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Etrange et inquiétante étymologie que celle du vocable pharmacie, du grec pharmakon, poison et remède. Jamais aucun texte n'aura autant porté témoignage de cette duplicité originelle, de cette noire frontière entre vie et mort, que cette Pharmacopée universelle de Nicolas Lémery, de l'Académie Royale des Sciences, docteur en médecine, chimiste et grand apothicaire des temps de Louis XIV... et de Molière. La méticuleuse litanie de remèdes égrenée par Argan, dès les premières lignes du Malade imaginaire, n'est pas tirée des vapeurs de la bile qui troublent son hypocondriaque cerveau ou de la fantaisie moliéresque mais d'un recueil très savant, très autorisé et très estimé en son temps, celui-là même dont Pierre Bénard livre ici une étonnante et désopilante anthologie, publié en 1697, soit plus d'une vingtaine d'années... après le texte de Molière : paradoxe tout borgésien où l'on voit que c'est le savant qui imite l'artiste. Mais qu'importe ! il suffit de se plonger dans le manuel de Lémery pour se convaincre encore une fois de l'improbable frontière qui distingue la science de l'art. On y entend à chaque page bouillonner le chaudron des " fatales soeurs " de Macbeth. En même temps, on croit être admis dans la société des Purgon, des Fleurant, et autres Diafoirus. Voici des remèdes (?) où entrent l'urine de vache, la crotte de chien, le sang de bouc, la chouette en poudre et le pétale de rose... Surréaliste et délirant catalogue qui va régner sur la médecine jusqu'à l'orée du très savant et très austère XIXe siècle. On rira sans doute moins, mais on vivra plus longtemps.
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