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Dans ce Village un peu perdu, en 1901, Laurent Cappe qui est aussi metteur en scène et acteur de théâtre, m’a fait vivre une histoire d’une intensité dramatique phénoménale.
Bleu, c’est la couleur de la peau de cette famille Carson qui vit à l’écart du Village et souffre du mépris, de la peur des autres habitants, peur menant à la haine. Jean et Marie ont un fils, Charles qui est moins bleu qu’eux sauf quand il est contrarié ou sur le coup d’une émotion.
Dès les premières pages, je suis surpris par le mode de narration utilisé par Laurent Cappe. D’emblée, il annonce une fin dramatique qui va me tracasser durant une bonne partie de ma lecture. Cette lecture, justement, devient de plus en plus addictive pour cette histoire faite de coups durs, de moments de bonheur puis de terribles événements.
Dans ce Village, il y a le Manoir, tenu par quelques religieuses qui hébergent des orphelines. La plus sympa des nonnes, Sœur Marthe, s’occupe particulièrement de Frida qui rencontre Charles pour la première fois lors de la veillée funèbre de Marie, sa mère, retrouvée noyée.
Le responsable d’un cirque était même passé chez les Carson pour tenter de les embaucher comme attraction dans son musée des horreurs, ce qui ne manque pas de me rappeler La vie qu’on m’a choisie d’Ellen Marie Wiseman.
Charles et Frida se plaisent, se retrouvent fréquemment, grandissent et leur amitié se transforme en amour. Hélas, dans ce Village, il y a les jumeaux Maurice et Louis Duriez, fils de César, propriétaire d’une brasserie prospère. Aigri, dur avec ses gosses, cet homme n’a pas digéré le départ de sa femme avec un inconnu.
Maurice, follement amoureux de Frida, est très jaloux de Charles qui subit les moqueries, les sarcasmes. Rose et Guillaume Louchez qui tiennent le cabaret du Village, adoptent Frida qui livre, de temps à autre, quelques pages de son journal. Parfois, c’est un témoin des événements qui s’exprime et le texte est alors en italiques.
Ainsi, Laurent Cappe ne construit pas son roman de manière linéaire, changeant aussi de narrateur, ce qui donne un intérêt supplémentaire à ce livre inspiré de l’histoire bien réelle d’une famille du Kentucky atteinte de cette maladie génétique : la maladie de la peau bleue.
Rien n’est épargné à Frida ni à Charles. Leur amour s’affichant au grand jour, les ragots enflent, le cabaret des Louchez se vide de ses clients et les frères Duriez vont de plus en plus loin, jusqu’au plus odieux.
Tout au long de ma lecture, happé par la tension dramatique des événements, j’ai beaucoup apprécié Bleu, leçon ô combien instructive sur ce dont est capable notre espèce dite humaine.
Ah ! Il ne faut pas que j’oublie de préciser pourquoi, en couverture du livre, figure un bâtiment dont l’enseigne est : Au Cornet d’Or. En effet, pour mieux se venger de Frida et de ses parents adoptifs, Louis et Maurice, surtout Louis, ont réussi à convaincre leur père d’investir pour créer une auberge moderne à côté de la brasserie. Ce sera un des lieux importants du roman mais je n’en dis pas plus.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Si Bleu est le premier roman de Laurent Cappe, il n’en est pas moins un roman réussi, d’une grande intensité dramatique.
L’histoire se déroule fin du 19ème, début du 20ème, dans un petit bourg auquel l’auteur donne le nom de Village. C’est un peu à l’écart que vit la famille Carson qui ne descend au Village qu’à l’occasion des marchés pour acheter le nécessaire, personne ne leur adressant trop la parole sauf quand ils ont besoin de leur acheter des tonneaux, des barriques ou de petits meubles pratiques et solides de leur fabrication. En effet, une malédiction les poursuit de génération en génération: ils sont bleus, ils ont la peau bleue et du coup sont maudits et voués aux moqueries et aux brimades, personne à l’époque ne connaissant cette maladie.
Au Village sur le côté droit de la place est bâti Le Manoir, ce pensionnat pour jeunes orphelines du canton tenu par les sœurs de la Charité et où a été accueillie Frida, lors du décès de ses parents.
L’enfant, devenue adolescente est particulièrement belle et ne passe pas inaperçue lors des quelques sorties organisées par les nonnes, notamment par Maurice Duriez, l’un des jumeaux du puissant propriétaire de la brasserie locale et également maire du Village. Et voilà que Rose et Guillaume Louchez qui tiennent le seul cabaret du Village et qui n’ont jamais pu avoir d’enfant décident d’adopter Frida. La jeune fille va alors pour la première fois depuis la disparition de ses parents se sentir entourée de tendresse et d’amour. Mais il y a un autre amour qui s’est épanoui. Le fils Carson, Charles, ce jeune homme à la peau bleue et Frida sont éperdument amoureux.
Le moins que l’on puisse en dire est que cette liaison va bouleverser totalement la vie du Village !
Si je n’ai pas été complètement emportée par les premières pages, mon intérêt pour cette histoire est allée crescendo jusqu’à un enchantement total.
J’ai trouvé que Laurent Cappe avait fait une approche psychologique des personnages très pointue, que le langage utilisé dans les dialogues entre Maurice et Louis était particulièrement adapté à la personnalité de chacun des frères Duriez.
C’est un roman très dur par les sujets abordés, avec en point d’orgue un amour passionnel. L’exclusion de la société pour la seule raison d’être différent des autres, en est le principal. Se pose la question de savoir pourquoi l’homme, même s’il n’a pas toutes les explications en main, comme ici cette couleur bleue due à un problème sanguin non encore élucidé, pourquoi cède-t-il à la peur et est prêt à faire souffrir celui qui est différent ?
La peur de l’inconnu, l’hostilité vis-à-vis de l’étranger, qu’est la xénophobie ou encore le racisme ont les mêmes conséquences. En s’inspirant très librement d’un fait réel, d’une famille du Kentuky atteinte par cette mauvaise oxygénation du sang, l’auteur a trouvé un biais très original pour raconter la mise au ban de la société et la violence pouvant découler de la simple différence. Il a su mettre en évidence avec des mots toujours très justes, l’ambition, la convoitise, comment ceux que l’on nomme les braves gens suivent le mouvement sans se poser de question mais aussi les sentiments de culpabilité ressentis par certains protagonistes.
De même, il nous amène à faire notre propre introspection, à regarder à l'intérieur de nous-même et à nous interroger sur ce qu'aurait pu être notre vie, si, à tel moment, nous n'avions pas choisi cette voie mais plutôt une autre.
Au final, Bleu se révèle comme un roman extraordinairement riche en émotions et Laurent Cappe, par ailleurs fondateur du Rollmops Théâtre de Boulogne, un auteur prometteur dont l’écriture est fine, sensible et d’une grande justesse.
Je le remercie donc pour m’avoir offert des moments de lecture inoubliables avec ce roman bouleversant empli d’humanisme !
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Bonjour, vous avez également lu "Le vallon des lucioles" d'Isla Morley sur le même thème et vous aviez beaucoup aimé, semble-t-il. Y a-t-il un traitement très différent mis à part le lieu où cela se passe, une sensibilité tout autre?