"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lisez les nouvelles de ce recueil, sans doute le plus remarquable de tous ceux qu'a déjà signés Michel Lambert.
Son thème majeur, la solitude, y est traité avec une maîtrise jamais égalée auparavant. De quoi est-il question ? De coeurs brisés, de deuils, de trahisons, d'échecs cuisants ou de secrets de famille... Choses déjà racontées mille fois, dira-t-on. La force mystérieuse et invincible qui monte de ces nouvelles vient d'ailleurs. Elle s'explique par l'art infiniment subtil du dévoilement et du retardement auquel l'auteur a recours pour traduire l'ineffable de la solitude, un drame dont on ne se débarrasse pas en se confiant simplement à une âme compatissante. La solitude épouse, ici, la consistance fuyante des nuages : peuplée d'ombres dont la nature et la forme fantastiques explosent tout à coup pour introduire un autre sentiment connexe au mal être : la terreur. Qu'on ne s'y trompe pas. Le registre de Michel Lambert demeure celui du réalisme, servi par une minutie d'observation et un rare instinct de la montée en crise et des variations psychologiques les plus infimes, quasi météorologiques. Qui mieux que Michel Lambert parvient à ancrer dans le quotidien le plus banal, l'irruption de la fatalité la plus singulière, exprimé par un style soudain magique ? Écoutez les conversations qu'il nous rapporte. Des conversations de tous les jours, qui se poursuivent entre des regards et des gestes, eux aussi, familiers à notre mémoire. Sauf qu'il s'y cache cette troisième présence, brouillant la ligne, celle du double et du doute : quand le personnage se regarde trente ans en arrière et renie tout bas l'être qu'il a été. Aucun secret ne nous est révélé en ligne droite. La solitude s'appuie, ici, sur un réseau de relations complexes, mise en scène d'une manière qui, toujours, obéit au sens de la désorientation et pour cause... La qualité quasi photogénique rendue à l'énigme des personnages frappe peu à peu le regard. Quand leurs silhouettes d'êtres égarés, seuls sur Terre, se détachent tels des fantômes en avance sur leur propre mort. Entraînés par le flux continuel qui animent les grandes villes, ils lèvent aussi les yeux vers le ciel et c'est alors qu'apparait toute la dimension de l'oeuvre lambertienne : quand ce moment d'éternité se fixe, comme en surimpression, divin et consolateur, au-dessus de la solitude si misérable à l'échelle humaine.
Dans ce recueil qui rassemble huit nouvelles à l’écriture effilée et limpide, Michel Lambert nous démontre une fois de plus qu’il est maitre dans l’art de la concision et du sous-entendu.
Les personnages de ces histoires ont en commun cette solitude teintée de mélancolie, voire d’angoisse
« - Oui, j’étais seul. Et c’était terrible de le penser, à présent. De se dire : j’étais seul. Un pauvre type tout seul »
Tous ces personnages font, à un moment donné, une rencontre. Rencontre fortuite comme dans « La nuit de Prague « où Samy retrouve Félix, ami de jeunesse et de bamboche. Ils égrènent leurs souvenirs avec leurs lots de mensonges et de malentendus, ou encore, dans « sur le Malecón » cette femme croisée par hasard, une femme surgie du passé et avec laquelle les retrouvailles seront à peine ébauchées.
Un homme qui a décidé de ne plus parler, croise dans sa nuit d’errance un chauffeur de taxi et une prostituée aussi mutiques que lui en qui il se reconnait
« Ils étaient tous les trois de la même race, de celle qui un jour s’est tue »
Le point commun de ces histoires, c’est le passé qui s’invite à un moment dans la vie de ces personnages un peu à la dérive, et fait surgir la nostalgie, ravive les regrets.
J’ai eu un coup de cœur pour « la maison du dentiste », histoire dans laquelle le narrateur, revenu sur les lieux de son enfance, se questionne sur les Gontcharov, ses anciens voisins que tous ignoraient.
« Pour la première fois je me demande ce qu’il peut bien y avoir derrière cette porte percée d’un judas. Je n’en ai pas la moindre idée, ne l’ayant jamais franchie, ignorant jusqu’à ce jour l’existence du judas »
Outre la solitude d’une ampleur insondable, il y a la peur, pas toujours explicite mais bien présente, la peur
Des chiens et des tueurs dans » La nuit de Prague » ou peur de la rupture ou la peur de décevoir.
A travers les dialogues, les mimiques et la gestuelle, Michel Lambert nous dévoile la face obscure de ces hommes (car oui, ce sont tous des hommes) sans jamais s’appesantir. Et le lecteur ressent toute cette ambigüité et ce mal de vivre qui marque ces personnages rattrapés par le passé.
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