"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Balzac La Recherche de l'Absolu « Assez, Balthazar ; tu m'épouvantes, tu commets des sacrilèges. Quoi ! mon amour serait.
- De la matière éthérée qui se dégage, dit Claës, et qui sans doute est le mot de l'Absolu. Songe donc que si moi, moi le premier ! si je trouve, si je trouve, si je trouve ! » En disant ces mots sur trois tons différents, son visage monta par degrés à l'expression de l'inspiré. « Je fais les métaux, je fais les diamants, je répète la nature, s'écria-t-il.
- En seras-tu plus heureux ? cria-t-elle avec désespoir. Maudite Science, maudit démon ! tu oublies, Claës, que tu commets le péché d'orgueil dont fut coupable Satan. Tu entreprends sur Dieu. » Scène de la vie privée lorsqu'il paraît en 1834, Etude philosophique quand Balzac le republie en 1846, le livre superpose les deux dimensions car cette histoire d'une famille où le génie dévore tout jusqu'à la folie, où la passion provoque les plus grands malheurs domestiques, est aussi le roman de l'aventure scientifique et de la rêverie métaphysique d'un Grand Tout. Parce que l'Absolu, pour Claës, est la « substance commune à toutes les créations », il n'est pas l'alchimiste qu'a voulu voir Sainte-Beuve, mais ce savant solitaire qui, de l'alchimie, précisément, à la chimie, entend bien opérer le passage des temps anciens aux temps nouveaux - et la science moderne devient balzacienne.
Edition présentée et annotée par Eric Bordas.
La recherche de l'Absolu nous dévoile l'histoire de la famille Claes, riches bourgeois des Flandres, originaires de Douai. Le père, Balthazar, s'est pris de passion pour la science et notamment l'alchimie, pour laquelle il est prêt à sacrifier sa fortune, sa réputation et sa famille. Sa femme puis sa fille aînée vont tenter de l'en empêcher.
Contrairement à ce que j'ai souvent aimé chez Balzac, j'ai trouvé les personnages peu fouillés, assez manichéens, chacun étant obsédé d'une monomanie dévorante: Balthazar est omnubilé par sa science, n'accordant un regard honteux et auto-appitoyé sur sa famille que lors de quelques hoquets de clairevoyance vite oubliés; Pépita, sa femme, n'est que vertu et dévotion envers son époux à qui elle sacrifie tout et Marguerite, la fille,oscille entre l'adoration paternelle et la volonté de maintenir le niveau de vie bourgeois de la famille.
La première partie du roman, très descriptive, est délicieuse: on entre comme dans un tableau dans la maison des Claes. Chaque pièce est soigneusement décrite, alourdie pour notre ravissement de l'histoire de chaque objet. Cette installation lourde et longue mais raffinée illustre à merveille le style d'une vaste maison bourgeoise flamande: surchargée de bon goût, beurrée à souhait, grasse et sucrée.Un conservateur du musée de la Flandre n'aurait pû rêver mieux!(et personnellement j'ai adoré cette partie comme un après-midi pluvieux devant un poêle à bois avec une tasse de chocolat bien crémeux).
La suite en revanche m'a un peu déçue: si j'attendais une montée crescendo de l'intrigue après la mise en place du décor, la chronique d'une ruine annoncée, une plongée dans l'ésotérisme..j'ai dû revoir mes attentes à la baisse. Peu de cornues et d'alambics, pas d'apparitions diaboliques, un monde où les riches ruinés restent riches, où on se marie pour refaire fortune, où chaque revers est épongé discrètement en préservant les apparences, où l'on se serre la ceinture.mais une ceinture de brocart: en somme,la banalité du mal. Balzac nous décrit un monde bourgeois qui réussit à noyer dans la crème fouettée un sujet aussi dépotant que l'Alchimie, une oeuvre plus proche du naturalisme que du symbolisme.
A lire donc comme une gourmandise stylistique, pas vraiment pour son scénario captivant.
Un ton juste et un Balzac qui se lit très facilement
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