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Ma France, je l'aime ou plus précisément je l'aimais. Je me nourrissais de ses plaines fertiles, de ses rivières généreuses, de ses villages où les gosiers assoiffés animaient les places et leurs terrasses. J'étais gourmand de ma patrie comme d'un corsage tendu de tendresses à libérer. Je m'éclatais sur les bals du samedi soir, dévorais l'asphalte dans les nouvelles petites voitures, goûtais aux plaisirs des premiers repas au restaurant, appréciais les caresses d'un verre de bordeaux sur mes papilles en apprentissage. Saperlipopette que la vie était belle et que l'avenir donnait envie d'en connaître davantage, de courir encore plus vite, plus loin, plus haut. C'était un tourbillon qui m'emportait vers des possibles à portée de main et tout paraissait possible : trouver un job, il suffisait de le vouloir ; croquer une omelette, le premier village vous la dorait dans son bistrot, arriver à l'heure au cinéma, une légère pression sur l'accélérateur ; arroser la fête d'un ami, le comptoir du père Armand vous accueillait et il fallait parfois fermer un oeil pour ne voir qu'une seule ligne blanche. Mais alors que s'est-il donc passé ? D'où vient cette nostalgie ? Ce fut comme un blanc petit nuage d'été dans un grand ciel bleu, personne ne le voit, personne ne le craint. Et d'heure en heure il s'arrondit et gonfle sa poitrine pour occuper l'espace et cacher la joie du soleil. De même, au fil des ans, des restrictions bénignes ont pointé leur minois sans soucier le rire du gai luron, sans le questionner. Enhardies par cette nonchalance, elles se sont confortablement installées, se sont ajoutées pour envisager d'autres entraves et des sanctions moins laxistes. Et le joyeux drille s'est retrouvé comme menotté, surpris dans le confort de son insouciance. Ventre-saint-gris, la France est triste, la France se terre, la France agonise. La France se calfeutre devant son écran plat, se dissimule derrière son portable dernier cri. Plus un restaurant où les convives chantent à plein gosier en bousculant les assiettes, plus un bistrot où les blagues, le sourire et la tournée du tenancier vous accueillent ; plus une kermesse où les anciens de la contrée essaient de faire voler les jupons des rosières engoncées. Il faut arriver un soir d'hiver dans un refuge perdu pour retrouver quelques fêtards qui, grisés par l'altitude, essaient de galvaniser l'atmosphère. Bientôt, le rire n'apparaîtra plus que dans les films du cinéma de minuit, en noir et blanc, avec cigarettes effacées et verres de thé vert.
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Dernière réaction par Yannis Fardeau il y a 20 heures
Dernière réaction par Jean-Thomas ARA il y a 4 jours
Dernière réaction par RC de la Cluzze il y a 9 jours
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