"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mais qu'est ce qui pourrait d'ailleurs les arrêter, nos rouscailleurs franchouillards favoris ?!? Certainement pas le dernier purificateur-ioniseur, l'indispensable estimeur de distance ou le non moins nécessaire gant de toilette auto-savonnant !
Robert Bidochon semble avoir pillé l'intégralité des catalogues pour hommes modernes, sillonné toutes les boutiques de gadgets attrape-gogos, racheté sur E-Bay les cadeaux pourris de tous les déçus de Noël. Il entraîne Raymonde, ses voisins et nous-mêmes dans ses expérimentations enthousiastes, autant d'aventures domestiques qui ne pourront finir qu'en fiascos retentissants. et parfaitement désopilants !
Bref, rassurez-vous : les Bidochon n'arrêtent peutêtre pas le progrès, mais ils n'en font pas non plus ! (de progrès)
Mettons d’emblée les choses au point : Voilà l’un des meilleurs romans de l’année. En s’intéressant à une septième fonction – secrète – du langage, Laurent Binet réussit une œuvre polyphonique qui ne peut que ravir les amateurs de littérature, ceux qui aiment la petite musique des mots et ne dédaignent pas à l’occasion, en apprendre un peu plus sur des domaines qu’ils n’ont pas explorés jusque là.
Comme l’épistémologie ou la sémiologie, termes restés pour moi assez abscons jusqu’à la lecture de ce roman qui tient à la fois de l’enquête policière, d’un traité sur les fonctions du langage, d’une photographie des années 80 au sein du milieu universitaire et intellectuel français, d’une analyse de la victoire de François Mitterrand face à Valery Giscard d’Estaing et d’un magistral plaidoyer pour la littérature !
Car il fallait une bonne dose d’audace pour mettre en scène des personnages qui, pour nombre d’entre eux, continuent leur bonhomme de chemin aujourd’hui, Philippe Sollers ou Bernard Henry-Levy, Laurent Fabius ou Jack Lang, pour n’en citer que quatre, et qui auront peut être différemment apprécié le traitement que leur fait subir Laurent Binet. Mais ce n’est que du roman… Quoique.
C’est ainsi que Wikipédia nous indique que l’auteur de Mythologies est «fauché par la camionnette d'une entreprise de blanchissage alors qu'il se rend au Collège de France, le 25 février 1980 et que Roland Barthes meurt des suites de cet accident le 26 mars suivant à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il est enterré auprès de sa mère, dans le cimetière d'Urt au Pays basque.» Au plus près de la réalité et de la biographie que lui a consacrée Marie Gil (et dont Laurent Binet a rendu compte avec enthousiasme dans les colonnes de Marianne en 2012), nous allons revivre tous ces épisodes, retrouver les témoins et tenter de comprendre l’enchaînement fatal.
Autre trouvaille géniale de l’auteur : le duo de choc qu’il constitue pour mener cette enquête. Jacques Bayard est un enquêteur des RG qui va bien vite être dépassé par les théories intellectuelles. Pour tenter de démêler cet inextricable écheveau, le commissaire va s’adjoindre les services d’un jeune universitaire, titulaire d’un DEA e lettres modernes sur le roman historique et qui prépare une thèse de linguistique sur les actes de langage. Simon Herzog, même s’il n’est pas a proprement parler sémiologue, va accepter d’aider Bayard qui vient d’acheter Le Barthes sans peine en librairie.
Ce dernier épisode donne du reste le ton jubilatoire de ce roman. C’est drôle de bout en bout. A partir du moment où Jacques et Simon comprennent à la fois l’importance du document qu’ils recherchent et qu’ils ne sont pas seuls sur cette piste, la quête va devenir de plus en plus ébouriffante. Des bancs de la Sorbonne à ceux de l’université de Bologne puis de Cornell, ils n’auront de cesse de mettre la main sur cette septième fonction, quitte à laisser quelques cadavres sur le côté, à goûter aux joies des backrooms, à succomber aux charmes d’une espionne russe et à éviter les parapluies bulgares… sans oublier les Dupont et Dupond asiatiques, les Brigades rouges et la belle Bianca.
« Quand on a goûté à la langue, on s’ennuie assez vite avec toute autre forme de langage : étudier la signalisation routière ou les codes militaires est à peu près aussi passionnant pour un linguiste que de jouer au tarot ou au rami pour un joueur d’échecs ou de poker. Comme pourrait dire Umberto Eco : pour communiquer, la langue, c’est parfait, on ne peut pas faire mieux. Et cependant, la langue ne dit pas tout. Le corps parle, les objets parlent, l’Histoire parle, les destins individuels ou collectifs parlent, la vie et la mort nous parlent sans arrêt de mille façons différentes ».
Et nous, on se régale, on s’amuse, on s’instruit de ces mille façons. «Sublime, forcément sublime» ! http://tinyurl.com/ptgjvf2
Dans ce tome 20, nos chers Bidochon s'intéressent au progrès en particulier Robert qui utilise bon nombre d'ustensiles tels que le ramolibeur, le cooler, le simulateur de présence, la pincitoasts, l'oreiller anti-rides, etc.
Vous ne connaissiez pas certains de ces ustensiles ? C'est que vous n'êtes pas un adepte des nouvelles technologies selon Robert ! Mais ces objets sensés nous faciliter le quotidien sont-ils indispensables ? C'est la question que se pose Raymonde qui doute de leur utilité et de leur efficacité, ce qui met en rogne son mari.
Cet album des Bidochon est une réussite comme la plupart des albums de la série. Il demeure selon moi un bon moyen de se remonter le moral, bref de passer un bon moment en leur compagnie durant les longues soirées d'hiver.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !