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«Cette entreprise de pompes funèbres a accompagné la moitié des obsèques auxquelles j'ai assisté. Je les regardais sans les voir. D'eux, je tenais surtout à ne rien savoir. Jusqu'à ce treizième cercueil en commun. Par provocation, par défi, pour me rassurer, j'ai voulu passer de leur côté. M'entendre dire ce que leur répètent les familles endeuillées : "Je ne sais pas comment vous faites, moi je ne pourrais pas..." Du printemps à l'hiver, des funérariums aux crématoriums, des morgues aux cimetières, ces hommes et ces femmes m'ont appris leur métier, ouvert les yeux sur l'entre-deux, ce monde auquel eux seuls sont confrontés. Et ceux que vous n'avez jamais voulu voir, comme moi, demain, vous les regarderez.» Demain dès l'aube nous emmène à la rencontre de ces personnes investies d'une mission aussi singulière qu'indispensable. Poignant, sensible et teinté d'humour, ce récit est un hommage à une profession redoutée pour ce qu'elle représente autant qu'une réflexion unique sur notre rapport à la mort.
Caroline de Bodinat a été plusieurs fois accompagnée par les Pompes Funèbres Caton, entreprise familiale à taille humaine, loin de « majors » que l'on a l'habitude voir œuvrer. Désireuse de se plonger dans cet univers, elle décide d'y faire un stage. Pendant des mois, elle découvre, travaille, apprend, aux côtés de femmes et d'hommes dévoués à leur métier. Des êtres humains à la profession opaque et dénigrée, des « croque-morts » qu'on hésite à inviter, des professionnels profondément humains et perfectionnistes, dévoués à une tâche essentielle mais que l'on juge encore ingrate. Des passeurs.
L'autrice rend compte chronologiquement de son immersion dans ce milieu. Un biome bien à part, avec ses indispensables qualités, ses horaires de fous, ses imprécisions interdites. Les débuts sont complexes, il est difficile de trouver le bon ton, la bonne note, comme si se caler sur cette partition nécessitait des années d'un solfège spécifique.
Le récit vogue entre rire et larme, entre légèreté bienvenue et aspects sombres du métier. Ainsi, l'autrice dresse un inventaire exhaustif de tout ce que peut contenir la fonction des Pompes Funèbres. Aller chercher un corps peu importe l'état et peu importe l'heure du jour ou de la nuit. Utiliser le four au crématorium. Mettre en beauté une femme encore vivante il y a quelques heures. Exhumer. Créer le capitonnage d'un cercueil. Nettoyer le marbre. Faire au mieux, exiger le sans-faute. Un métier sous pression, donc, dans lequel des êtres mettent de côté leur propre histoire afin de gérer avec empathie celle des autres.
Pourtant, c'est avec une réelle délicatesse qu'ils accueillent tous l'autrice. Tout en lui demandant le même sérieux qu'à un véritable professionnel, ils l'accompagnent en étant soucieux de son bien-être.
Au fur et à mesure du récit, l'autrice évoque ses fantômes. Cette partie plus intime à mes yeux n'apporte rien au récit, bien au contraire. Ses doutes, ses questionnements m'ont plusieurs fois sorti de ma lecture. J'ai eu parfois la sensation que son immersion était une excuse à l'exorcisation de ses propres démons depuis des décès dans sa famille. Dommage.
Bilan :
Un récit de qualité et d'une grande sensibilité qui met en lumière des professionnels brillants d'humanité, qui ouvre la porte d'un métier méconnu, qui permet de se rendre compte que ces accompagnants sont aussi présents pour les vivants que les morts.
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