Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
En Sibérie, au début des années 1960. Chien de garde d'une redoutable efficacité, Rouslan voit son monde s'écrouler un matin : le camp de prisonniers vient de fermer, son maître lui donne congé. Que faire quand on n'a connu que le travail ? Quand toute sa vie, on a répondu aux ordres ? Quand on ne sait rien faire d'autre que garder des prisonniers ? Si les autres chiens vont quémander de la nourriture et un abri chez les villageois, Rouslan, lui, ne se compromet pas. Hier encore, il sautait à la gorge du prisonnier fuyard, son flair lui faisait retrouver celui qui avait volé un quignon de pain, son endurance le faisait courir des heures derrière les colonnes de détenus.
Certes, Rouslan a parfois été choqué, comme ce jour où un des chiens, le plus sauvage, le meilleur, capable de tuer un prisonnier d'un seul coup, a été emmené par les maîtres dans la forêt et n'en est jamais revenu ; ou cette autre journée où les détenus ont refusé de sortir par -40° et où les gardiens les ont arrosés d'eau. Mais Rouslan le sait, c'est dans la force et dans l'ordre qu'on trouve la liberté.
Si en évoquant les camps de discipline et autres goulags, il y a bien un aspect auquel on ne pense pas forcément, c'est la présence d'une autre forme de gardiens, ces chiens qui accompagnaient leurs maîtres dans leurs tâches journalières : sélectionnés et élevés dans le but de suppléer leur maître respectif dans le gardiennage des prisonniers. Car si l'homme possède tout un éventail de moyens de dissuasion pour garder son prisonnier sous son joug, le chien possède ses propres qualités qui complètent bien ce tableau de bourreaux, À savoir un sens de la fidélité exceptionnel envers la personne qui lui sert de maître et un odorat développé, très utile lorsqu'il s'agit de débusquer les fuyards. Si l'on en croit l'article du Point de janvier 2013 qui fait état de différents témoignages, l'un d'eux de Sofia dénonce la cruauté de ces gardiens : "Ils nous repoussaient avec les chiens et les crosses de fusil lorsqu'on s'approchait de leur feu", ajoute Sofia. Les chiens ont été là, aux côtés des hommes, menaçants et agressifs et maltraitants, et prendre l'histoire sous le point de l'un de ces animaux, permet un autre point de vue sur les camps, le traitement des prisonniers.
S'il y a bien une chose qui caractérise Rouslan, c'est sa loyauté, inébranlable, à un maître qu'il vénère. À un point tel que non seulement, il ne met jamais aucune de ses décisions et ordre en question, mais il les devine, il les devance, il en est l'applicateur, la main agissante, zélée et sans faille : il ne fait pas bon de tomber dans les crocs du chien, qui n'éprouve aucune pitié. Au contraire, sa haine du zek et du prisonnier, il vit avec elle chaque jour, nourrie par celle de son maître, que l'on devine aussi impitoyable que sa bête, et empreint même d'un plaisir pervers à diriger, dominer et blesser. Par son insertion dans l'esprit du chien, doté d'une conscience à lui, Gueorgui Vladimov montre à quel point ces prisonniers étaient une catégorie de sous-hommes, sur lesquels même un animal avait le dessus. Une plongée encore une fois dans ces camps de Sibérie, une réflexion sous-jacente sur la sujetion du chien, à mi-chemin entre le prisonnier maltraité et le gardien maltraitant.
Une dépendance affective à leur maître, pas loin d'être ce syndrome du Stockholm qui fait que les prisonniers s'attachent à leur geôlier, que même ces geôliers s'attachent à une autorité abusive : chacun est frappé d'une sorte d’aliénation qui les empêche de s'échapper et de revenir à leur vie et ce n'est pas le Râpé, ancien prisonnier, qui rate consciencieusement deux de ses trains pour rentrer chez lui, qui va démontrer le contraire. Lorsque la prison n'a plus de barbelés pour la matérialiser physiquement, et a même été détruite, elle peut continuer psychologiquement à enclaver les esprits, annihiler les volontés, effacer les personnalités. Et la liberté devient indésirable, source de craintes, où les individus ne sont plus nommés, mais réduits à des surnoms de Maître, l'instructeur, le Râpé. Une liberté que l'auteur a chèrement gagnée au prix de son exil.
Si la fidélité peut apparaître comme une qualité chez le chien quant à sa relation avec l'homme, l'auteur démonte le processus d’aliénation de Rouslan, depuis les derniers jours du camp jusqu'au sein de sa mère, le moment où il a été sélectionné, par son caractère rétif par rapport à ses sœurs et frères, par l'instructeur qui aura la charge de le dresser et conditionner. S'il y a bien une chose à retenir, c'est de voir à quel point, hommes comme animaux sont formatés. Un lavage de cerveau qui les maintient dans un état de soumission devenu naturel. Ce n'est pas tant à l'homme, son maître, le gardien, que la fidélité du chien va, une fois la trahison digérée, c'est une allégeance à ce qui est appelé le Service, le système idéologique qui maintient l'oppression stalinienne, auquel personne n'ose se rebeller ou a minima remettre en question, chacun des dominants - gardien, surveillant - se contente de jouir de la petite forme de pouvoir, aussi infime soit elle, qui leur ai confié. Comment ne pas voir dans ce roman, de la part d'un écrivain qui s'est ouvertement érigé contre toute forme de censure, une manière de la détourner et de la désamorcer en employant le point de vue d'un canidé.
Les vies de Rouslan et du Râpé, chacun se croyant le maître de l'autre, se rejoignent tragiquement dans l'impossibilité de sortir de leur rôle, des environnements du camp, la volonté propre de l'un et de l'autre ayant été mises à mal par leur vie au camp. Et un constat, de la part du canidé, assez sombre et triste, quoique réaliste, sur la réalité de relations et de la nature humaine qui se révèle à la lumière, et surtout à l'ombre, du camps de travail et de ses structures de domination et d'emprise sur déportés et autre personnel plus faible que soi, de contrôle et de perversion, quelquefois, certains finissent par en jouir de la souffrance. (...)
C’est à travers Rouslan, chien de gardiens de goulags, que Vladimov va raconter leur fermeture et la déstalinisation en marche !
L’idée est très bonne car malgré toute la délicatesse mise dans la narration du point de vue de Rouslan, celle-ci est glaçante et rend compte de ce qui se passait dans ces camps !
L’auteur n’a pas tenté de faire un humain du chien et ses pensées pourraient réellement être celles d’un être dressé, aimant et fidèle ! La torture a aussi fait partie de sa jeune vie afin qu’il soit tel qu’utile dans son “travail” pour le Service !
Rouslan est l’image du soviétique formaté, cadré, sans état d’âme ni pitié pour les internés ! Tout en étant une critique et une condamnation du régime, ce roman est poignant car la machine a été aussi destructrice avec les animaux utilisés à son strict déroulement et le fait qu’ils soient “jetables” une fois cette utilité disparue !
La signification des propos étaient très clairs et ce livre a été interdit à la publication en URSS. Représentant d’Amnesty International, dissident, l’auteur dut émigrer en Allemagne de l’ouest quelques années plus tard.
#LeFidèleRouslan #NetGalleyFrance
La mort de Staline a entraîné des changements en Russie et notamment, à partir de 1953, la libération des goulags. De nombreux geôliers se retrouvent donc sans emploi, mais aussi les chiens de garde qui les accompagnaient. C’est à l’histoire de l’un de ces chiens, Rouslan, que Gueorgui Vladimov va s’attacher.
Une fois de plus, la collection Vintage des Editions Belfond permet de redécouvrir un incontournable de la littérature. Ce livre, écrit par un auteur dissident russe, n’a été publié dans son pays d’origine qu’en 1989 alors qu’il a été écrit en 1960 et publié en France en 1978. On ne peut qu’une nouvelle fois saluer le travail de réédition et la mise en lumière d’une œuvre qui mérite amplement sa place parmi les classiques de la littérature.
Cette histoire russe à hauteur de chien est absolument passionnante. Rouslan est un chien qui a été spécialement dressé pour servir de gardien et pour qui le monde se divise en maîtres et en prisonniers. Quand il se retrouve hors du camp, totalement livré à lui-même et désœuvré, il tente par tous les moyens de revenir à cette configuration en s’attachant aux pas d’un homme dont il se considère être le gardien.
Tout au long du récit, Gueorgui Vladimov revient sur les années staliniennes, sur les conditions de détention dans les goulags, sur la vie en Russie durant cette période à travers les yeux de Rouslan et son analyse canine des événements.
Rouslan a toujours été un chien dévoué, faisant parfaitement son travail. Il n’a évidemment pas de notion de bien et de mal, il ne porte pas de jugements sur ce qui a été fait dans les camps. Il se contente de faire le travail pour lequel il a été programmé et se retrouve terriblement démuni lorsque son monde s’effondre.
Gueorgui Vladimov pose ici un point de vue original, à la fois empreint de naïveté, car le monde des humains reste parfois très hermétique à Rouslan, et d’une grande justesse sur ce qu’ont vécu à la fois les prisonniers et les geôliers et sur l’époque qui a permis la mise en place d’un état totalitaire et l’emprisonnement de milliers de personnes pour des raisons parfois bien obscures.
Un livre, et un auteur, à vite mettre dans nos bibliothèques !
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