apprenons les conséquences de la Cérémonie des visages, une nouvelle question apparait : à quoi bon cette égalité éphémère si, au final, c’est bien notre « beauté » ou notre « laideur » qui détermine notre avenir ? Mais plus encore : pourquoi s’appuyer sur ce seul critère physique et subjectif pour juger la valeur d’une personne ? Pourquoi faudrait-il une peau immaculée et des traits agréables à la vue pour faire de brillantes études et faire partie des privilégiés ? Ces questions, malheureusement, ne s’appliquent pas uniquement au Japon fictif de 2059, mais bien à notre société actuelle, où le culte de la beauté est fort présent, bien que l’on s’en défende à grands cris. Ainsi, on ne recrute pas seulement une hôtesse d’accueil sur ses compétences, mais bien sur son physique : les candidates jugées trop « laides » pour accueillir les clients sont reléguées au standard, où elles ne risquent pas de renvoyer une « mauvaise image » de l’entreprise … Comme toute dystopie qui se respecte, Mask ne se contente donc pas de raconter une histoire, mais nous invite à réfléchir sur notre propre monde en brisant les œillères qui nous aveuglent, plus ou moins consciemment …
Mais n’oublions pas l’essentiel : l’histoire de Miya, notre jeune héroïne et narratrice, qui voit approcher avec autant d’impatience que d’anxiété ce grand jour qui marque son entrée dans l’âge adulte. On s’attache très vite à cette adolescente à la fois docile et rebelle, pleine de rêves et de doutes. On a envie de la voir heureuse, même si on se doute que tout ne va pas se passer comme prévu et qu’elle va se retrouver embarquée dans quelque chose qui la dépasse … C’est un vrai plaisir que de l’accompagner au cours de ses trois-cent pages, riches en rebondissements : on ne sait jamais à quoi s’attendre, on n’arrive jamais à rien prévoir, on est balloté par les événements et on se laisse surprendre. C’est typiquement le genre de roman qui vous fait sursauter à intervalles réguliers : « quoi ?! mais c’est pas possible !? c’est pas vrai ?! quand même pas !? » … D’un bout à l’autre du récit, les coups de théâtre et autres retournements de situations viennent stupéfier le lecteur totalement captivé … Mention spéciale à la fin, incroyable, impensable, qui m’a laissée totalement abasourdie : comment l’autrice peut-elle songer à une suite après cela ? Je suis vraiment curieuse de savoir comment elle va se dépatouiller pour nous offrir un tome deux, et suis d’ailleurs fort impatiente de le lire, car beaucoup de mystères restent encore en suspens …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce fut une merveilleuse lecture : un page-turner bourré d’action, riche en rebondissements, mais qui nous offre également des passages plus calmes, pleins d’émotions, un rythme ni trop lent ni trop effréné, une plume saisissante qui happe le lecteur sans jamais le relâcher, une héroïne sensible et attachante qu’on a envie de protéger … Ce roman a tout pour lui, et je ne voyais plus le temps passer lorsque j’étais plongée dans ma lecture ! L’autrice nous offre une histoire aussi intéressante que captivante que je recommande bien volontiers aux amateurs du genre, ainsi qu’à ceux qui ne le sont pas encore … Un petit bémol toutefois : le triangle amoureux prend parfois un peu trop de place et relègue la dystopie au second plan, ce qui est drôlement dommage vu la richesse et le potentiel de la société mise en place par l’autrice ! J’espère que cela se calmera par la suite …
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2018/11/mask-carole-cerruti.html
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