"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Max Schulz est un nazi convaincu.
Emballé par les discours de Hitler, il rejoint les S.S. et massacre les Juifs en masse, y compris son ami d'enfance Itzig. Mais Max Schulz tient à la vie. Après la guerre, recherché pour crimes contre l'humanité, il parvient à se faire passer pour juif. Et pour faire bonne mesure, il devient un militant sioniste convaincu...
A l’heure où la mort vient frapper à sa porte, il est temps pour Itzig Finkelstein de rendre des comptes, de raconter comment ce rescapé des camps de la mort, ce sioniste de la première heure, ce bon mari et père, ce coiffeur bien établi, ce héros de la guerre civile de 1947, de la guerre israëlo-arabe de 1948, bref comment ce bon juif, bien sous tous rapports est né Max Schulz, un aryen pur souche qui a usé du plus machiavélique des stratagèmes pour sauver sa peau de nazi.
Peut-on rire de tout ? Oui ! répond Edgar Hilsenrath.
Oui, on peut rire de la Shoah. Rire pour ne pas pleurer. Rire pour prouver qu’on a survécu, qu’on est toujours debout, qu’on est plus fort que la haine.
Alors pour raconter Hitler, le nazisme, les camps, pour évoquer la naissance d’Israël, les kibboutz, la cohabitation difficiles avec les voisins arabes, Hilsenrath a choisi le cynisme, l’humour noir, l’absurde, et un ‘’héros’’ débrouillard, tour à tour nazi et juif.
Max Schulz est un Allemand pure souche. Son foyer n’est pas des plus aimants, sa mère se prostitue, il voit défiler les beaux-pères. Pour fuir cette ambiance malsaine, il se réfugie chez son ami Itzig Finkelstein qui grandit dans une famille juive traditionnelle.
Entraîné par la folie du national-socialisme, Max commet le pire pendant la seconde guerre mondiale et, quand le vent tourne, il va se servir de cette amitié reniée depuis belle lurette. Max a suffisamment fréquenté la famille Finkelstein pour connaître les rites, la langue, les habitudes des juifs. Alors qu’Itzig était blond comme les blés, Max souffrait d’un physique sémite qui l’a longtemps desservi. Désormais, il va mettre en avant ses cheveux noirs et son nez crochu pour se faire passer pour juif, fuir l’Europe et trouver refuge en Palestine. Là-bas, il devient un fanatique sioniste et nul ne conteste sa judaïté.
C’est là tout l’art de l’auteur qui montre le grotesque des préjugés raciaux et se joue de la victimisation des juifs. Son esprit critique et son cynisme frappe les Allemands aussi bien que les sionistes, disséquant les mauvais penchants de chacun des deux camps.
Le nazi est le barbier est une œuvre riche et originale qui offre bien des perspectives de réflexion. Elle étonne, elle secoue, elle dérange, elle choque, elle fait rire jaune et, surtout, elle est une mine de renseignements sur la création de l’Etat d’Israël. En ces temps troublés, c’est une piqure de rappels des erreurs du passé et de décisions prises dans l’urgence dont les conséquences sont encore présentes aujourd’hui. A découvrir absolument.
Livre très dur et cru qui montre toute la montée du nazisme et la violence de cette période
Ce livre sort vraiment de l’ordinaire car traiter d’un sujet aussi grave et sérieux avec autant d’humour noir et de dérision est la chose la plus malaisée qui soit. Parce qu’il a été lui-même victime de la barbarie nazie, Edgar Hilsenrath sait de quoi il parle mais il le fait à sa façon, très personnelle, unique.
Il conte ici l’histoire de Max Schulz, fils illégitime mais aryen pure souche de Minna Schulz. Il grandit avec son voisin, Itzig Finkelstein, qui a le même âge, à Wieshalle où il y a 99 Juifs pour 33 099 habitants. L’épisode de la circoncision, au début du livre premier, est désopilant, donnant bien le ton. Max apprend le yiddish chez les Finkelstein et va à la synagogue : « Avec Itzig, on était cul et chemise. » Itzig est blond aux yeux bleus, nez droit… alors que Max à les cheveux noirs, des yeux de grenouille, un nez crochu, des lèvres charnues et des dents pourries…
Pourtant, après la visite d’Hitler à Wieshalle, Max va devenir un SS, l’auteur démontrant bien la montée du nazisme dans le peuple. Tout y est : les pogroms, la Nuit de cristal, les synagogues brûlées, les magasins pillés, l’invasion de la Pologne et la Shoah par balles décrite d’une tout autre façon que dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell avec le ton sarcastique inimitable d’Edgar Hilsenrath.
Ainsi, nous suivons le parcours très compliqué de Max qui tuait avec le sourire, un mégot au coin des lèvres : « J’étais de la SS, c’est-à-dire un de ceux qui faisaient le sale boulot pour les bricoleurs du Nouvel Ordre ». Toujours teinté d’humour noir, le récit nous emmène de la forêt polonaise au Berlin en ruines où Max prend sans vergogne l’identité d’Itzig Finkelstein !
Il réussit à gagner la Palestine sur un rafiot qui déjoue la surveillance britannique. Il se porte même volontaire pour soigner les enfants : « Moi, le meurtrier de masse, Max Schultz, je me suis rendu immédiatement à l’infirmerie… je me sentais comme un saint, un exterminateur rédimé, métamorphosé. »
Il n’oublie jamais tout ce qu’il a fait mais se retrouve, les armes à la main, à combattre aux côtés des sionistes, découvre les kibboutz, reprend son métier de coiffeur que lui avait appris le père d’Itzig dont il porte bien sûr toujours le nom, et se marie. Lucide jusqu’au bout, l’auteur lui fait dire : « Aucun châtiment n’apaisera mes victimes. » Puis, un peu plus loin : « Les génocidaires : la plupart courent toujours… La plupart sont retournés au pays »
Lire "Le Nazi et le Barbier" est une expérience marquante et il est heureux que cette œuvre ait été rééditée en France après avoir eu tant de peine à paraître en Allemagne.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2019/07/edgar-hilsenrath-le-nazi-et-le-barbier.html
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre et j'ai adoré. Le fait d'avoir le point de vu d'un nazi est dérangeant, mais à ne pas prendre au premier degré...
L'histoire est géniale.
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