Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Toute leur vie, c'est deux-là se sont aimées à se haïr. Un duel à mort.
À ma droite : la mère, Maud Cunard, richissime héritière d'une célèbre ligne de paquebots, mécène internationale à la conversation exquise, grande dame pétrie de conformisme.
À ma gauche : sa fille, Nancy Cunard. Excessive, audacieuse, scandaleuse, muse et amante d'Aragon, de Neruda, d'Aldous Huxley. De tous les combats pour la liberté, pour l'égalité raciale, pour le progrès social...
D'accord sur rien. Semblables en tout.
De la guerre qui les oppose, aucune ne sortira victorieuse.
Maud Cunard et sa fille Nancy ont toutes les deux traversé leur époque en croisant aristocrates et monde de l'art.
Mais c'est sous le prisme de la relation torturée de ces deux femmes qu'Alexandra Lapierre a choisi de les raconter.
C'est un parti pris qui va nous montrer essentiellement leurs failles, leur noirceur, leur ambivalence et leurs douleurs alors que Nancy fut une muse d'Aragon et s'engagea pour l'égalité raciale.
Il y a peu de légèreté dans ce récit.
C'est un court roman qui rappelle, une nouvelle fois, que les blessures d'enfance, les violences sexuelles et le manque d'amour vous marquent à jamais.
Maud et Nancy Cunard, mère et fille, incarnent à elles deux une certaine image de la femme du début du XXème siècle. Riches, belles, intelligentes, séductrices, brillantes et surtout libres. Maud attire le tout Londres dans son salon et soutient les arts, surtout la musique. Nancy, qui fut notamment la maîtresse d’Aragon, immortalisée par Man Ray et écrivaine consacrât une partie de sa vie à lutter contre le racisme et le fascisme. Mais surtout, et c’est cet aspect qui est traité par Alexandra Lapierre, Maud et Nancy se vouèrent une lutte terrible, à coup d’écrits, de petites phrases assassines et de coups bas poussant au plus extrême la confrontation mère-fille.
Alexandra Lapierre mène ici un véritable travail d’enquêtrice pour nous amener dans l’intimité de ces deux femmes exceptionnelles à bien des égards. Sous la forme de deux dialogues que chacune d’entre elles mène (Maud avec une voix intérieure et Nancy avec son amie Diana), la relation entre la mère et la fille se dévoile. Les rancœurs, les frustrations, les querelles, les accusations remontent à la surface pour mettre au jour les dessous d’un lien aussi fort que destructeur. Le portrait de Maud est peu flatteur : cynique, cruelle, d’une mauvaise foi sans égale. De son côté, Nancy paraît ici être plus victime que bourreau, subissant dans son enfance une mère qui la délaisse ou la traite en poupée, l’éloigne puis vient la rechercher pour en faire une espèce de double, la privant d’un amour et d’un soutient maternels indispensables. On n’est pas surpris que la fille se soit rebellée ! Et que, comble de la révolte et de l’outrage pour l’époque, elle soit devenue la maîtresse d’un musicien noir.
Et pourtant, Alexandra Lapierre nous laisse à entendre que ce n’est évidemment pas si simple, que la complexité de la relation n’a d’égale que la complexité psychologique de ces deux femmes qui ont dû aussi se construire dans une époque où ne pas accepter les conventions signifiait se soumettre au jugement des autres. L’auteur nous livre ici un récit particulièrement intense, portée par deux femmes fortes au tempérament volcanique. Elle ausculte avec précision cette relation malsaine et ses femmes qui ne se contentent pas de vivre leur haine à huis-clos mais qui prennent le monde à témoin de leur affrontement et le mettent en scène dans des joutes épiques.
Cela donne envie d’en savoir plus sur l’une et l’autre de ces femmes, indépendamment de leur relation, sur leurs vies, les personnalités qu’elles ont croisées, les chemins qu’elles ont parcourus.
D’abord, la mère Maud… Richissime héritière américaine, amateur éclairée, femme cultivée et collectionneuse d’art, mécène dans l’Angleterre du XXe. Cette séductrice est terriblement conformiste, elle se fond dans le rang pour garder la place qu’elle a obtenu de haute lutte et ne veut perdre à aucun prétexte.
Puis Nancy, la fille…Elle est élevée par des nurses et délaissée par sa mère, qui va certainement la jalouser pour sa beauté et le risque quelle lui fait courir avec ses amants. Elle est belle cette femme que l’on découvre en couverture du roman, dans cette inoubliable photo de Man Ray en 1926, les bras parés d’innombrables bracelets anciens en ivoire. La fortune ? Elle nait avec, il ne lui reste donc qu’à trouver comment la dilapider et s’en servir, pour son plaisir celui de la cour qui l’entoure, puis rapidement pour s’opposer à sa mère, lutter contre le racisme anti noirs et pour l’égalité de tous dans la société dans laquelle elle vit. Véritable muse adulée par les artistes et les intellectuels, femme libre et sans entrave, elle partage la vie d’Aragon, de Neruda puis d’Aldous Huxley. Courageuse et désintéressée (mais comment ne pas l’être quand la fortune est là quoi qu’elle fasse) elle s’engage auprès des républicains pendant la guerre d’Espagne. Elle vit ensuite avec Henry Crowder, son grand amour, un noir américain qui lui vaudra l’ire de sa mère. Touchée par les implications de la ségrégation, elle publie un livre sur l’histoire de la négritude aux Etats-Unis, Negro : An Anthology publié en 1934. Nancy Cunard décède dans la solitude en 1965.
Ces deux héroïnes ont tout pour faire une œuvre romanesque et vibrante de liberté. Quelle violence cette lutte à mort entre ces femmes, alors qu'elles auraient eu tout pour vivre en bonne intelligence. Mais sans doute fallait-il batailler pour affirmer une indépendance et une soif d’égalité qui n’entrait pas dans le moule des convenances.
Alexandra Lapierre est une passeuse d’histoire et de témoignage sur des personnages forts qui ont marqué l’Histoire à leur façon.
Lire la chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/06/25/avec-toute-ma-colere-alexandra-lapierre/
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