A l'inverse de l'autobiographie classique par laquelle un individu cherche à fixer l'image stable et signifiante de son moi, le Roman du Je - dans ses modalités extrêmes - débouche sur une forme d'expérimentation dangeuse où se défait toute certitude identitaire. C'est pourquoi, loin de constituer l'exercice narcissique et complaisant souveht dénoncé, le Roman du Je dissout toute forme assurée de conscience de soi en enseignant cette seule vérité à l'auteur : le Moi n'existe jamais que comme fiction.
Une certaine doxa critique oppose aujourd'hui littérature de témoignage et littérature de fiction. Mais le "vécu" ne se distingue nullement du "fictif" lorsqu'il s'énonce selon les mêmes règles. Il n'est que la forme complice de ce "virtuel" dont la prophétie postmoderne célèbre la vertigineuse hégémonie mentale. Car "vécu" et "virtuel" reposent sur la même conjuration de ce "réel" dont l'impossible seul appelle le sujet littéraire à une forme possible d'existence.
Philippe Forest
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