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Que sait-on de la naissance et des commencements de l'Union indochinoise ? Peu de choses en vérité. Pourtant la structure mise en place en 1887, dans l'urgence et non sans incohérences, tint un rôle majeur dans la pérennisation de la présence française en Indochine jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
À peine tempéré par les quelques pages que l'on trouve parfois dans certains ouvrages, ce désintérêt étonne d'autant plus que le poste de gouverneur général fut l'un des plus convoités de l'empire ultramarin.
Ajoutant à l'exotisme un prestige fondé sur la dévolution de compétences extraordinaires, il ne pouvait laisser indifférent administrateurs et politiques.
Représentant de la France, le chef de l'Union indochinoise était au contact de sociétés parmi les plus avancées et de monarques dont la légitimité était souvent plus ancienne que la République à laquelle ils se trouvaient assujettis. Chez les politiques, plusieurs virent dans un tel emploi le moyen de lancer ou relancer une carrière qui stagnait. Le détour asiatique leur permit d'obtenir ou de retrouver un portefeuille ministériel et aussi, fugitivement, d'accéder à la présidence du conseil, voire à la magistrature suprême.
Sans doute est-ce le poids écrasant de pareilles personnalités qui a détourné l'attention des tout premiers instants, de sorte que les débuts effectifs de l'Indochine française dateraient peut-être de Lanessan (1891-1894), sinon, selon l'opinion longtemps dominante, de Doumer (1896-1902). Avant eux, il n'y aurait rien, du moins rien qui fût digne d'une enquête retraçant les étapes d'un cheminement couronné de succès. Il est vrai que les années 1887-1889, à plus d'un titre décisives, furent marquées par l'incertitude et l'instabilité. Le contexte n'était propice ni en Extrême-Orient où la colonisation se heurtait à des adversaires déterminés, ni en France où la République « des républicains » commençait à charrier son lot de crises : le régime était déjà ébranlé par les affaires Wilson-Grévy et Boulanger ; les fils du scandale de Panama venaient de se nouer. Résultat tangible de cette agitation, les cabinets ministériels se succédaient à une cadence effrénée et la politique coloniale s'en ressentait. Sans doute la logique de concentration qui soudait de plus en plus étroitement radicaux et opportunistes eut-elle ici le mérite d'indiquer une ligne directrice finalement consensuelle : à gauche, les partisans de l'abandon du Tonkin reculaient.
Néanmoins, pour appartenir à la même majorité, les hommes qui assumaient le pouvoir étaient loin de se rejoindre sur l'organisation à promouvoir pour doter la France d'un instrument institutionnel durable. Si les différences les séparant étaient moins de nature que de degré, les projets qu'elles sous-tendaient semblaient évoluer entre deux pôles résolument antagoniques, l'administration directe ou le protectorat.
L'histoire de ces tâtonnements est instructive : elle jette un jour nouveau sur des notions qui ne sont pas aussi tranchées qu'on veut le croire, révélant par là que, dès lors qu'il s'agit d'imprimer sa domination, les nuances restent théoriques. Dans l'ordre des faits, les choix du colonisateur s'imposèrent toujours absolument, qu'ils fussent relayés par les « indigènes » ou les Européens. Il n'empêche que cette séquence initiale est celle durant laquelle non seulement les bases furent posées, mais aussi les remèdes identifiés, en attendant d'être réellement appliqués dans des circonstances plus heureuses, une décennie plus tard. Et sur ce point, il importait de mettre en lumière le rôle d'un haut fonctionnaire injustement tombé dans l'oubli, dont les idées annonçaient les réalisations de Doumer : Etienne Richaud. Il est vraiment le premier à avoir donné corps à l'empire indochinois rêvé par Paul Bert.
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