Yamen Manai, Prix Orange du Livre en Afrique 2022, partage avec nous sa bibliothèque idéale
Un jeune homme s'adresse tour à tour à son avocat et à un psychiatre venus lui rendre visite en prison. Avec une ironie mordante, le narrateur prend à parti ses interlocuteurs. Les charges qui pèsent sur lui sont sérieuses, mais il affirme ne rien regretter. Se dévoilent les raisons qui l'ont poussé au crime : un père qui l'a toujours humilié ; une société gouvernée par les apparences ; la domination des plus forts sans partage ;
La pauvreté, la saleté, le mépris des animaux et de l'environnement. Les seuls élans d'affection que le jeune homme a connus ont été ceux de Bella, le chiot qu'il a recueilli. Mais dans ce pays, on tue les chiens « pour que la rage ne se propage pas dans le peuple ». Pourtant la rage est déjà là. Alors quand Bella a été tuée, il a fallu la venger.
Yamen Manai, Prix Orange du Livre en Afrique 2022, partage avec nous sa bibliothèque idéale
Le choix des comités de lecture en Afrique et du jury international s’est porté sur "Bel abîme", éditions Elyzad (Tunisie)
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Je remercie Lecteurs.com, la fondation Orange et les éditions Elyzad pour cette découverte.
Chronique courte pour un roman court. Attention, cela ne veut pas dire que la chronique va être mauvaise (bien au contraire comme vous allez pouvoir vous en rendre compte) juste qu'il ne faut pas à mon sens trop en dévoiler sur le contenu de cette pépite pour éviter de gâcher le plaisir de lecture.
Quelques mots quand même sur l'histoire narrée ici par Yamen Manai. Ce roman est un échange entre un jeune garçon et plusieurs protagonistes : un avocat commis d'office et un docteur. Ce jeune garçon va raconter sa découverte de la vie mais aussi des injustices. L'esprit de révolte, la rage anime ce garçon jusqu'à la rencontre qui va tout changer. Il va nouer une relation très forte avec Bella, relation qui sera le point de départ d'une suite d'évènements dramatiques.
Je ne vais pas en dire plus et d'ailleurs il faut aussi souligner cette quatrième de couverture parfaite qui ne dévoile pas grand-chose dans le résumé, laissant ainsi tout le loisir au lecteur de découvrir les faits au fil de sa lecture. Les émotions ressenties en sont considérablement renforcées.
Percutant. C'est le mot qui me semble le plus approprié pour résumer ce roman. Le style littéraire est percutant, le récit est percutant, les personnages sont percutants... Bref, le lecteur ne sort pas indemne de ce roman si petit mais pourtant incroyablement dense en émotions. Ce roman m'a tout simplement laissé pantois.
Au-delà du récit qui restera sans nul doute gravé dans ma mémoire, ce livre regorge de petites pépites. Ainsi, je ne résiste pas à la tentation de vous glisser ici un petit passage qui a retenu mon attention : "Vous connaissez ce proverbe ? La parole de nos ancêtres ? Elli kraw métou : Ceux qui ont lu sont morts eux aussi. Oh mes aïeux ! Lire ne donne pas de pouvoir, lire ne sauve pas ? Cela ne fait aucune différence, on finit toujours les pieds devant ? Ok, lire ne rend pas immortel, je vous l’accorde, mais ça rend moins con, et ça, c’est déjà beaucoup.". C'est loin d'être la seule pépite qu'il me restera de ce roman mais pour découvrir les autres, il va vite falloir vous le procurer et le dévorer.
Vous l'avez compris, j'ai adoré ce court roman qui dégage une puissance incroyable et il restera probablement un moment dans un coin de ma tête. Sans hésiter une seule seconde, je vous le recommande donc fortement !
Difficile de trouver les mots pour décrire ce que m’a fait ressentir « Bel abîme ». Le monologue de cet adolescent tunisien de 15 ans attendant d’être jugé pour des actes dont on apprendra le détail en cours de roman, est tout simplement saisissant. Prenant à partie ses différents interlocuteurs successifs, il dévoile bribe par bribe son parcours et ce qui l’a poussé à agir. Ce qui transparait de ces pages, c’est une rage profonde, une fureur face à l’état de son pays et sa société, face aux injustices et aux renoncements auxquels il se retrouve confronté. Le ton est rythmé et percutant et tient le lecteur en haleine d’un bout à l’autre. Difficile pour lui de reposer le livre totalement indemne tant il a l’impression de ressentir physiquement les différents coups que la vie a réservé au narrateur. Une expérience de lecture très forte !
En quelques pages, ce roman signé Yamen Manai, donne la parole à un jeune garçon dont le prénom n’est jamais révélé.
Celui-ci s’adresse tour à tour à un avocat commis d’office, maître Bakouche, qu’il refuse d’appeler maître et le nomme monsieur.
Ensuite, c’est au docteur Latrache, un psychiatre, à qui il dit tout ce qu’il a sur le cœur. Puis il revient à l’avocat.
Loin d’être ennuyeuses, ces confidences, ce vécu qu’il raconte sont d’une simplicité désarmante et d’une efficacité impressionnante.
Notre garçon parle de la Tunisie - son pays est celui de l’auteur -, de sa famille, de ses relations avec ses camarades. Je suis impressionné, ému au possible en lisant cela.
Pour Bel abîme, Yamen Manai a obtenu le Prix Orange du Livre en Afrique 2022 et c’est formidable qu’un tel livre soit mis en lumière, sorte de l’anonymat, comme cela arrive, hélas, à la plupart des publications.
Sans divulgâcher, il faut d’emblée avouer que ce garçon, âgé de 15 ans, a tiré sur son père, sur le maire et sur le ministre de l’environnement sans oublier un autre homme payé pour… je ne le dirai pas.
Yamen Manai m’impressionne car le langage du jeune homme est dépouillé, direct, sans fioriture. Le nom de Bella revient souvent mais…
J’ai été particulièrement sensible à ce qu’il dit sur sa vie familiale, ce mépris, cette brutalité que l’on retrouvent aussi à l’école. Son tableau de la société tunisienne, de la crasse, de l’état lamentable des quartiers périphériques de Tunis et même des plages, est révoltant.
À propos de révolte, voilà qu’il démonte toute la révolution tunisienne (décembre 2010 – janvier 2011) devenue une légende merveilleuse à donner en exemple au reste du monde. Hélas, on n’en parle plus et celui qui s’exprime et en dénonce les effets pervers, est vite ostracisé. Les problèmes existant auparavant se sont aggravés, d’une manière sournoise. Il le prouve mais cette légende est la plus forte. Elle fait tellement plaisir à ceux qui s’en réclament mais font tout pour ne pas en appliquer les principes.
Plongeant dans ce Bel abîme, notre adolescent révèle une force incroyable. Sans esbroufe, Yamen Manai lui fait raconter tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il vit. Son père, docteur en civilisation arabo-musulmane, ne cherche qu’à épater la galerie avec sa voiture dernier cri mais n’hésite pas à gifler son gosse dès qu’une réflexion lui déplaît.
Il y aurait tant à dire sur cette lecture qui m’a, à la fois passionné et bouleversé. Le garçon qui s’exprime dresse un tableau d’un réalisme incroyable. Yamen Manai le fait s’exprimer simplement et cela suffit à mettre mal à l’aise le monde des adultes qui se complaisent dans leurs avantages acquis et ferment les yeux sur l’injustice, le laisser-aller, la misère, la pollution et bien d’autres maux, dans des opérations de prestige, dans la communication ou, pire, pour faire la guerre.
Lisez Bel abîme ! Vous n’en sortirez pas indemnes. Le livre est court et terrible. Il se lit facilement et le Prix Orange du Livre en Afrique 2022 qu’il a obtenu, est amplement mérité. Nicolas Zwirn, de Lecteurs.com, a bien fait de me le recommander et je l’en remercie chaleureusement.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Wahou ! Quelle claque...
Besoin de respirer...
Encore un peu...
"Bel abîme" est un témoignage puissant d'amour pour Bella, une jolie petite chienne, dont la complicité avec le narrateur est presque fusionnelle. D'autant plus puissant que les chiens, en Tunisie, ne semblent pas forcément les meilleurs amis des hommes...
Le récit démarre par un interrogatoire, mené en soliloque, qui tiendra les 110 pages et souligne l'isolement, la solitude et la misère du jeune gamin (on pourrait croire que le narrateur et l'auteur ne font qu'un tellement les émotions décrites sonnent vraies, je n'ai pas vraiment fait attention, mais je ne pense pas que le nom du narrateur soit cité) dans un pays qui n'a pas l'air tendre avec les hommes, ni avec personne finalement. Éducation à la dure...
Les premières pages décrivent des éléments de la violence quotidienne et sont même dures à lire, agressantes. J'ai dû prendre le temps pour les accueillir.
On comprend la folie, le délit du jeune homme, bien sûr on ne cautionne pas, mais la démarche est intelligible, probablement libératrice. Et on se demande finalement qui est le plus fou, le moins humain ?
Une lecture certes éprouvante, mais qui véhicule des émotions pures, qui réchauffent le coeur. J'ai aimé ce contraste, et j'encourage Toi, Toi et Toi aussi à découvrir ce court roman.
Bel abîme a reçu le Prix Orange du Livre en Afrique 2022, élu par le Jury du site lecteurs.com, oui oui, le site sur lequel cette chronique est publiée :).
Je ne sais pas avec quels autres ouvrages il se retrouvait en compétition, mais je remercie le Jury (et le site qui m'a fait cadeau de ce roman) de m'avoir fait découvrir ce récit, que je n'aurais probablement pas trouvé tout seul.
Étant moi-même jury cette année du Prix BD (lisez les Lettres Perdues de Jim Bishop ;)), j'ai trouvé des échos avec des lectures BD plus ou moins récentes.
Je les livre en vrac :
* L'arabe du futur de Riad Satouf, récit de l'enfance du jeune Riad en Lybie et en Syrie, pays à l'éducation spartiate également
* Cabot caboche de Grégory Panaccione, adaptation d'un roman jeunesse de Daniel Pennac, sur la rencontre et l'amour progressif entre un petit chien qui louche et une petite fille bougonne et égoïste
* Toby mon chien encore de Grégory Panaccione, un aveu d'amour pour la race canine et plus précisément pour Toby...
J'espère que mes quelques lignes vous rendront curieux et vous permettront de parcourir ces belles histoires.
M. Yamen Manai nous livre un émouvant récit dans « Bel abîme ». Ce récit, c’est celui d’une révolte, celle d’un adolescent qui est passé à l’acte, et qui ne regrette rien.
Il a quinze ans seulement, et il a été emprisonné. Il va livrer à son avocat et à un psychologue le pourquoi de son passage à l’acte, tenter de mettre des mots sur sa révolte face à l’injustice. Il s’agit d’une belle parabole, courte et efficace, sur les maux d’une jeunesse tunisienne sans avenir, qui a cru que le changement initié en 2011 amènerait une nouvelle Tunisie, plus libre, plus égalitaire, plus juste. Ce jeune, à travers l’histoire tragique de Bella, a compris qu’il n’en a rien été. Violence et injustice sont toujours là, et conduiront ici à une dérive sanglante, à la plongée dans l’abîme du titre.
Le style est percutant, les courts chapitres et le rythme de l’écriture collent parfaitement à l’histoire qui nous est livrée, celle d’une indignation et d’un immense ras-le-bol. Assurément à découvrir.
Les différentes chroniques illustrent tous les intérêts (et une certaine universalité, malgré ses singularités) de ce petit opus qui mérite bien son "Prix Orange du livre en Afrique 2022".
J'ajouterais juste que l'intrication entre l'adolescent et sa chienne Bella est une des clefs, que la couverture choisie permet de voir (à tous les sens du terme) : magnifique œil d'un chien dans lequel se reflète une silhouette, accompagnant la "confession" :
"L'amour, je ne l'ai vu que dans ses yeux et cela m'a transformé. Croyez-moi, un enfant trouve dans un chien ce qu'il ne trouve pas en mille hommes ... " (p 82)
Une phrase assez terrible, illustrant le mal-être de sa solitude et ce qu'il a pu trouver avec Bella.
Bel abîme de Yamen Manai est un petit roman qui n’a de petit que le nombre de pages, guère plus d’une centaine ! C’est en fait un roman puissant et percutant.
C’est de manière originale que nous découvrons peu à peu ce qui est arrivé à un jeune garçon tunisien de quinze ans, grâce à deux interlocuteurs auxquels l’adolescent s’adresse, un avocat, Maître Balouche et un psychiatre, le docteur Latrache, venus lui rendre visite en prison. Au fil de ce soliloque, nous comprenons peu à peu la révolte qui a grandi et grondé en lui face aux brimades de son père qui n’a eu de cesse de l’humilier et face aux injustices et au mépris de la société pour les petites gens. C’est sans aucune déférence et avec une ironie mordante qu’il leur explique sa situation et la justifie.
Les livres dans un premier temps lui permettent d’oublier le présent et surtout de se faire oublier.
Mais ce sera Bella, petite chienne minuscule d’un jour ou deux qu’il a trouvée quand il avait douze ans, en rentrant de l’école et qu’il a recueillie contre le gré de ses parents, Bella, devenue son amie, son amour, avec qui il va nouer un amour inconditionnel, qui lui donnera le courage d’affronter ses peurs : « Tout au long de notre relation, elle n’a eu de cesse de faire ressortir ma meilleure face, la plus brave, la plus digne, et de forger en moi une force que je ne me soupçonnais pas ».
Aussi, quand Bella est tuée, impossible de laisser cet acte impuni, il faudra bien la venger…
C’est un long cri de rage et de douleur que pousse le jeune homme, donnant à comprendre tout le mal être de la société tunisienne et notamment des jeunes, une dizaine d’années après la révolution. S’adressant à son pays, il dit « Je lui murmurais que l’un comme l’autre, nous étions un bel abîme dans lequel les rêves se sont échoués... »
Les jeunes, en effet, las de vivre dans la misère, confrontés à un monde de façades, une société gouvernée par les apparences et la religion avec une perspective réduite et décevante, sont fatigués de ces gérontocraties corrompues qui méprisent les plus faibles à commencer par les animaux. Et quand un gouvernement lance une campagne régionale d’abattage de chiens errants et charge les agents municipaux de les tuer par balles dans les rues de certaines villes, on ne peut qu’être indigné, tout comme l’est le narrateur. À la question de ce dernier à l’agent, « Pourquoi vous les exterminez ? », la réponse sera « Pour que la rage ne se propage pas dans le peuple »…
En reconstituant un fait divers situé dans le contexte politique de la Tunisie d’aujourd’hui, Yamen Manai offre au lecteur un texte fort et bouleversant qui se lit d’une seule traite tant on est tenu en haleine et déchiré en découvrant ce terrible et cruel éveil au monde qu’a vécu ce garçon.
Bel abîme se lit comme un superbe conte philosophique où violence et douceur se percutent et qui engage le lecteur à une réflexion sur le monde actuel.
Avec ce roman, Yamen Manai a été lauréat en 2022, du 4e prix Orange du Livre en Afrique, un prix amplement mérité.
Je remercie chaleureusement et très sincèrement Nicolas Zwirn de lecteurs.com pour cette magnifique découverte et j’encourage vivement chacun à se plonger illico dans cette lecture passionnante.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Une écriture simple, vive, sous la forme d'une seule voix lors d'un dialogue (il fallait y penser).
Une histoire pleine de tendresse, dans un milieu hostile, violent, stupide.
Une histoire d'amour tendre, sans concession, sans fioriture (mais sûrement pas l'amour que vous imaginez) qui renvoie la cruauté des hommes dans le panier.
Cela donne à réfléchir sur tous ces humains qui ferment les yeux sur un monde parfois bien injuste et cruel, afin de ne surtout pas déranger leur petit confort.
Sublime !
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