"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Et vous, quel geste vous trahit ?
Il y a les gestes qui disent l'embarras, d'autres la satisfaction de soi, certains encore le simple plaisir d'exister, là maintenant, sur cette terre. Mais tous nous révèlent, dans nos gloires comme nos petitesses, nos amours comme nos détestations :
Le selfie, geste roi de nos vies modernes ;
Le « vapotage », qui relègue l'art de fumer à un plaisir furtif, presque honteux ;
Les hommes de pouvoir qui se grattent le dessous de leur chaussette ;
Cette façon qu'on a parfois de tourner le volant avec la paume de la main bien à plat ;
Un verre qu'on tient à la main sans le boire...
À lire Philippe Delerm, on se dit souvent : « Mais oui, bien sûr, c'est exactement cela ! » Mais lui seul aura su décrire ces gestes du quotidien avec tant de finesse et de vérité - tant de profonde analyse de la nature humaine.
Inventeur d'un genre dont il est l'unique représentant, l'« instantané littéraire », Philippe Delerm s'inscrit dans la lignée des grands auteurs classiques qui croquent le portrait de leurs contemporains, tels La Fontaine ou La Bruyère.
Ces petits moments du quotidien, ces gestes comme des prolongements de notre pensée, ces geste que notre corps exécute machinalement , passés au crible d'un regard étonné, ironique et tellement juste.
Ce livre est une invitation à l'analyse profonde et sans complaisance de notre langage non verbal.
Je me souviens la première fois que j’ai lu un livre de Philippe Delerm, c’était en 1997 avec la sortie de La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, j’avais tellement aimé ce livre que je l’avais lu plusieurs fois, je me souviens encore de sa couverture sobre proposé par les éditions L’arpenteur avec le nom de l’auteur écrit en rouge et la première lettre du titre également. À l’époque, je m’étais également procurer le coffret cassettes, ancêtre de l’audiobook popularisé aujourd’hui par de grand acteur du monde du livre. Tout ça pour vous dire que j’avais adoré ce premier essai d’un genre auquel on identifie aujourd’hui l’auteur. Ce don pour « littéraliser » ces petits moments de rien.
Depuis 1997, l’auteur à écrit plusieurs livres dans ce style, mais mon sentiment est qu’ils n’avaient jamais égalé « La première gorgée de bière ». Aujourd’hui avec « l’extase du selfie » j’ai l’impression de retrouver le Philippe Delerm d’une gorgée de bière.
J’ai particulièrement aimé « Passer la main sur un livre » « on vient de vous offrir un livre. Il recèle par essence une promesse de solitude, d’éloignement, de silence. Mais pour l’instant vous en parlez : oui j’avais envie de le lire, non je ne l’ai pas, j’avais bien aimé le précédent, un peu moins le succès d’il y a cinq ou six ans…. C’est curieux. Le babil autour de l’objet se poursuit, très consensuel et convenu, mais délicieusement le contact de la main vous emporte loin… Déjà c’est lui qui me possède »
Comme vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce livre qui se lit comme on déguste un bon repas, chaque mot est une bouchée que l’on savoure lentement pour ne pas en perdre l’essence.
Toute l’humanité tient dans un quotidien. Une plume exceptionnelle au service d’un regard auquel rien n’échappe
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Quel bonheur de retrouver la verve de Philippe DELERM, toujours au rendez-vous des petits riens qui deviennent absolument tout !
Découvert comme beaucoup avec « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » (1997, éditions Gallimar) grâce aux jolis conseils d’une amie chère, je suis directement tombée dans le flacon et belle en fut l’ivresse. Jamais dessoulé ensuite avec les suivants et particulièrement enivrée de « Ma grand-mère avait les mêmes : les dessous affriolants des petites phrases » (2008, éditions du Seuil) ou « Et vous avez eu beau temps » (2018, éditions du Seuil) pour ne citer qu’eux.
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Chaque mot s’affiche décortiqué, fouillé, ciselé, modelé dans ses profondeurs en quête du premier et du deuxième sens de chacun et de tous ensemble réunis dans ces expressions pourtant si convenues. En perpétuelle recherche du jeu que cache ces mots, entre tour de passe-passe et une partie de cache-cache, les mots de Monsieur DELERM viennent convoquer la perfection de ces petits moments qui ont pris, en un instant, la place des grands. Comme un œil qui se serait fermé puis rouvert sur une autre réalité du quotidien illuminée à travers le miroir des mots, mise en lumière, révélée dans chacun de ses contrastes tel l’objectif émotif qui donne vie au moindre mouvement capté par sa lentille.
Nous pensions vivre des moments uniques, ou plutôt ne pensions pas que les vivre tenait autant d’importance. Or l’intensité du rituel ou des habitudes réside sans doute dans cette répétition sans conscience. Assister à leur consécration en leur dédiant le poème de leur présence leur donne à nouveau toute leur dimension, les révèle à nous en les faisant émerger de notre intériorité. Et avec elle sa beauté : oui nous les connaissons bien et les avons en commun ces petites manies, ces expressions, ces réflexes de langage. Comme il devient doux et risible à la fois alors de se rendre compte que nous partageons autant de choses et autant de moments en regardant ailleurs et observant ceux des autres, au risque d’oublier un temps que la vie grandit dans les petits bonheurs du moment présent.
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A l’assaut donc de ses jumelles bien ajustées, l’auteur nous emmène cette fois-ci au pays du symbolique « selfie », avec un titre évocateur d’une pratique largement répandue, risible parfois, dénoncée par certains, et qui mettrait en extase ceux de ses pratiquants au culte narcissique parfois bien ancré.
Quand les pages se tournent, la scène de tous ces gestes du quotidien apparaît, celle qui dévoile beaucoup de nous, de nos émotions du moment sans pourtant n’avoir jamais établi un lien aussi évident entre eux précédemment. Toute la puissance des mots et de l’union de chacun avec l’autre nous embarque dans cette chaîne d’évidences qui n’avait certainement pas été à ce point analysée par ceux qui sont bien trop occupés à se regarder.
Quel talent aussi de réussir à associer tant de vérités et d’humour à la fois, car les mots ont ce pouvoir de dire, de dénoncer, et surtout d’en rire ! Oui, l’espièglerie de l’observation vient nous titiller, depuis cette manie de garder un verre à la main sans le boire en soirée pour se donner de la contenance, à celle de toucher le haut de sa chaussette avec son index en pleine discussion cravatée et redéfini par l’auteur comme le « prurit de l’autosatisfaction », en passant par celle de regarder l’autre sans vraiment s’engager cédant au simple plaisir de se miroiter dans les yeux d’en face. Que dire du pointeur du boulodrome ou de ceux qui se lancent dans un pliage de draps, de la nostalgie du coup de hanche au flipper ou la place actuelle du vapotage ? Tant de sujets qui nous rapprochent et nous relient, tantôt au passé, tantôt au présent, et surtout les uns aux autres.
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Aujourd’hui je referme ce livre le sourire aux lèvres et la certitude que je ne ferai ou n’observerai plus jamais ces gestes sans l’émotion et la pétillance du regard que chaque mot de Philippe DELERM a donné à ce champagne de la vie quotidienne. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Philippe Delerm, dans cet essai, fait des gestes les plus simples de notre vie, des gestes beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. Avec ses mots, avec sa richesse de mots, il nous les décrit dans les moindres détails avec en plus, la signification réelle de certains (là je pense à celui qui conduit la main à plat sur le volant). L’auteur a pris le temps de regarder, étudier, définir, expliquer nos gestes du quotidien, ceux que nous faisons sans même nous en rendre compte: comme mettre ses lunettes! Il nous dévoile ce que nous voulons montrer aux autres par ces gestes alors que nous les pensons banaux! Philippe Delerm, avec son regard et ses mots, fait resurgir des gestes oubliés comme la montre gousset, ou les gestes très actuels comme le selfie ou le vapotage. Avec poésie et philosophie, Philippe met le doigt sur ce qui nous caractérise, sur ce que nous laissons paraître aux yeux des autres avec nos gestes, les gestes que nous faisons tous les jours. L’auteur fait des constats, certains drôles comme Conduire un caddie. Certains nostalgiques comme Le porte-clés lanceur de crêpes. Certains enfantins comme D’une seule main la clémentine. « L’extase du selfie », ce sont des moments de nos vies et chacun s’y retrouvera et ferra peut-être même plus attention à certains gestes!!
L'extase du selfie est le dernier livre de Philippe Delerm, créateur et seul représentant de l'instantané littéraire.
Pas de doute, cette fois encore, l'auteur sait nous retranscrire les gestes du quotidien et les émotions qui souvent les accompagnent. Un bon moment de détente.
La rencontre avec l'auteur fut très agréable, je remercie Babelio pour toutes les initiatives innovantes de lectures et de discussions avec les lecteurs et les auteurs!
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